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Une Cour d’appel se prononce sur les conditions auxquelles une adolescente « pourra raisonnablement se conformer »
Le projet de loi C-75 a modifié le paragraphe 38(2) LSJPA, qui codifie les principes de détermination de la peine. Le nouveau paragraphe 38(2)(e.1) prévoit que le tribunal ne peut imposer des conditions à un adolescent que si certains critères sont remplis, notamment, que l’adolescent pourra raisonnablement s’y conformer.
Dans R. v. M.A.C., l’adolescente loge un appel à l’encontre de la peine imposée en première instance. L’adolescente s’était vue imposer une peine de probation de douze (12) mois qui contenait une condition de s’abstenir de posséder et de consommer du cannabis. Cette condition ne faisait pas partie de la suggestion commune des parties, qui avait pourtant été acceptée par le juge de première instance. Un rapport psychologique produit en vertu de l’article 34 LSJPA détaillait toutefois la sérieuse problématique de dépendance chez l’adolescente et formulait une recommandation de réduction des méfaits plutôt que d’abstinence.
La Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse est saisie de l’affaire. Après avoir étudié le dossier, elle accueille l’appel de l’adolescente, en raison des erreurs de droit commises par le juge de première instance.
Voici notamment ce qu’en dit la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse :
[27] […] Probationary conditions must be necessary to achieve these purposes and the young person must be reasonably able to comply with the condition. Otherwise, the condition is not to be imposed.
[28] The judge made no mention of these statutory provisions in his reasons. He did not indicate how he reconciled the inclusion of an “abstain” condition in the Probation Order with them. His focus on abstinence was grounded in his view that cannabis use by young persons is illegal and harmful and something he was “not going to condone”. The only available conclusion is that he failed to consider the requirements of the YCJA, thereby committing an error of law.
[29] The judge’s reasons indicate he also did not consider the issues of compliance and whether an “abstain” condition was necessary to achieve the purpose of sentencing under the YCJA. Dr. MacLeod recommended harm reduction as the mechanism for achieving M.A.C.’s rehabilitation and reintegration. The s. 34 assessment provided clear evidence M.A.C. would not reasonably be able to comply with an “abstain” condition. Dr. MacLeod noted that M.A.C. was a regular consumer of cannabis, has not reduced her usage and is not currently interested in doing so, and relies on cannabis in the absence of other coping strategies.
C-75: CE QUE L’ON RETIENT
Le projet de loi C-75, loi modifiant le Code Criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents ainsi que d’autres lois, est entré en vigueur le 18 décembre 2019.
En matière LSJPA, ce projet de loi crée essentiellement trois nouveaux concepts, plus précisément :
– Il existe maintenant une présomption selon laquelle le recours aux mesures extrajudiciaires devrait suffire pour faire répondre l’adolescent d’une omission ou d’un refus de respecter une peine (art. 4.1 LSJPA). À noter que la présomption pourrait ne pas s’appliquer dans certaines circonstances, par exemple si l’adolescent omet de se conformer de manière répétitive à une peine.
– Il est maintenant possible pour le tribunal d’ajouter des conditions plus sévères à une peine de probation, soit pour assurer une meilleure protection du public ou encore pour permettre à l’adolescent de se conformer aux conditions préalables de la peine (art. 59 (10) LSJPA).
– Le tribunal a maintenant l’obligation de s’assurer que l’adolescent sera raisonnablement en mesure de se conformer à une condition avant de pouvoir l’ordonner (art. 29 et 38 (2) e.1) LSJPA). Afin d’évaluer si l’adolescent pourra raisonnablement se conformer à une condition, divers éléments devront être pris en compte par le tribunal. Par exemple, les capacités intellectuelles ou encore psychologiques de l’adolescent.
Un atelier sera offert à l’automne dans les divers établissements de la province pour approfondir ces concepts.
Appel à tous: C-75, un an plus tard
Les 19 septembre et 18 décembre 2019 entraient en vigueur les dispositions du projet de loi C-75, qui modifiaient à certains niveaux la LSJPA.
L’équipe de soutien provincial, dans le cadre de travaux avec différentes partenaires, souhaite vous entendre: sur le terrain, des impacts de C-75 se font-ils sentir?
Vous êtes invités à utiliser la fonction « posez votre question » du blogue ou à m’écrire un courriel (marie-aimee.beaulac.ccsmtl@ssss.gouv.qc.ca) pour répondre à notre question.
Piste de réflexions quant à de possibles impacts:
Art. 4.1: le recours à des mesures extrajudiciaires réputé suffire pour faire répondre adolescent d’omission ou refus visés art. 137 LSJPA ou 496 C.cr
Art. 29 et 38: conditions auxquelles l’adolescent peut raisonnement se conformer
Art. 55: enlève la condition automatique de ne pas troubler l’ordre public
Art. 59 (10): possibilité de présenter un examen si l’adolescent n’a pas respecté les conditions de sa probation, pour éviter des accusations de bris
Art. 76: le rapport quant au lieu d’emprisonnement n’est plus obligatoire
Merci à tous!
Omission de se conformer aux conditions d’une promesse, d’un engagement ou d’une ordonnance (R. c. Zora, 2020 CSC 14)
Le 18 juin 2020, la Cour suprême du Canada a rendu l’arrêt R. c. Zora, 2020 CSC 14, lequel porte sur le non-respect d’une condition de mise en liberté sous caution. Dans cette affaire, M. Zora était en liberté sous caution dans l’attente de son procès. Il devait alors respecter diverses conditions, dont celle de se conformer à un couvre-feu et celle de répondre à la porte dans un délai de cinq minutes lorsqu’un agent de la paix venait vérifier s’il était bel et bien à son domicile. À deux reprises, M. Zora n’a pas répondu à la porte. M. Zora se défend d’avoir respecté son couvre-feu, mais explique ne pas avoir entendu l’agent sonner à la porte.
M. Zora a été accusé et trouvé coupable d’omission de se conformer à ses conditions de mise en liberté sous caution en vertu de l’article 145(3) du Code criminel. La Cour suprême a accueilli le pourvoi de M. Zora, annulé ces déclarations de culpabilité et ordonné la tenue d’un nouveau procès sur ces deux chefs.
À l’unanimité, la Cour suprême a conclu que l’article 145(3) du Code criminel créé une infraction requérant la preuve d’une mens rea subjective. La Couronne doit donc établir que la personne prévenue a commis un manquement à une condition d’une promesse, d’un engagement ou d’une ordonnance sciemment ou par insouciance. Ainsi, il doit être établi que :
La personne prévenue connaissait les conditions de sa mise en liberté sous caution OU faisait preuve d’aveuglement volontaire à leur égard, ET;
La personne prévenue a sciemment omis d’agir conformément aux conditions de sa mise en liberté sous caution, c’est‑à‑dire qu’elle connaissait les circonstances qui exigeaient qu’elle se conforme aux conditions de l’ordonnance dont elle faisait l’objet, ou qu’elle faisait preuve d’aveuglement volontaire face aux circonstances, et qu’elle a omis de se conformer aux conditions malgré le fait qu’elle les connaissait OU la personne prévenue a par insouciance omis d’agir conformément aux conditions de sa mise en liberté sous caution, c’est‑à‑dire qu’elle était consciente qu’il y avait un risque important et injustifié que sa conduite ne respecte pas les conditions de sa mise en liberté sous caution mais qu’elle n’a pas cessé d’agir de la sorte..
R. c. Zora, 2020 CSC 14 au para 109.
La Cour suprême profite de cette affaire afin de rappeler que des conditions de mise en liberté sous caution peuvent être imposées, mais qu’elles doivent toujours être le moins nombreuses possible, nécessaires, raisonnables, les moins sévères possible dans les circonstances et suffisamment liées aux risques que pose la personne prévenue en lien avec les motifs pouvant justifier lesdites conditions tel que prévu à l’article 515(10) du Code criminel. Les conditions de mise en liberté sous caution doivent donc être individualisées en fonction des circonstances de chaque cas et ne doivent pas être ordonnées de manière expéditive et automatique, même suivant le consentement des parties. En effet, l’émission de conditions excessives, inutiles ou trop sévères restreint indûment la liberté d’une personne présumée innocente et créée de nouvelles sources de responsabilité criminelle éventuelle. La Cour suprême rappelle à juste titre que les infractions contre l’administration de la justice découlant notamment du non-respect d’une condition de mise en liberté affectent surtout les populations les plus vulnérables et marginalisées (notamment les personnes moins nanties, celles aux prises avec des problèmes de toxicomanie ou de santé mentale, ainsi que les personnes autochtones).
Il est intéressant de noter que les commentaires de la Cour suprême rejoignent les objectifs sous-jacents aux amendements apportés à la LSJPA dans le cadre du projet de loi C-75. Ceux-ci visaient notamment à s’assurer que les conditions imposées aux jeunes ne soient que celles qui sont nécessaires et raisonnables dans les circonstances et à réduire le nombre d’accusations liées à des infractions contre l’administration de la justice (voir les nouveaux articles 24.1, 28.1, 29(1), 38(2)(e.1), 55(1)(2) de la LSJPA). Il importe de rappeler que les conditions imposées à un adolescent (tant au stade provisoire que dans le cadre de la peine spécifique) doivent servir des fins de justice pénale et ne doivent jamais se substituer à des services de protection de la jeunesse, de santé mentale ou à d’autres mesures sociales.
C-75 en résumé
Les dispositions du projet de loi C-75 sont désormais toutes entrées en vigueur, et ce, depuis le 18 décembre.
En bref:
- le délai de prescription pour les accusations par procédure sommaire est de 12 mois à compter du fait en cause (art. 786 (2) C.cr.);
- l’infraction pour les relations sexuelles anales a été abrogée (art. 159 C.cr.);
- les mesures extrajudiciaires sont réputées suffire pour faire répondre l’adolescent d’une accusation de bris, sauf si l’adolescent s’est adonné à des bris de manière répétitive ou si, en ne respectant pas ses conditions, il a porté atteinte ou présenté un risque d’atteinte à la sécurité du public (art. 4.1 LSJPA);
- Pour pouvoir ordonner une condition de remise en liberté ou dans le cadre d’une peine, le juge doit désormais avoir la conviction que l’adolescent pourra raisonnablement s’y conformer (art. 29 et 38 LSJPA);
- Lorsque l’adolescent ne respecte pas une ordonnance de probation ou de programme d’assistance, un examen peut avoir lieu, dans le cadre duquel le juge peut imposer des conditions additionnelles ou plus sévères (art. 59 (10) LSJPA);
Un comité de travail provincial se penchera au cours des prochains mois sur les orientations cliniques qui découleront de ces modifications législatives.
Élargissement de la présomption que le recours à des mesures extrajudiciaires suffit
Dans la foulée du projet de loi C-75, le législateur fédéral avait notamment comme objectif de réduire les délais au sein du système de justice pénale pour les adolescents et d’augmenter l’efficacité de ce système en ce qui a trait aux infractions contre l’administration de la justice.
Il est bien établi qu’il est présumé que le recours aux mesures extrajudiciaires suffit pour faire répondre les adolescents de leurs actes délictueux dans le cas où ceux-ci ont commis des infractions sans violence et n’ont jamais été déclarés coupables d’une infraction auparavant (art. 4 c) LSJPA).
La LSJPA annotée, 2e édition, explique que cette présomption repose sur la conviction que les adolescents qui ont commis des délits ne nécessitent pas tous une intervention judiciaire et qu’une intervention rapide et effectuée par des intervenants spécialisés (policiers, intervenants de la communauté ou sociaux, organismes communautaires) peut avoir un impact significatif auprès des adolescents et permet d’agir efficacement contre la criminalité juvénile.
Toutefois, l’existence d’une telle présomption n’a pas pour effet de consacrer un caractère obligatoire à l’application d’une mesure extrajudiciaire, cette présomption pouvant être repoussée par l’évaluation de la situation de l’adolescent, la nature de l’infraction et les circonstances entourant sa perpétration.
Le législateur a choisi d’élargir cette présomption dans le projet de loi C-75. En effet, entrera en vigueur le 18 décembre 2019 l’article 4.1 LSJPA qui prévoira notamment que le recours à des mesures extrajudiciaires est présumé suffire pour faire répondre l’adolescent d’une omission ou d’un refus visés à l’article 137 (défaut de se conformer à une peine spécifique) ou d’une omission visée à l’article 496 du Code criminel (citation à comparaître pour manquement à une sommation, citation à comparaître, etc.). Cette présomption souffrira de deux exceptions : 1) si l’adolescent s’est adonné, de manière répétitive, à de tels omissions ou refus et 2) si l’omission ou le refus a portée atteinte ou présenté un risque d’atteinte à la sécurité du public.
Cette modification s’inscrit donc dans l’objectif d’augmenter l’efficacité du système judiciaire en ce qui a trait aux infractions contre l’administration de la justice. Ceci permettra donc, notamment, aux adolescents ayant déjà été déclarés coupables d’infractions par le passé, de bénéficier de mesures extrajudiciaires dans le cas où ceux-ci auraient fait défaut de se conformer à une peine spécifique si un tel défaut n’engendre pas les exceptions citées précédemment.
On pourrait donc imaginer un adolescent ayant fait défaut de compléter toutes les heures de travaux bénévoles imposées dans le cadre d’une probation, mais tout de même pouvoir bénéficier de mesures extrajudiciaires pour répondre de ce manquement.
Changements législatifs à la LSJPA via le projet de loi C-75
La LSJPA connaîtra sous peu des amendements en lien avec le projet de loi C-75, soit la Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à certaines lois. Ce projet de loi a fait l’objet de sanction royale le 21 juin 2019. Le texte est disponible pour lecture à cet endroit: projet de loi C-75 . Nous attirons l’attention de nos lecteurs sur les articles 361 à 383 de ce projet de loi puisque ceux-ci visent particulièrement les changements apportés à la LSJPA.
Tel que précisé au sommaire du projet de loi, l’objectif de ces amendements est « de réduire les délais au sein du système de justice pénale pour les adolescents et d’augmenter l’efficacité de ce système en ce qui a trait aux infractions contre l’administration de la justice ». Les changements à la LSJPA entreront généralement en vigueur suite à un délai de 90 jours ou de 180 jours après la sanction royale du 21 juin 2019.
Au courant des prochaines semaines, nous allons effectuer pour nos lecteurs une analyse des différents changements législatifs qui auront lieu et nous aborderons les impacts qu’auront ces changements sur la pratique quotidienne des intervenants dans l’application de la LSJPA.
Projet de loi C-75: où en sommes-nous?
Le 18 juillet dernier , nous vous présentions un bref résumé des dispositions contenues au projet de loi C-75.
Un an après le dépôt du projet de loi à la Chambre des communes, où en sommes-nous?
Le 3 décembre 2018, il a été adopté par la Chambre des communes. Le même jour, la première lecture a eu lieu au Sénat. Le 4 avril 2019, suivant la deuxième lecture, le Sénat a renvoyé le projet de loi au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Un délai de plusieurs mois est à prévoir avant d’obtenir les suites du processus.
Rappel de certains éléments contenus au projet de loi C-75 modifiant la LSJPA:
– changement de régime quant aux infractions commises contre la justice:
Le recours à une mesure extrajudiciaire est réputé suffire, sauf exception. Également, lorsque les accusations sont rejetées ou retirées à l’égard des infractions principales, le DPCP devra déterminer s’il y a lieu de maintenir la poursuite des accusations pendantes d’infractions contre la justice. Le projet de loi prévoit une limitation des circonstances où le tribunal pourra ordonner une peine de garde suivant une infraction contre l’administration de la justice, en ce que l’adolescent, en la commettant, doit avoir porté atteinte ou présenté un risque d’atteinte à la sécurité du public;
– l’imposition de conditions: le juge qui assortit de certaines conditions la mise en liberté provisoire ou lors de l’imposition d’une peine spécifique à un adolescent doit notamment considérer le fait que l’adolescent pourra raisonnablement se conformer à la condition imposée. Cette dernière doit être nécessaire pour assurer la présence de l’adolescent à la cour ou la sécurité du public, ainsi que raisonnable;
-suppression de l’obligation imposée au procureur général de déterminer s’il y avait lieu, suivant des circonstances spécifiques, de présenter une demande d’assujettissement;
– suppression de la possibilité de demander la levée de l’interdiction de publication;
– lors de l’assujettissement de l’adolescent à une peine pour adulte, le rapport lié à la détermination de son lieu de détention est désormais facultatif.