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Le port du masque de procédure empêche t il le tribunal d’apprécier la crédibilité d’un témoin?

Dans une décision récente, la juge Bolduc a dû trancher une objection assez inusitée.

Dans cette affaire, l’accusé faisait face à des accusations d’agressions sexuelles. Le Ministère public demandait que l’enregistrement vidéo de la déclaration de la plaignante, mineure, soit admis en preuve, conformément à 715.1 Code criminel. La déclaration de la victime avait été enregistrée environ 10 mois après les faits reprochés.

L’accusé s’objectait au dépôt de l’enregistrement video au motif que la victime portait un masque de procédure (conformément aux règles sanitaires applicables à ce moment) couvrant une partie de son visage, le privant ainsi de son droit à une défense pleine et entière. Pour l’accusé, le fait que le visage de la victime ne soit pas visible dans son ensemble portait aussi atteinte à la bonne administration de la justice puisque le juge serait empêché de constater les expressions faciales du témoin, et ainsi d’apprécier sa crédibilité. L’accusé alléguait également que le fait que l’enquêteuse soit à plus de 2 mètres (mesures sanitaires obligent) et donc hors du champ de la caméra lui portait également préjudice. Finalement, sans s’objecter formellement pour ce motif, l’accusé questionnait également le caractère raisonnable du délai de 10 mois.

Rappelons que l’article 715.1. du Code criminel permet à certaines conditions de déposer l’enregistrement video de l’entrevue faite avec une victime mineure :

Témoignages — victimes ou témoins âgés de moins de dix-huit ans

715.1 (1) Dans les procédures dirigées contre l’accusé, dans le cas où une victime ou un témoin est âgé de moins de dix-huit ans au moment de la perpétration de l’infraction reprochée, l’enregistrement vidéo réalisé dans un délai raisonnable après la perpétration de l’infraction reprochée et montrant la victime ou le témoin en train de décrire les faits à l’origine de l’accusation est, sauf si le juge ou le juge de paix qui préside est d’avis que cela nuirait à la bonne administration de la justice, admissible en preuve si la victime ou le témoin confirme dans son témoignage le contenu de l’enregistrement.

Pour le ministère public, toutes les conditions de 715.1. étaient remplies.

Au terme de son analyse, la Juge rejette l’objection de l’accusé et autorise le dépôt de la video policière. La Juge s’exprime ainsi :

[21]                       Ainsi, l’objectif premier visé par l’article 715.1. du Code criminel est de préserver le meilleur récit ou le meilleur souvenir des événements de la victime ou du témoin afin de pouvoir aider à la découverte de la vérité.

[22]                       Cette disposition permet aux enfants et aux adolescents, pour qui il est souvent difficile de faire face au processus judiciaire, de rendre témoignage et d’être entendu de la manière la plus fiable possible.

[23]                       Pour être admissible en preuve, le Ministère public doit établir, selon la balance des probabilités, les quatre éléments prévus à l’article 715.1 du Code criminel.

[24]                       D’abord, la victime ou le témoin doit être âgé de moins de 18 ans au moment de la perpétration de l’infraction reprochée. En l’espèce, la plaignante avait 16 ans.

[25]                       Il doit être ensuite démontré que l’enregistrement vidéo de la déclaration a été réalisé dans un délai raisonnable après la perpétration de l’infraction reprochée. En l’espèce, les faits reprochés se sont produits le 27 juillet 2020, et l’enregistrement de la déclaration, 10 mois plus tard, soit le 26 mai 2021.

[26]                       La plaignante explique qu’elle a continué de côtoyer l’accusé à la suite de l’incident. Elle a ressenti de la honte et de la culpabilité. Elle s’est finalement confiée à un ami, qui en a parlé à l’éducatrice du milieu scolaire, et la mère a été informée de la situation. Rapidement, les policiers ont été contactés, soit le 12 mai 2021, puis la plaignante a été rencontrée par l’enquêteuse, qui a procédé à l’entrevue vidéo quelques jours plus tard, soit le 26 mai.

[27]                       Le législateur n’a pas précisé ce que constitue un délai raisonnable pour procéder à l’enregistrement de la déclaration vidéo, laissant au juge des faits l’appréciation de celui-ci à la lumière des circonstances propres à l’affaire.

[28]                       En l’espèce, un délai de 10 mois apparaît raisonnable considérant notamment la nature de l’infraction reprochée et la proximité entre l’accusé et la plaignante. Cette dernière explique qu’elle connaissait l’accusé depuis environ un an et demi. Bien qu’ils ne fréquentaient pas la même école, elle l’avait côtoyé à plusieurs occasions, notamment lors de partys, et le considérait comme un ami. Elle mentionne aussi avoir été sous le choc à la suite de l’incident.

[29]                       Le Ministère public doit établir, comme troisième élément, que l’enregistrement vidéo montre la victime ou le témoin en train de décrire les faits à l’origine de l’accusation.

[30]                       Dans la présente affaire, le visionnement de l’entrevue permet de voir la plaignante relater les faits qui ont conduit à l’accusation portée contre l’accusé. Toutefois, celle-ci porte un masque de procédure qui lui couvre la bouche et le nez, en raison des règles sanitaires strictes alors en vigueur. C’est principalement cette situation qui mène à la contestation de la part de l’accusé.

[31]                       L’accusé soumet que l’enregistrement vidéo de la déclaration de la plaignante ne devrait pas être admis en preuve pour valoir son témoignage puisque cela nuirait à la bonne administration de la justice et affecterait l’équité du procès. Il soutient que le fait que la plaignante porte un masque de procédure opaque le prive, de même que le juge, de pouvoir apprécier sa crédibilité en observant notamment ses expressions faciales.

[36]                       Dans l’affaire qui nous occupe, l’article 715.1. du Code criminel permet, à certaines conditions, que soit utilisé pour valoir le témoignage de la plaignante au procès l’enregistrement vidéo de la déclaration qu’elle a fournie à l’enquêteuse. Cela équivaudrait donc à permettre son témoignage alors que son visage était partiellement couvert d’un masque de procédure opaque.

[37]                       L’article 715.1 prévoit cependant que l’utilisation de l’enregistrement vidéo pour valoir le témoignage de la victime ou du témoin est conditionnelle au fait qu’elle ou qu’il confirme dans son témoignage au procès le contenu dudit enregistrement.

[38]                       Ainsi, dans la présente affaire, la plaignante sera présente au procès, pour rendre témoignage. Elle sera également disponible pour être contre-interrogée par la défense, et à cette occasion, elle déposera à visage découvert. Il sera donc possible, tant pour l’accusé que le juge, d’observer ses expressions faciales et les changements dans son comportement qui sont susceptibles d’avoir un impact sur l’appréciation de sa crédibilité.

[39]                       Il faut par ailleurs garder à l’esprit que la crédibilité d’un témoin ne s’évalue pas uniquement par ses expressions faciales, mais aussi, de façon non limitative, par la façon dont elle rend témoignage, par sa façon de répondre aux questions, de livrer son récit, par ses hésitations, sa voix, ou son langage corporel. De nombreux éléments doivent ainsi être considérés, et la façon dont a été captée la déclaration de la plaignante et celle dont sera tenu le procès en l’espèce permettront au juge de pouvoir procéder à une telle évaluation.

[40]                       Il faut se rappeler qu’il appartient au juge du procès d’évaluer, à la lumière de l’ensemble de la preuve reçue, la valeur probante des différents témoignages entendus. (nos surlignements)

Pour lire la décision intégrale, c’est par ici.

Arrêt des procédures ordonné pour un adolescent dont le droit au silence a été bafoué de façon flagrante lors de son interrogatoire

Dans une décision récente et fort intéressante, l’Honorable juge Savard de la Cour du Québec accueille une demande en arrêt de procédures, au motif que le droit au silence de l’adolescent avait été bafoué par la policière ayant procédé à son interrogatoire. La juge devait également trancher un voir dire sur l’admission en preuve de déclarations du jeune en vertu de 146 LSJPA.

Les faits étaient les suivants: l’adolescent faisait face à un chef d’accusation d’agression sexuelle et avait seulement 14 ans au moment de son interrogatoire. Le 18 octobre 2021, il se présente au poste de police accompagné de sa mère pour l’exécution d’un mandat visé contre lui, mandat signé par un juge. Il est alors mis en état d’arrestation et interrogé pendant une période de 6 heures 17 minutes.

La chronologie précise de l’interrogatoire est importante au dénouement de l’affaire donc nous la résumons ici. Dès son entrée en salle d’interrogatoire vers 9h22, la juge retient que l’accusé demande la présence de sa mère pour l’assister, demande qu’il va réitérer à 6 reprises avant qu’elle ne soit finalement accordée vers 11h31 (donc deux heures plus tard). Ce n’est qu’à 15h23 que l’adolescent est informé qu’il sera remis en liberté sous conditions. L’accusé a également été informé de ses droits constitutionnels. Toutefois, pendant sa détention, l’accusé va mentionner à la policière à pas moins de 15 reprises qu’il veut garder le silence, qu’il n’a rien à dire, qu’il ne veut pas parler et qu’il ne veut pas répondre aux questions. Malgré ces protestations répétées, la policière continue l’interrogatoire. De plus, elle utilise plusieurs techniques questionnantes, notamment d’invoquer à tort que de l’ADN de l’accusé a été trouvé dans la trousse médicolégale de la victime, qu’elle sait qu’il ment, que le juge ayant émis le mandat visé pense qu’il s’agit d’un dossier « très clair » etc. Finalement, vers 14h46, sans s’admettre coupable, l’adolescent finit par faire une déclaration incriminante.

La juge réitère d’abord les protections particulières s’appliquant aux adolescents, qui sont jugés plus vulnérables à la pression policière, et elle s’exprime ainsi quant aux faits de l’affaire en l’espèce:


[77]      (…) il y a lieu de s’interroger sur le respect du droit de l’adolescent d’être assisté par sa mère, et ce, dès le moment de son arrestation. L’explication donnée par l’enquêtrice pour ne pas faire droit à la demande de l’accusé dès son arrestation ne peut justifier un tel refus. Elle explique avoir attendu que le volet informationnel soit terminé, car elle voulait s’assurer que l’accusé comprenait bien ses droits et surtout qu’il ne se sentait pas mal à l’aise de discuter des faits (de nature sexuelle) devant sa mère. Il devait donc être informé qu’à tout moment, il pouvait demander l’exclusion de sa mère.

[78]      Avec respect, ceci aurait très bien pu être fait en présence de la mère ou encore juste avant qu’elle entre en salle d’interrogatoire. L’accusé connaissait ses droits puisqu’il avait consulté un avocat avant la rencontre et l’enquêtrice en avait été informée. Il était bien au fait que sa mère pouvait l’assister et c’est exactement la première demande qu’il a formulée. L’enquêtrice a fait fi des demandes multiples de l’accusé et ce faisant, elle a omis de mettre en œuvre les protections spéciales accordées aux adolescents.

[79]      Par ce refus, l’accusé s’est retrouvé dans une situation de grande vulnérabilité et de stress. L’enquêtrice aurait dû faire droit immédiatement à sa demande d’être assisté par sa mère. L’enquêtrice a fait fi de son droit, et ce, basé sur sa propre interprétation subjective des besoins de l’accusé. Elle aurait dû écouter et faire droit à la demande de l’accusé.

[80]      Mais ceci n’est que la pointe de l’iceberg. L’interrogatoire qui va s’en suivre pendant près de quatre heures est un cas flagrant de violation par l’enquêtrice du droit au silence de l’accusé.

[81]      Le Tribunal ne peut pas, comme le fait valoir la poursuite, isoler en séquences l’interrogatoire de l’accusé. C’est le contexte global de cette détention prolongée que le Tribunal doit analyser pour évaluer si, par sa conduite, l’enquêtrice a violé le droit de l’accusé de garder le silence. Agir autrement déconsidérerait grandement la valeur à accorder aux droits fondamentaux protégés par la Charte en plus de banaliser les gestes répréhensibles de l’État. L’interrogatoire de l’accusé doit être analysé comme un tout. C’est le cumul des violations commises par l’enquêtrice qui rend répréhensible sa conduite. (…)

Ensuite, la juge analyse les principes dégagés par la jurisprudence en matière d’interrogatoire et retient:

[89]      La Cour suprême a réitéré à plusieurs reprises l’importance que revêt l’interrogatoire dans le travail d’enquête des policiers. Le droit d’un accusé de garder le silence ne lui accorde pas le droit de ne pas se faire adresser la parole par les policiers.

[90]      Dans l’arrêt Hebert, la Cour souligne toutefois l’importance que l’enquête policière se fasse dans le respect des droits fondamentaux du prévenu. Il doit y avoir un juste équilibre entre les intérêts de la personne détenue et ceux de l’État. On y énonce que « la persuasion policière qui ne prive pas le suspect de son droit de choisir ni de son état d’esprit conscient ne viole pas le droit de garder le silence »Il y a toutefois des limites : « Si le suspect choisit de faire une déclaration, il peut le faire. Mais si le suspect choisit de ne pas en faire, l’État ne peut pas utiliser son pouvoir supérieur pour faire fi de la volonté du suspect et nier son choix ».

[91]      La question suivante se pose : jusqu’à quel point peut-on user de persuasion envers l’accusé qui souhaite choisir le silence pour la convaincre de passer aux aveux sans brimer son libre arbitre?

[92]      La Cour d’appel répond à cette question dans R. c. Otis.  La Cour y dégage certains principes afin de mieux comprendre l’étendue du pouvoir de persuasion:

1)   Il est légitime de donner l’opportunité aux policiers de poursuivre leur enquête afin d’obtenir des aveux;

2)   En dépit des aveux spontanés qui peuvent toujours survenir, l’expérience démontre que c’est l’interrogatoire qui généralement permet de convaincre une personne de passer aux aveux;

3)   Tout en concédant aux policiers le pouvoir de persuader une personne de passer aux aveux en dépit de son intention exprimée de garder le silence, doit être prise en compte la position de force qu’occupe celui qui interroge le sujet qui est en situation de dépendance;

4) Quand une personne fait valoir son droit, on ne peut l’ignorer et agir comme si elle y avait renoncé;

5) Dans l’état actuel du droit, ce sont à la fois les facteurs objectifs et subjectifs qui doivent être examinés dans la détermination du caractère volontaire des aveux, règle qui met essentiellement en cause ce qui a influé sur le libre arbitre;

6) Outre la règle énoncée au paragraphe précédent, la Charte garantit à la personne détenue son droit au silence et quand elle choisit le silence, « l’État ne peut utiliser son pouvoir supérieur pour faire fi de la volonté du suspect et nier son choix »;

7) Si à l’égard de l’al. 10 b), les policiers ont l’obligation d’accorder à la personne détenue ou arrêtée une possibilité raisonnable de consulter un avocat sans délai, ils doivent donc suspendre leur interrogatoire jusqu’à ce que cette personne ait eu cette possibilité raisonnable.

[93]      Dans cette même décision, la Cour, se référant à l’arrêt R. c. Liew, rappelle qu’il n’est pas nécessaire de faire la preuve d’un climat d’oppression pour établir la violation du droit au silence.

[94]      Dans Buttino c. R., la Cour d’appel note que la persuasion policière à des limites. Est interdite « la persuasion policière qui prend la forme de pression ou contrainte, physique ou psychologique, ou toute ruse ou stratagème qui prive de fait le suspect de son droit de choisir librement ou de conserver son choix ». La Cour souligne que « le droit au respect de son choix n’est pas, pour reprendre cette métaphore, un parapluie qu’on enlève lorsqu’il pleut ».

(nos soulignements).

Au terme de son analyse détaillée, la juge conclut que seul le droit au silence a été violé, que la conduite de l’État est choquante et abusive, qu’elle mine l’intégrité du processus judiciaire et doit être dénoncée, et que seul un arrêt des procédures peut constituer le remède approprié. Elle conclut aussi que les prescriptions de l’article 146 LSPJA n’ont pas non plus été respectées et que la déclaration n’était pas libre et volontaire. Conséquemment, elle ordonne un arrêt des procédures.

Le Tribunal doit apprécier le témoignage des plaignant.es ET des accusé.es selon leur âge aux moments des faits

Dans un arrêt du 13 décembre 2022, la Cour d’appel se prononce sur une affaire d’atteinte à la pudeur et de grossière indécence remontant à…1965. En effet, dans l’arrêt LSJPA – 2232, la Cour est saisie d’un pourvoi à l’encontre de déclarations de culpabilités pour des infractions remontant entre 1965 à 1967.

L’appelant, qui a été déclaré coupable en première instance, était âgé de 15 à 18 ans au moment des faits. La plaignante était quand à elle âgée entre 9 et 11 ou 12 ans au moment des faits. Le procès s’est tenu en 2019, soit plus de 50 ans après les faits et l’accusé et la plaignante ont donc témoigné sur des événements qui ont eu lieu alors qu’ils étaient enfants.

La Cour d’appel annule les déclarations de culpabilités pour plusieurs motifs relativement à l’appréciation de la crédibilité et de la fiabilité des témoignages. Plus particulièrement, la Cour note que le juge de première instance a considéré le jeune âge de la plaignante au moment des faits au moment d’apprécier son témoignage, mais qu’il aurait dû faire de même pour l’accusé, qui était également un adolescent au moment de certains faits reprochés:

[67]  S’il était approprié de considérer le témoignage de la plaignante sous l’éclairage de son jeune âge au moment des événements, il était tout aussi approprié de considérer que l’appelant n’était âgé que de 15 et 18 ans au moment des événements et que son témoignage pouvait être apprécié de la même façon.

Ainsi, cet arrêt de la Cour d’appel rappelle l’importance que l’ensemble des témoignages prenne en considération le jeune âge du/de la témoin/déclarant.e lors de son appréciation et notamment que les propos de la Cour suprême trouvent écho en matière de témoignage d’enfants: « pour ce qui est de la partie de son témoignage qui porte sur les événements survenus dans son enfance, s’il y a des incohérences, surtout en ce qui concerne des questions connexes comme le moment ou le lieu, on devrait prendre en considération l’âge du témoin au moment des événements en question » (R. c. W. (R.), 1992 CanLII 56 (CSC), [1992] 2 RCS 122).

L’arrêt Friesen et les peines rendues en vertu de la LSJPA

Dans une décision récente, la Cour du Québec a du se pencher sur la peine appropriée à infliger à un adolescent coupable d’agression sexuelle.

La trame factuelle est la suivante: l’adolescent, 16 ans aux moment des faits, plaide coupable d’avoir agressé sexuellement sa meilleure amie, elle aussi âgée de 16 au moment des faits. Essentiellement, l’accusé a eu des relations sexuelles complètes avec sa victime alors qu’il croyait celle-ci endormie. La victime présentait plusieurs séquelles en lien avec l’agression subie.

Le débat se situait au niveau de la peine: la poursuite réclamait une peine de garde de 4 mois à être purgée en milieu fermé suivie d’une période de probation de 24 mois, tandis que la défense proposait 120 heures de travaux bénévoles et une probation de 24 mois avec suivi. L’auteur du rapport pré décisionnel soumis recommandait quant à lui une probation de 24 mois avec suivi de même que l’accomplissement de travaux bénévole. Une peine de garde ou pas: telle était la question. La poursuite invoquait notamment les principes de l’arrêt de la Cour suprême dans R. c. Friesen pour justifier sa demande de garde.

D’abord, la juge Beaumont réitère certains principes propres au sentencing en LSJPA, pour conclure que la garde au sens de l’article 39(1)a) LSJPA serait possible en l’espèce compte tenu que l’agression sexuelle répond à une « infraction avec violence ». Aux paragraphes 14 à 19, la juge ajoute toutefois:

[14]      La Cour suprême dans l’arrêt R. c. C.D.K de 2005 confirme l’objectif de restreindre le recours à la garde pour les jeunes soumis à la LSJPA.

[15]      Cette même cour écrit en 2006 dans l’arrêt R. c B.W.P que la dissuasion générale ne constitue pas un principe de détermination de la peine sous le régime actuel. Le législateur favorise plutôt la protection du public en s’attaquant aux causes sous-jacentes à la criminalité chez les adolescents en mettant l’accent sur leur réadaptation et leur réinsertion sociale.

[16]      La poursuite dépose au soutien de sa demande de garde fermée une décision de la Cour provinciale de la Nouvelle-Écosse qui condamne un adolescent à une peine de garde fermée pour une infraction de la même nature et présentant des faits similaires à la présente cause.

[17]      Or, cette décision a été cassée en appel le 10 juin 2022 et la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a substitué à la peine de garde une peine de 12 mois de probation avec différentes conditions.

[18]      Dans cette affaire, la Cour d’appel reconnaît que l’agression sexuelle est intrinsèquement violente, doit être dénoncée et cause des préjudices importants aux victimes. Toutefois, elle invite les tribunaux à la prudence dans l’utilisation de l’arrêt Friesen en matière de délinquance juvénile. En effet l’arrêt Friesen concerne des peines à donner à des adultes coupables de crimes sexuels envers des enfants selon des principes de détermination de la peine qui ne s’appliquent pas aux adolescents.

[19]      Ainsi, les principes qui régissent la détermination de la peine en vertu de la Loi ne sont en aucun cas atténués ou modifiés par l’arrêt Friesen qui ne doit pas servir de prétexte pour imposer une peine plus sévère aux adolescents. (nos soulignements)

Après avoir soupesé l’ensemble de la preuve, notamment le fait que rien n’indiquait que l’adolescent ne se soumettrait pas à une peine ne comportant pas de garde, la juge se rend à l’opinion de l’auteur du rapport pré décisionnel et ordonne une peine de 24 mois de probation et 175 h de travaux bénévoles.

Déclaration orale dirigée vers une tierce personne lorsqu’un policier est présent

Dans R. v. T.S., le juge Anand de la Cour provinciale de Saskatchewan, doit décider de l’admissibilité en preuve d’une déclaration de l’adolescent. Lors de l’arrestation de l’adolescent à son domicile, sa mère est sur place et le presse de questions quant au couteau utilisé lors de l’infraction, et ce, en présence du policier. C’est dans ce contexte que l’adolescent formule certaines déclarations incriminantes, en répondant aux questions de sa mère. En aucun temps le policier n’a informé l’adolescent des droits prévus à l’article 146 LSJPA (droit au silence, droit à l’avocat, droit de consulter un parent, droit à la présence d’un avocat, etc.)

Est-ce qu’une déclaration faite par l’adolescent à sa mère, en présence d’un policier, est une déclaration faite à « une personne en autorité d’après la loi » au sens de l’article 146 LSJPA? C’est la première question que doit trancher le juge Anand. Si la réponse à cette question est positive, les protections prévues à l’article 146 LSJPA s’appliquent et la déclaration est présumée inadmissible en preuve.

Le juge Anand conclut que la déclaration de l’adolescent a effectivement été faite à une personne en autorité d’après la loi pour les raisons suivantes :

[28] […] Therefore, an accused’s statement will be deemed “made to a person in authority” even when it is directed to, or prompted by, a private person as long as the person in authority overhears the statement and the accused has subjective awareness of the person in authority’s presence and reasonably considers him or her to be a person in authority.

Ceci étant dit, le ministère public argumente que la déclaration faite par l’adolescent était spontanée et que le policier n’avait pas eu le temps de se conformer aux dispositions de l’article 146 LSJPA, ce qui rendrait la déclaration admissible (146(3) LSJPA).

Le juge Anand rejette cet argument en se basant notamment sur une décision de la Cour d’appel de l’Ontario et une de la Cour provinciale de l’Alberta.

[36] […] In R v A.N., the mother of a youth who had learned that the police suspected her son of having committed a break and enter brought him to the police station. She then directed him to tell something to the police officer on duty. The youth responded by making an inculpatory statement to the officer. Judge LeGrandeur ruled that this statement was given in response to an external stimulus, specifically the direction of the youth’s mother. Consequently, he held that the youth’s statement was not spontaneous. Because the police did not give the youth the appropriate YCJA cautions, prior to him making his statement, the Court ruled that the youth’s statement was inadmissible (A.N. at para. 17).

[37] I see no reason why Judge LeGrandeur’s reasoning would not be dispositive of the s.146(3) issue in the present case. Just as occurred in A.N., in the present case, T.S.’s statements were not spontaneous but rather were given in response to an external stimulus, the prompting of T.S.’s mother.

Pour toutes ces raisons, le juge Anand conclut que les déclarations de l’adolescent sont inadmissibles en preuve.

Infractions violentes commises en milieu scolaire: quelle peine infliger?

Très récemment, dans R v DA, 2022 ABPC 55, un juge albertain a dû se pencher sur la peine appropriée à infliger dans un contexte d’infractions impliquant l’usage de la violence, en milieu scolaire.

L’adolescent avait plaidé coupable à des accusations de vol qualifié et de voie de fait causant lésion. Il n’avait aucun antécédent. Il avait perpétré les deux infractions dans son milieu scolaire, à savoir dans le stationnement et dans la cafeteria de son école secondaire. Il s’agissait de deux événements distincts, mais rapprochés dans le temps, impliquant deux victimes. Le premier événement s’était produit dans le stationnement de l’école, et l’adolescent avait vaporisé du poivre de cayenne directement dans le visage de sa victime, en lui volant un cellulaire. Lors du deuxième événement, survenu dans la cafétéria, l’adolescent avait roué de coups la victime, un étudiant du même établissement, qui se trouvait alors vraisemblablement au mauvais endroit, au mauvais moment. Durant la commission des deux infractions, l’adolescent n’avait pas agi seul.

Le ministère public demandait au juge de rendre une peine de garde et surveillance suivi d’une probation, alors que la défense proposait plutôt une longue peine de probation.

Le juge fait une analyse détaillée des facteurs listés à l’article 38 (3) LSJPA et les applique aux faits en l’espèce.

Retenons que le juge souligne la violence aggravée et gratuite de l’acte perpétré, de même que les conséquences pour la victime (la deuxième victime a eu les dents cassées, impliquant des coûts importants de dentisterie liés aux blessures). La Cour souligne également le rôle majeur joué par l’adolescent dans les deux infractions, notamment son acharnement sur la victime immobilisée au sol. Quant au fait que les infractions aient été perpétrées par plusieurs personnes de façon concertée, le juge ajoute « when a person acts in concert with other members of a group or gang to victimize a single victim, that person must accept the consequences which flow from this group action. » Le magistrat souligne la préméditation des actes reprochés et le manque de remords et de cheminement de l’adolescent.

Le juge reconnaît également le fléau grandissant de la violence en milieu scolaire et l’importance de le dénoncer (en citant son collègue):

Violence involving young persons within the school system is an ever-growing concern in contemporary society … Schools must foster mutual tolerance and respect for the physical integrity of others. Students must realize that acts of violence intended to do serious bodily harm, which in fact cause bodily harm, will not be countenanced.

Au vue de ces circonstances, le juge conclut qu’une peine de probation ne serait pas appropriée dans les circonstances. Après avoir fait une revue de la jurisprudence en la matière, il condamne l’adolescent à 240 jours de garde et surveillance, suivi de 12 mois de probation.

Peine maximale pour un adolescent en matière de terrorisme

Dans R. v. M.S., l’adolescent doit recevoir sa peine suite à des plaidoyers de culpabilité en matière de terrorisme et de substance explosive. Au moment des faits, l’adolescent est âgé d’à peine moins de 16 ans. Il est âgé de 19 ans au moment de recevoir sa peine, après avoir passé la majeure partie des trois dernières années en détention.

L’adolescent reconnaît avoir créé et diffusé sur Internet une présentation PowerPoint dans laquelle il explique comment fabriquer une bombe à l’aide d’un autocuiseur. Contacté par un policier du FBI qui se faisait passer pour un loup solitaire djihadiste, l’adolescent lui a envoyé des instructions afin de fabriquer une bombe et de la placer dans un lieu public, dans l’objectif de tuer des infidèles et promouvoir l’avancement de la cause de l’État islamique. Lors de l’arrestation de l’adolescent, du matériel de fabrication de bombe a été retrouvé dans sa chambre.

L’adolescent a admis que son intention était de commettre un acte terroriste puisqu’il croyait que les Nations Unies, dont le Canada, étaient responsables des atrocités qu’il avait vues et vécues en Syrie.

La juge Elaine Deluzio de la Cour de justice de l’Ontario doit imposer à l’adolescent sa peine. L’enjeu principal en lien avec la détermination de la peine résidait dans le fait que le ministère public avait avisé de son intention de demander l’assujettissement de l’adolescent à une peine pour adultes. Le ministère public avait toutefois informé la juge de son intention de revoir sa position sur cette question une fois l’ensemble de la preuve quant à la détermination de la peine serait entendue.

Finalement, les parties ont soumis à la juge Deluzio une suggestion commune à l’effet d’imposer à l’adolescent la peine spécifique maximale prévue à l’alinéa 42(2)n) LSJPA, soit 3 ans de placement sous garde et surveillance, sans accorder de crédit pour la détention provisoire.

Au stade de la détermination de la peine, la preuve soutenait que l’adolescent avait effectué d’importants progrès dans différentes sphères. Une amélioration comportementale notable en détention était observée. L’adolescent avait cheminé positivement dans sa scolarisation. L’adolescent avait dû faire face pendant la pandémie de COVID-19 à un diagnostic d’une forme agressive de sclérose en plaques. Le plaidoyer de culpabilité de l’adolescent était perçu favorablement par la juge en regard à la réadaptation de celui-ci. Les différents rapports préparés pour le tribunal faisaient état d’un adolescent activement impliqué dans les différents programmes s’adressant aux causes sous-jacentes à son passage à l’acte.

Pour ces raisons, la juge Deluzio entérine la suggestion commune des parties et impose à l’adolescent une peine de placement et surveillance d’une durée de 3 ans en vertu de l’article 42(2)n) LSJPA. Les 2 premières années devront être purgées sous garde et la dernière année sous surveillance dans la collectivité.

Une Cour d’appel se prononce sur les conditions auxquelles une adolescente « pourra raisonnablement se conformer »

Le projet de loi C-75 a modifié le paragraphe 38(2) LSJPA, qui codifie les principes de détermination de la peine. Le nouveau paragraphe 38(2)(e.1) prévoit que le tribunal ne peut imposer des conditions à un adolescent que si certains critères sont remplis, notamment, que l’adolescent pourra raisonnablement s’y conformer.

Dans R. v. M.A.C., l’adolescente loge un appel à l’encontre de la peine imposée en première instance. L’adolescente s’était vue imposer une peine de probation de douze (12) mois qui contenait une condition de s’abstenir de posséder et de consommer du cannabis. Cette condition ne faisait pas partie de la suggestion commune des parties, qui avait pourtant été acceptée par le juge de première instance. Un rapport psychologique produit en vertu de l’article 34 LSJPA détaillait toutefois la sérieuse problématique de dépendance chez l’adolescente et formulait une recommandation de réduction des méfaits plutôt que d’abstinence.

La Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse est saisie de l’affaire. Après avoir étudié le dossier, elle accueille l’appel de l’adolescente, en raison des erreurs de droit commises par le juge de première instance.

Voici notamment ce qu’en dit la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse :

[27] […] Probationary conditions must be necessary to achieve these purposes and the young person must be reasonably able to comply with the condition. Otherwise, the condition is not to be imposed.

[28] The judge made no mention of these statutory provisions in his reasons. He did not indicate how he reconciled the inclusion of an “abstain” condition in the Probation Order with them. His focus on abstinence was grounded in his view that cannabis use by young persons is illegal and harmful and something he was “not going to condone”. The only available conclusion is that he failed to consider the requirements of the YCJA, thereby committing an error of law.

[29] The judge’s reasons indicate he also did not consider the issues of compliance and whether an “abstain” condition was necessary to achieve the purpose of sentencing under the YCJA. Dr. MacLeod recommended harm reduction as the mechanism for achieving M.A.C.’s rehabilitation and reintegration. The s. 34 assessment provided clear evidence M.A.C. would not reasonably be able to comply with an “abstain” condition. Dr. MacLeod noted that M.A.C. was a regular consumer of cannabis, has not reduced her usage and is not currently interested in doing so, and relies on cannabis in the absence of other coping strategies.

Une peine de placement et de surveillance d’une durée de 12 mois pour homicide involontaire coupable

Cet article a été rédigé par Me Jeanne Mageau-Taylor, avocate au Ministère de la Justice du Canada, section du développement international. Nous la remercions chaleureusement pour sa précieuse contribution.

Le 10 novembre 2021, la juge Tulloch de la Cour de justice du Nunavut a rendu une décision relative à la peine dans l’affaire R. v. F.O., 2021 NUCJ 45. Dans cette affaire, l’accusée a plaidé coupable au chef d’homicide involontaire coupable (article 234 du Code criminel). L’accusée était âgée de 17 ans et 1 mois au moment des faits.

L’accusée a reconnu avoir causé la mort d’une dame de 46 ans en lui assenant brutalement de nombreux coups au visage et à la tête, sans provocation. L’accusée avait consommée de l’alcool en compagnie de la victime au domicile de celle-ci durant une soirée. Après avoir quitté le domicile, l’accusée est revenue à celui-ci et a attaqué la victime. Tant l’accusée que la victime étaient en état d’intoxication au moment de l’agression. Par la suite, l’accusée a volé des effets personnels de la victime et a quitté le domicile de celle-ci à bord de son camion. Elle a également tenté d’accéder frauduleusement au compte bancaire de la victime.

L’accusée a tout d’abord nié toute implication dans la mort de la victime, laquelle est survenue le 9 avril 2017. Ce n’est que le 15 janvier 2019 que l’accusée fut mise en état d’arrestation et a confessé ses gestes. Suite à sa confession, l’accusée a été détenue sous garde pendant 67 jours à Iqaluit. Elle a par la suite été remise en liberté avec diverses conditions.

Dans le cadre du processus de détermination de la peine, la juge a pris connaissance de quatre déclarations de victimes, deux rapports prédécisionnels ainsi que d’un rapport psychiatrique médico-légal. Le psychiatre a conclu que l’accusée bénéficierait d’une peine purgée dans la communauté incluant des traitements thérapeutiques plutôt que d’une peine de placement sous garde. 

La juge a également pris en compte les circonstances particulières de l’accusée, notamment le fait que qu’elle soit autochtone (article 38(2)(d) LSJPA). Il fut noté que, dans son enfance, l’accusée fut en contact avec les services de protection de l’enfance puisqu’elle fut exposée à la consommation abusive d’alcool et à la violence conjugale.

La juge a identifié les facteurs atténuants suivants :

  • L’accusée a plaidé coupable et présente des remords;
  • L’accusée n’a aucun dossier criminel antérieur;
  • L’accusée a respecté ses conditions de mise en liberté depuis le mois de mars 2019;
  • L’accusée présente un haut potentiel de réinsertion sociale et un risque de récidive qualifié de faible à modéré.

La juge a identifié les facteurs aggravants suivants :

  • Les faits de l’affaire sont extrêmement sérieux;
  • La victime était en état d’intoxication avancée et n’était pas en mesure de se défendre;
  • L’accusée a volé les effets personnels et le camion de la victime suite à l’agression;
  • L’accusée n’a d’aucune façon tenté d’aider la victime.

Après avoir analysé les objectifs et principes de détermination de la peine (article 38 LSJPA) et les circonstances exceptionnelles de l’affaire, la juge a conclu que seule une peine incluant une période de placement sous garde serait appropriée. Toute autre peine ne « refléterait pas les valeurs sociales » [notre traduction]. Elle a donc ordonné une peine de placement et de surveillance d’une durée de 12 mois (6 mois sous garde et 6 mois en liberté sous condition au sein de la collectivité) suivie d’une période de probation de 12 mois assortie de diverses conditions (article 42(2)(o) LSJPA).

Le 20 décembre 2021, le Service des poursuites pénales du Canada a annoncé qu’il ne portera pas en appel cette décision.

*Les opinions exprimées dans le texte reflètent le point de vue de l’autrice et ne représentent pas celles du Ministère de la Justice ou du Gouvernement du Canada.

Demande d’absolution sous conditions en présence d’antécédents criminels de nature similaire

Dans LSJPA -2118, l’honorable Pierre Hamel, de la Cour du Québec, chambre de la jeunesse analyse la demande d’absolution sous conditions d’un adolescent ayant plaidé coupable à une infraction de contacts sexuels et présentant des antécédents criminels de nature similaire.

Au soutien de sa demande, l’adolescent invoque l’impact négatif d’une déclaration de culpabilité sur ses objectifs professionnels ou personnels futurs, ainsi que le préjudice lié à l’accès à son dossier sur une période prolongée.

Le tribunal ne retient pas ces arguments, indiquant qu’au même titre qu’une ordonnance de probation, l’absolution sous conditions constitue une sanction et entraîne des conséquences semblables et bénéficie de protections similaires. En effet, l’adolescent, dans le cadre de la vie civile, pourra affirmer n’avoir jamais été reconnu coupable d’une infraction criminelle dès que la peine aura été purgée.

Également, l’accès aux renseignements relatifs à la déclaration de culpabilité d’un adolescent n’est accessible que par un nombre limité de personnes assumant des responsabilités dans l’application de la LSJPA ou relativement à l’exécution des peines imposées, et ce, pour des périodes de temps limitées.

Dans la présente situation, la période d’accès au dossier de l’adolescent s’il se voit imposer une absolution sous conditions est de trois ans, à compter de la déclaration de culpabilité, alors qu’elle serait de cinq ans, à compter de l’exécution de la peine spécifique, s’il se voit imposer une peine comportant une probation.

Le tribunal est donc d’avis que les protections relatives à l’accès au dossier et les interdictions relatives à la publication sont suffisantes pour protéger l’adolescent des stigmates qui pourraient résulter d’une déclaration de culpabilité et de l’imposition d’une peine.

Le Tribunal réitère les objectifs visés par une absolution, notamment, que celle-ci devrait être accordée aux adolescents ne présentant pas de risque de récidive ou un risque très faible, qui ont peu ou pas d’antécédents judiciaires ou lorsqu’il y a lieu de préserver l’adolescent des impacts néfastes que peut constituer une déclaration de culpabilité en soulignant judiciairement le caractère positif de sa personnalité et le peu de risque qu’il constitue pour la société.

Le tribunal estime que de manière générale, une absolution sous conditions ne devrait pas être imposée à un adolescent qui présente des antécédents criminels, de surcroit, s’ils sont de nature similaire.

Dans la situation qui nous occupe, l’adolescent avait déjà été déclaré coupable de contacts sexuels, incitation à des contacts sexuels, leurre informatique et séquestration et s’était vu imposer une probation de 18 mois. Au surplus, le tribunal souligne que l’adolescent était encore assujetti à une probation au moment de la commission de l’infraction.

Le tribunal indique finalement qu’en l’espèce, la responsabilité de l’adolescent est importante et aucun élément relié à sa condition personnelle ni certain déficit ne vient la diminuer, et donc, ne retient pas le critère de la personnalité positive de l’adolescent et sa bonne moralité, d’autant plus qu’il s’agit d’un contexte de récidive.

Dans ce contexte, le tribunal en arrive à la conclusion que l’absolution sous conditions ne constitue pas une sanction indiquée et qu’une période de probation doit être imposée à l’adolescent;