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Confirmation d’un jugement en appel

Le 26 février 2024, la Cour d’appel rendait jugement dans une affaire où un adolescent s’est vu à la fois condamner sous la LSJPA et sous le régime adulte.

Dans cet arrêt, la Cour devait analyser les prétentions du ministère public à l’encontre de la décision sur la peine rendue par la juge de première instance. Les motifs d’appel concernaient l’application par cette dernière du principe de totalité, prévu au Code criminel et plus largement, l’étendue de la discrétion d’un tribunal de première instance lors de l’imposition d’une peine.

Les faits à l’origine de l’appel sont simples : la juge de première instance a imposé une peine spécifique à l’adolescent, en ordonnant par ailleurs que cette peine soit purgée de manière concurrente à une peine imposée antérieurement en vertu d’accusations sous le régime adulte.

Le ministère public en appelle de cette décision en soutenant que la décision d’imposer la peine spécifique de manière concurrente à l’autre peine constitue une erreur de principe et qu’en sus, la décision n’est pas suffisamment motivée.

En référant aux précédents pertinents, la Cour d’appel rappelle le processus qui doit être suivi par un juge chargé de déterminer la peine appropriée suite à une déclaration de culpabilité « dans le cas d’infractions multiples où les circonstances peuvent amener le juge d’instance à ordonner que les peines soient purgées de façon concurrente ou consécutive ». La Cour ajoute que même si un juge devait s’écarter de cette démarche, il n’en résulte pas nécessairement une erreur révisable et à cet effet cite un passage de l’arrêt R. c. Desjardins, rendu par cette même cour :

[43] Je ne propose pas une approche formaliste. Dans la mesure où les motifs concernant la détermination de la peine permettent de constater que la peine à l’égard de chacun des chefs a été établie de façon raisonnée et transparente et que la peine totale est le résultat de cet exercice, la méthode serait correcte.

[50] Cependant, le fait que le juge a employé la méthode de la peine globale ne signifie pas nécessairement que la peine totale imposée est manifestement non indiquée. Tel que le souligne le juge Rowe dans R. v. A.T.S.: « that does not automatically mean the trial judge’s sentence is ‘clearly unreasonable/demonstrably unfit.’ A trial judge may apply faulty methodology and yet impose a sentence that is reasonable, in the exercise of his/her discretion. »

Et d’ajouter, en citant l’arrêt R. c. Norbert, de cette même cour :

[6] L’article 718.3(4) C.cr. énonce quatre situations pour lesquelles un juge peut ordonner des périodes consécutives d’emprisonnement.  Dans les cas prévus à cet article, le juge possède un pouvoir discrétionnaire.  Toutefois, il doit s’assurer de l’impact total des peines que le contrevenant sera appelé à purger consécutivement et s’assurer que la période d’emprisonnement totale est juste et appropriée.  L’opportunité des peines consécutives doit être examinée à la lumière de l’article 718.3(4) C.cr. et le juge doit se garder d’imposer une peine globalement excessive.

En rappelant la déférence qui s’impose en pareille matière vis-à-vis une décision de première instance se prononçant sur la peine appropriée, la Cour rejette l’argument avancé par le ministère public.

Concernant la suffisance des motifs, la Cour convient que les motifs rédigés par la juge de première instance sont succincts et même « laconiques » à certains égards, mais conclut finalement que « même si elle est peu loquace, ses motifs au soutien de cette décision sont compréhensibles et ressortent du dossier ».

La Cour conclut son analyse en rappelant les principes de détermination de la peine applicables en matière jeunesse pour étayer davantage sa conclusion selon laquelle la peine globale n’est pas manifestement non-indiquée.

La Cour rejette ainsi l’appel logé par le ministère public.

Demande d’assujettissement rejetée

Le 31 août dernier, la Cour de justice de l’Ontario rendait publics les motifs du juge A.A. Ghosh relativement à une demande de la Poursuite d’assujettir un adolescent à une peine applicable aux adultes.

Pour rappel, l’article 72 (1) de la LSJPA prévoit que le tribunal pour adolescents doit être convaincu de l’existence des deux conditions cumulatives suivantes afin d’assujettir un adolescent à une peine applicable aux adultes :

a) la présomption de culpabilité morale moins élevée dont bénéficie l’adolescent est réfutée;

b) une peine spécifique conforme aux principes et objectif énoncés au sous-alinéa 3(1)b)(ii) et à l’article 38 ne serait pas d’une durée suffisante pour obliger l’adolescent à répondre de ses actes délictueux.

Concluant que la Poursuite a satisfait au premier critère, le juge se tourne vers le second aspect de l’analyse.

Les accusations portées contre l’adolescent concernent une possession d’arme à feu chargée et de cocaïne en vue d’en faire le trafic et une décharge d’arme à feu avec insouciance. L’adolescent est bien connu des services policiers et du juge lui-même, ayant de multiples antécédents judiciaires et des tendances criminelles bien documentées.

Il s’agit d’un adolescent aux prises avec une histoire psychosociale complexe et démontrant une certaine capacité à bénéficier de la réadaptation. On retiendra également que l’adolescent est, au moment de l’imposition de sa peine, sous détention provisoire depuis 20 mois. Il s’agit cependant aussi d’un adolescent peu enclin à intégrer des valeurs prosociales en communauté et bien ancré dans un cycle criminogène.

Le juge prend soin de rappeler les enseignements de la Cour d’appel de l’Ontario sur la notion de responsabilisation – accountability – liée à l’analyse du deuxième critère de l’article 72 de la LSJPA:

[40] Our Court of Appeal has identified accountability in the YCJA context as the equivalent to the adult sentencing principle of retribution. Further, it recognized the close connection between moral culpability and retribution. Retribution represents an objective, reasoned and measured determination of an appropriate punishment which properly reflects the “moral culpability of the offender, having regard to the intentional risk-taking of the offender, the consequential harm caused by the offender and the normative character of the offender’s conduct”.

Une peine spécifique sous la LSJPA est-elle conséquemment suffisante pour obliger cet adolescent à répondre de ses actes délictueux? Le juge conclut par l’affirmative, notamment en se prêtant à une analyse comparative de la peine adulte qui pourrait être imposée en circonstances connexes.

Bien qu’il admette que la suggestion de peine adulte formulée par la Poursuite se situe dans une fourchette raisonnable (6-7 ans de pénitencier), le juge conclut que la jurisprudence milite en faveur d’une peine plus courte, entre 5 et 6 ans de pénitencier. En tenant compte de la période purgée par l’adolescent sous détention provisoire et en accordant un crédit supplémentaire pour cette période, le juge infère que l’imposition d’une peine spécifique de placement et de surveillance de 3 ans, comme le prévoit la Loi, équivaut à toutes fins pratiques à la durée d’une peine adulte appropriée en les circonstances.

Le juge conclut ainsi:

[70] In imposing such a sentence, I will have effectively sentenced H.A.Q. under the youth regime to some semblance of a 5-and-a-half-year custodial term, mindful of the presentence custody. I find that is within the lower end of the available range for a young adult in similar circumstances. As unwieldly as that observation admittedly is, it signals that such a youth sentence is of sufficient length to hold this young person accountable for the serious offences he has committed.

Pour lire la décision, c’est ici.

Assujettissement rejeté pour un adolescent coupable de meurtre prémédité; il écope tout de même de la peine spécifique maximale

Dans une décision motivée de 26 pages, le Juge Perreault rejette la demande d’assujettissement de la poursuite dans le contexte d’un meurtre prémédité.  

Rappelons que l’adolescent en cause a plaidé coupable à une accusation de meurtre au premier degré, punissable d’une peine spécifique maximale de 10 ans dont un maximum de 6 ans de garde (article 42q)i) de la LSJPA). La peine pour une adulte est beaucoup plus lourde : 25 ans. L’enjeu était donc de taille.

L’adolescent, 16 ans au moment des faits, avait commis le meurtre de son beau-père avec l’aide de trois complices adultes, dans le but de voler 2700$ à sa mère. Or, la mère était absente au moment des événements et les complices n’ont jamais trouvé l’argent. Le beau-père a été attiré puis essentiellement battu à mort, au domicile.  

La poursuite demandait un assujettissement à une peine pour adulte, invoquant que la présomption de culpabilité moindre était renversée et que la peine spécifique ne serait pas suffisante pour faire répondre l’adolescent de ses actes.

Le juge rappelle d’abord qu’en matière d’assujettissement, le fardeau de la preuve repose sur la poursuite en tout temps.

Quant à l’exercice qui lui incombe, le juge affirme :

« les deux éléments prévus à l’article 72(1) doivent faire l’objet d’une analyse minutieuse effectuée en deux temps. Si le ministère public ne convainc pas le Tribunal que la présomption de culpabilité morale moindre est renversée, la question de la durée suffisante de la peine ne se pose pas et une peine spécifique doit être imposée. Toutefois, il appert et il est logique que certains facteurs nécessaires à l’analyse sur le premier élément puissent être pertinents sur le deuxième élément. Ainsi, la preuve deux critères se fait simultanément. »

Le juge rappelle aussi que le principe de culpabilité morale moindre a été élevé au rang de principe de justice fondamentale. Lors de l’analyse de ce premier élément, parmi les critères à analyser se retrouvent notamment : la gravité de l’infraction, les circonstances de sa perpétration, l’âge de l’adolescent au moment du crime, sa maturité, sa personnalité, ses antécédents et ses condamnations antérieures.

Après avoir entendu notamment une psychologue, un psychiatre, une délégué-jeunesse, le juge retient entre autres :

  • Une histoire de vie difficile (consommation de ses parents, absence du père, placement en famille d’accueil);
  • De la consommation de drogues, des problèmes de santé mentale, un TDAH au moment des faits;
  • Caractère influençable, grande immaturité, et désir fort d’appartenir à un groupe;
  • Aucun antécédent ni sanction extrajudiciaires avant les événements ;
  • Un risque très faible de récidive;
  • Des progrès importants depuis son placement sous garde, et une bonne capacité de réadaptation;

A noter qu’autant la délégué jeunesse que le psychiatre étaient d’avis que la durée de la peine spécifique était suffisante pour faire répondre l’adolescent de ses actes.

Le juge conclut que la poursuite ne s’est pas déchargée de son fardeau de renverser la présomption. Le premier critère n’étant pas rempli, il doit donc se demander quelle est la peine spécifique la plus appropriée, la peine maximale spécifique pour meurtre prémédité étant 10 ans dont 6 de garde.

Sur cet aspect, le juge impose la peine spécifique maximale sans tergiversation : « la gravité, les circonstances du crime et ses impacts sur les personnes affectées par ce crime militent pour l’imposition de la peine maximale de dix ans. Le processus de réhabilitation de l’adolescent milite aussi pour la durée maximale de peine. »

Le juge rappelle également qu’il doit tenir compte du temps passé en détention provisoire (ici, environ 37 mois), mais qu’il bénéficie d’une large discrétion se faisant. A part pour 2 mois où l’adolescent a fait du surplace au niveau de sa réadaptation, le juge souligne les grands progrès et le comportement exemplaire du jeune en centre ; il déduit donc 3 ans du total de 6 ans de garde fermée.

Vu la nature du crime, cette décision avait fait l’objet de l’attention des médias locaux.

La décision en version intégrale est disponible ici.

Assujettissement confirmé par la Cour d’appel de l’Ontario

Le 24 mai 2023, la Cour d’appel de l’Ontario était appelée à se prononcer sur la justesse d’un jugement de première instance imposant à un adolescent une peine applicable aux adultes.

Il s’agit d’une histoire particulièrement sordide où plusieurs adolescents ont participé au meurtre d’un autre adolescent tué par balle, à bout portant, « execution-style », comme le nomme la Cour d’appel. Ainsi, l’appelant s’est vu imposer une peine applicable aux adultes, soit l’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 10 ans.

À noter, la décision de première instance remonte à juin 2014 et les faits de l’affaire, à novembre 2010.

Parallèlement, les deux co-accusés, s’étant fait initialement imposer la même peine que l’appelant, ont, en 2017, obtenu de la Cour d’appel une nouvelle sentence, cette fois en vertu de la LSJPA, puisque le juge de première instance s’était mal dirigé en droit (voir article publié par Me Bruno Des Lauriers en février 2017, ici). L’appelant n’a pas eu le bénéfice de cette nouvelle sentence puisqu’elle concernait l’applicabilité du programme intensif de réadaptation auquel l’appelant n’était pas admissible.

Qu’en est-il concernant l’appelant? Rappelons que ce dernier est celui qui a tiré le coup de fusil ayant mis fin aux jours la victime.

L’un des motifs soulevés par l’appelant à l’encontre de la décision de première instance concerne le défaut pour le juge d’avoir adéquatement considéré la présomption de culpabilité morale moins élevée, pierre angulaire de la LSPJA et codifiée à l’article 3 (1) b).

La Cour d’appel conclut que le juge de première instance a effectivement fait défaut de considérer la notion de culpabilité morale moins élevée. À l’époque, l’article 72 (1) LSJPA ne prévoyait pas que le tribunal devait spécifiquement considérer que la présomption de culpabilité morale moins élevée était renversée par la Poursuite pour ordonner l’assujettissement, comme c’est le cas depuis les amendements législatifs de 2012. Par contre, dès 2008, la Cour suprême élevait au rang de principe de justice fondamentale la présomption de culpabilité morale moins élevée. Bien que les amendements de 2012 n’étaient pas en vigueur au moment de l’infraction, ils l’étaient au moment où le juge de première instance a rendu sa décision et ainsi, conjointement avec la décision de la Cour suprême de 2008, imposaient au juge de considérer la présomption de culpabilité morale moins élevée dans son analyse :

« [39]      The youth court judge’s reasoning for sentencing SB to an adult sentence does not mention the Presumption. As this court noted in R. v. W.(M.), at para. 83, the silence on this issue is concerning. The Crown submits that the youth court judge must be presumed to know the law. More specifically, the Crown argues that embedded in the youth court judge’s assessment of SB’s maturity is the finding that the Presumption was rebutted. I do not agree. The Presumption is not merely a common law requirement for youth sentencing; it is a principle of fundamental justice. The constitutionality of the adult sentencing regime under the YCJA relies on the proper consideration and application of the Presumption to cases such as SB’s. Given the importance of this principle, it was incumbent on the youth court judge to identify and discuss the Presumption in his reasons. I cannot take his silence to mean that he did. This is an error in principle which justifies intervention by this court ».

Ceci étant, un nouvel examen des principes applicables à la détermination de la peine sous la LSJPA mène la Cour d’appel à la même conclusion que le juge de première instance quant à la peine applicable. Ainsi, la peine est confirmée et l’appel est rejeté.

Pour lire la décision, c’est ici.

Assujettissement à une peine applicable aux adultes pour un ado reconnu coupable de proxénétisme

Radio-Canada Info publiait le 28 novembre un article relatif à une affaire entendue à la Chambre de la jeunesse – l’honorable Dominic Pagé – dans le cadre de laquelle un adolescent a été reconnu coupable de proxénétisme et assujetti à une peine applicable aux adultes.

Rappelons que l’assujettissement à une peine applicable aux adultes demeure une décision lourde de sens et exceptionnelle dans le système de justice pénale pour adolescents, en lien avec les objectifs de la LSJPA. Le tribunal appelé à statuer sur une telle demande doit recevoir une preuve le convaincant que :

a) la présomption de culpabilité morale moins élevée dont bénéficie l’adolescent est réfutée;

b) une peine spécifique conforme aux principes et objectif énoncés au sous-alinéa 3(1)b)(ii) et à l’article 38 ne serait pas d’une durée suffisante pour obliger l’adolescent à répondre de ses actes délictueux.

Le juge a insisté sur le risque sérieux de récidive chez l’accusé, sur des remords exprimés sans réelle intention, en ajoutant que l’accusé « semble davantage préoccupé par son image, sa réputation et son avenir que par ceux des victimes ».

L’adolescent s’est vu imposer une peine d’emprisonnement de 5 ans.

La décision n’est toujours pas publiée à ce jour, mais pour lire l’article, c’est ici.

Peine maximale pour un adolescent en matière de terrorisme

Dans R. v. M.S., l’adolescent doit recevoir sa peine suite à des plaidoyers de culpabilité en matière de terrorisme et de substance explosive. Au moment des faits, l’adolescent est âgé d’à peine moins de 16 ans. Il est âgé de 19 ans au moment de recevoir sa peine, après avoir passé la majeure partie des trois dernières années en détention.

L’adolescent reconnaît avoir créé et diffusé sur Internet une présentation PowerPoint dans laquelle il explique comment fabriquer une bombe à l’aide d’un autocuiseur. Contacté par un policier du FBI qui se faisait passer pour un loup solitaire djihadiste, l’adolescent lui a envoyé des instructions afin de fabriquer une bombe et de la placer dans un lieu public, dans l’objectif de tuer des infidèles et promouvoir l’avancement de la cause de l’État islamique. Lors de l’arrestation de l’adolescent, du matériel de fabrication de bombe a été retrouvé dans sa chambre.

L’adolescent a admis que son intention était de commettre un acte terroriste puisqu’il croyait que les Nations Unies, dont le Canada, étaient responsables des atrocités qu’il avait vues et vécues en Syrie.

La juge Elaine Deluzio de la Cour de justice de l’Ontario doit imposer à l’adolescent sa peine. L’enjeu principal en lien avec la détermination de la peine résidait dans le fait que le ministère public avait avisé de son intention de demander l’assujettissement de l’adolescent à une peine pour adultes. Le ministère public avait toutefois informé la juge de son intention de revoir sa position sur cette question une fois l’ensemble de la preuve quant à la détermination de la peine serait entendue.

Finalement, les parties ont soumis à la juge Deluzio une suggestion commune à l’effet d’imposer à l’adolescent la peine spécifique maximale prévue à l’alinéa 42(2)n) LSJPA, soit 3 ans de placement sous garde et surveillance, sans accorder de crédit pour la détention provisoire.

Au stade de la détermination de la peine, la preuve soutenait que l’adolescent avait effectué d’importants progrès dans différentes sphères. Une amélioration comportementale notable en détention était observée. L’adolescent avait cheminé positivement dans sa scolarisation. L’adolescent avait dû faire face pendant la pandémie de COVID-19 à un diagnostic d’une forme agressive de sclérose en plaques. Le plaidoyer de culpabilité de l’adolescent était perçu favorablement par la juge en regard à la réadaptation de celui-ci. Les différents rapports préparés pour le tribunal faisaient état d’un adolescent activement impliqué dans les différents programmes s’adressant aux causes sous-jacentes à son passage à l’acte.

Pour ces raisons, la juge Deluzio entérine la suggestion commune des parties et impose à l’adolescent une peine de placement et surveillance d’une durée de 3 ans en vertu de l’article 42(2)n) LSJPA. Les 2 premières années devront être purgées sous garde et la dernière année sous surveillance dans la collectivité.

Demande d’assujettissement à une peine pour adulte accueillie pour un adolescent coupable de meurtre au second degré

Rappel des faits. En février 2019, dans un logement de Limoilou, l’accusé, alors âgé de 17 ans, a poignardé sa mère à mort, parce qu’elle lui avait confisqué un appareil électronique. L’adolescent présente une déficience intellectuelle légère et un trouble du spectre de l’autisme. Deux ans après le drame, au terme d’un procès, la juge Fannie Côtes de la Cour du Québec, chambre de la jeunesse, a rejeté la défense de non-responsabilité pour cause de troubles mentaux et a condamné l’adolescent coupable de meurtre au second degré.

Suite au verdict, la poursuite demandait à ce que l’adolescent soit assujetti à une peine pour adulte. Advenant qu’elle soit accueillie, cette demande ferait en sorte que l’adolescent (maintenant adulte) serait condamné à une peine beaucoup plus lourde que s’il s’agissait d’une peine infligée en vertu de l’article 42 (2)(q)(ii) de la LSJPA.

Rappelons que l’assujettissement demeure une mesure exceptionnelle. Le tribunal l’ordonne s’il est convaincu que la présomption de culpabilité morale moins élevée dont bénéficie l’adolescent est réfutée et qu’une peine pour adolescents serait d’une durée insuffisante pour répondre aux objectifs de la LSJPA. Selon les orientations des directeurs provinciaux, la gravité objective de l’infraction ne peut constituer, en soi, le seul élément justifiant une recommandation d’assujettissement puisqu’il est essentiel de prendre en considération les caractéristiques de l’accusé, le sens de sa conduite, le niveau de risque qu’il présente et les possibilités de réadaptation et de réinsertion.

Finalement, à l’avant-veille de Noel, la juge Côtes a accueilli la demande d’assujettissement et a déterminé que l’adolescent serait soumis à une peine pour adulte. Entre autres, la juge a retenu les éléments suivants: 1) il n’est pas possible d’espérer à court, moyen ou long terme une réhabilitation suffisante de l’adolescent; 2) sa réhabilitation est tributaire de sa mobilisation, qui est inexistante; 3) l’atteinte d’un plateau sur le plan de la réhabilitation; 4) l’intérêt marqué de l’adolescent pour la violence et sa propension vers le morbide; 5) son risque de récidive élevé.

Pour approfondir la notion d’assujettissement, le lecteur pourra se référer au contenu de la trousse à ce sujet, ainsi qu’à la section pertinente du Manuel de référence.

L’assujettissement pour la pire fusillade de masse de l’histoire de Toronto

Dans R. v. Owusu, l’adolescent maintenant adulte loge un appel à l’encontre de la peine applicable aux adultes qu’il s’est vu imposer en décembre 2016 pour des accusations, notamment, de meurtre au second degré et tentative de meurtre.

Les infractions dont l’adolescent a été déclaré coupable sont liées à la pire fusillade de masse de l’histoire de Toronto, alors que l’adolescent, âgé de 17 ans, a ouvert le feu lors d’une fête où il n’était pas le bienvenu. Deux personnes sont mortes et plus d’une vingtaine ont été blessées, dont un enfant âgé de moins de deux ans.

L’argument principal en appel de l’adolescent est à l’effet que le juge de première instance aurait erré en imposant une peine applicable aux adultes parce qu’il comprenait mal l’ordonnance de placement et de surveillance dans le cadre d’un programme intensif de réadaptation (42(2)r) LSJPA) et a conclu qu’elle ne serait pas une peine efficace dans les circonstances. L’appelant appuie son argumentaire sur la décision R. v. M.W. que nous avons traitée en 2017.

Au moment de recevoir sa peine en 2016, l’adolescent était désormais âgé de 21 ans et allait donc devoir purger sa peine dans un établissement correctionnel pour adultes. Le juge de première instance a conclu qu’une peine spécifique en vertu de 42(2)r) LSJPA verrait son efficacité entravée parce que l’adolescent serait tenu de purger sa peine dans un établissement provincial pour adultes conformément à l’art. 89 de la LSJPA et perdrait le financement/la programmation lié à sa peine si une ordonnance l’obligeait à purger sa peine dans un pénitencier fédéral.

La Cour d’appel de l’Ontario conclut toutefois que l’appel de l’adolescent doit être rejeté. Elle ne voit aucune erreur méritant son intervention et identifie des différences importantes entre la situation de l’adolescent et celle traitée dans l’arrêt R. v. M.W. La cour conclut ainsi :

In summary, there is no basis to interfere with the sentencing judge’s conclusions that the Crown had rebutted the presumption of reduced moral culpability; that only an adult sentence would hold the appellant accountable for his role in the events that led to two murders and more than 20 people being injured; that only an adult sentence was commensurate with the damage that was done; and, that only an adult sentence would provide for the ongoing supervision of the appellant he found necessary.

La Cour d’appel de l’Ontario écarte ensuite les autres arguments secondaires de l’adolescent pour finalement rejeter son appel et confirmer la peine imposée en première instance.

Assujettissement à une peine pour adultes

Les médias ont récemment annoncé l’intention du DPCP de présenter une demande d’assujettissement à une peine pour adultes dans le dossier de meurtre commis à l’Ile-des-Sœurs.

Comme le rappel la Trousse LSJPA, le cadre général en matière d’assujettissement est le suivant :

« Les procureurs des poursuites criminelles et pénales peuvent présenter, de façon exceptionnelle, une demande pour qu’un adolescent de plus de 14 ans soit assujetti à une peine pour adultes.  Ce type de demande est fait à la première occasion ou plus tard avec l’autorisation du tribunal seulement. Elle peut être présentée lorsque l’adolescent a commis une infraction pour laquelle un adulte serait passible, s’il est reconnu coupable, d’une peine de plus de deux ans de prison au sens de Code criminel. Ces demandes peuvent être présentées lorsque le procureur estime que la gravité du délit ou les antécédents de l’adolescent le justifient.
L’audition sur la demande en vue de déterminer si l’adolescent doit être assujetti ou non à une peine pour adultes aura lieu au moment de la détermination de la peine. Si la demande d’assujettissement est contestée par l’adolescent, le directeur provincial devra produire un rapport afin d’aider le tribunal à décider si l’adolescent doit recevoir une peine spécifique ou une peine pour adulte. Le tribunal ordonnera l’assujettissement à une peine applicable aux adultes s’il est convaincu que la présomption de culpabilité morale moins élevée dont bénéficie l’adolescent est réfutée et qu’une peine pour adolescents serait d’une durée insuffisante pour répondre aux objectifs de la LSJPA »

Rappel des étapes, les articles référant à la LSJPA :

– Avis de la demande d’assujettissement donné par le DPCP avant le plaidoyer ou avec l’autorisation du tribunal avant le début du procès, art. 64;

– L’adolescent fait le choix prévu à l’art. 67(2), soit juge du tribunal pour adolescent, juge sans jury, tribunal composé d’un juge et d’un jury;

Si l’adolescent est reconnu coupable, au moment de l’audition sur la détermination de la peine :

Si la demande est contestée, le tribunal doit :

– Donner aux parties, incluant aux parents, l’occasion de se faire entendre, art. 71;

– examiner le rapport pré-décisionnel, art. 72 (3);

-Le tribunal ordonnera l’assujettissement à une peine applicable aux adultes s’il est convaincu que la présomption de culpabilité morale moins élevée est réfutée et qu’une peine pour adolescents serait d’une durée insuffisante pour répondre aux objectifs de la LSJPA, art. 73 [rappel : le fardeau de la Couronne n’est pas hors de tout doute raisonnable, mais bien un fardeau assimilé à la prépondérance de preuve] ;

Si l’adolescent est assujetti à une peine pour adultes et que le juge lui impose une peine d’emprisonnement, il doit :

– Exiger la préparation d’un rapport pour déterminer le lieu où l’adolescent purgera sa peine, art. 76 (4) ;

– Donner l’occasion de se faire entendre à l’adolescent et ses parents, au DPCP, au DP et aux représentants des systèmes correctionnels fédéral et provincial, art. 76(3) ;

– Déterminer le lieu d’emprisonnement, soit un lieu de garde à l’écart de tout adulte (automatique si l’adolescent est âgé de moins de 18 ans), soit dans un établissement correctionnel pour adultes, soit dans un pénitencier si c’est une peine de plus de deux ans (art. 76).

Assujettissement et facteurs Gladue

Dans R. v. Anderson, l’adolescent loge un appel à l’encontre de la peine applicable aux adultes lui ayant été imposée en première instance pour une infraction de meurtre au second degré. Suite à une relation sexuelle avec la victime, atteinte d’une lenteur intellectuelle, l’adolescent l’a suivie puis frappée à la tête avec une pierre à répétition. L’adolescent craignait de devenir la risée de sa petite communauté si la victime révélait leur relation sexuelle. Il est opportun de préciser que l’adolescent est de descendance autochtone du côté maternel.

Le crime est demeuré non résolu pendant près de trois ans. Le juge de première instance, dans sa décision d’assujettir l’adolescent à une peine pour adultes, avait mis beaucoup de poids à la conduite de l’adolescent suite à l’infraction, qui était parvenu à délibérément échapper à la justice. Le juge de première instance a pu bénéficier d’un rapport prédécisionnel / rapport Gladue ainsi que de deux évaluations psychologiques afin de rendre la peine.

Le juge chargé d’imposer la peine a l’obligation légale de tenir compte des circonstances particulières propres aux délinquants autochtones. (Articles 38(2)d) et 50(1) LSJPA et 718.2e) C.cr., voir aussi R. c. Gladue et R. c. Ipeelee). L’adolescent reproche notamment au juge de première instance d’avoir fait défaut de respecter cette obligation dans le cadre de sa décision sur l’assujettissement. Il cite particulièrement un passage du jugement de première instance : « it would defy common sense here to assess [the young person] or his blameworthiness through the Gladue lens. »

Analysant les arguments en appel de l’adolescent, le juge Mainella de la Cour d’appel du Manitoba reconnaît que celui touchant la question de l’application des facteurs Gladue mérite une attention particulière. La Cour reconnaît que le fait pour un juge de première instance de ne pas pleinement analyser les facteurs Gladue pour les délinquants autochtones constitue une erreur de principe justifiant l’intervention en appel. Pour la Cour, l’article 72(1)(a) LSJPA qui traite de la nécessité de repousser la présomption de culpabilité morale moins élevée dans une demande d’assujettissement, doit être lu à la lumière de l’article 50(1) LSJPA qui prévoit l’application de l’article 718.2e) C.cr. La Cour conclut que ce choix délibéré du législateur indique qu’il est essentiel de considérer les facteurs Gladue à toutes les étapes de détermination de la peine sous la LSJPA, incluant les deux volets de l’analyse de l’article 72(1) LSJPA.

Malgré les propos du juge de première instance concernant les facteurs Gladue, la Cour est d’avis que cela ne signifie pas que le juge ne les a pas considérés. La Cour tire plutôt la conclusion, compte tenu des circonstances, que le juge a pris la décision d’accorder peu de poids aux facteurs Gladue dans son analyse de l’article 72(1) LSJPA. Effectuant sa propre analyse du test de l’article 72(1) LSJPA, tout en considérant les facteurs Gladue, la Cour conclut que ces facteurs ne jouent pas un rôle important. Malgré les facteurs Gladue relevés au rapport prédécisionnel, la Cour ne peut conclure que la culpabilité morale de l’adolescent en était affectée.

Quant à la suffisance d’une peine spécifique au sens de l’article 72(1)b) LSJPA, à nouveau, la Cour d’appel confirme l’obligation pour le juge d’analyser ces facteurs lors d’une demande d’assujettissement. Encore une fois, la Cour conclut que les facteurs Gladue relevés au dossier ne sont pas suffisants pour rendre suffisante une peine spécifique, compte tenu des circonstances de « cette infraction, commise par ce délinquant, ayant causé du tort à cette victime, dans cette communauté. » La Cour d’appel rejette donc l’appel de l’adolescent.