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Bilan des DPJ-DP 2021

En matière de LSJPA:

Le nombre d’adolescents contrevenants ayant reçu des services a diminué de 18 %. La pandémie explique possiblement cette diminution, notamment en ce que les jeunes ont été plus isolés.

1 334 adolescentes et 6 086 adolescents ont reçu des services, pour un total de 7 420 adolescents.

2 713 jeunes ont été évalués et orientés en lien avec l’admissibilité au programme de sanctions extrajudiciaires (611 filles et 2 102 garçons).

Sur 3 050 décisions d’orientation, 2 374 sanctions extrajudiciaires ont été appliquées (77.8 %). Ces sanctions ont été complétées dans 94 % des cas.

Concernant les peines ordonnées impliquant le directeur provincial, 1 813 étaient des peines purgées dans la collectivité (86.7% de ces peines concernaient des garçons) et 167 peines comportaient de la garde (95.8% de ces peines concernaient des garçons).

Pour consulter le bilan, c’est ici.

C-75: CE QUE L’ON RETIENT

Le projet de loi C-75, loi modifiant le Code Criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents ainsi que d’autres lois, est entré en vigueur le 18 décembre 2019.

En matière LSJPA, ce projet de loi crée essentiellement trois nouveaux concepts, plus précisément :

– Il existe maintenant une présomption selon laquelle le recours aux mesures extrajudiciaires devrait suffire pour faire répondre l’adolescent d’une omission ou d’un refus de respecter une peine (art. 4.1 LSJPA). À noter que la présomption pourrait ne pas s’appliquer dans certaines circonstances, par exemple si l’adolescent omet de se conformer de manière répétitive à une peine.

– Il est maintenant possible pour le tribunal d’ajouter des conditions plus sévères à une peine de probation, soit pour assurer une meilleure protection du public ou encore pour permettre à l’adolescent de se conformer aux conditions préalables de la peine (art. 59 (10) LSJPA).

– Le tribunal a maintenant l’obligation de s’assurer que l’adolescent sera raisonnablement en mesure de se conformer à une condition avant de pouvoir l’ordonner (art. 29 et 38 (2) e.1) LSJPA). Afin d’évaluer si l’adolescent pourra raisonnablement se conformer à une condition, divers éléments devront être pris en compte par le tribunal. Par exemple, les capacités intellectuelles ou encore psychologiques de l’adolescent.

Un atelier sera offert à l’automne dans les divers établissements de la province pour approfondir ces concepts.

Le principe de retenue lors d’un assujettissement à une peine pour adultes

Dans R. v. Desir, l’adolescent loge un appel à l’encontre de la peine applicable aux adultes qu’il a reçue en première instance. L’adolescent a plaidé coupable à dix (10) chefs d’accusation, tous liés à des vols qualifiés avec usage d’une arme à feu à autorisation restreinte. Les vols visaient des bijouteries, ont été commis dans une succession rapide et étaient bien planifiés. Au moment des infractions, l’adolescent n’avait aucun antécédent et était âgé de seize (16) ans. Pour ces infractions, il s’est vu imposer une peine pour adultes globale de sept (7) ans de pénitencier.

L’adolescent argumente notamment en appel que la juge de première instance aurait fait défaut d’appliquer le principe de retenue lors de l’imposition de la peine, voulant qu’une première peine de pénitencier pour un délinquant en bas âge devrait être la plus courte possible. Il demande donc une réduction de peine afin de réduire la durée à six (6) ans.

La Cour d’appel de l’Ontario juge valable l’argument de l’appelant quant à cette question. La Cour rappelle que la durée d’une première peine de pénitencier pour un délinquant en bas âge devrait rarement être déterminée uniquement par les objectifs de dénonciation et de dissuasion générale. Ce principe se reflète aux articles 718.2(d) et (e) du Code criminel.

Pour la Cour d’appel, la juge de première instance a commis une erreur en faisant défaut de mentionner et d’appliquer ce principe à la situation de l’adolescent. La Cour mentionne :

Le principe de retenue sert à minimiser la peine d’un jeune délinquant sans antécédent en ce qu’elle oblige le juge qui prononce la peine à considérer toutes les sanctions alternatives à l’incarcération et lorsque l’incarcération est requise, à rendre la peine aussi courte que possible et l’adapter aux circonstances individuelles du délinquant. (notre traduction)

Reconnaissant entre autre les progrès importants effectués par l’adolescent depuis son incarcération et les perspectives positives quant à sa réadaptation, la Cour accueille l’appel et réduit la peine d’incarcération globale à six (6) ans, soit une réduction d’une (1) année.

L’assujettissement pour la pire fusillade de masse de l’histoire de Toronto

Dans R. v. Owusu, l’adolescent maintenant adulte loge un appel à l’encontre de la peine applicable aux adultes qu’il s’est vu imposer en décembre 2016 pour des accusations, notamment, de meurtre au second degré et tentative de meurtre.

Les infractions dont l’adolescent a été déclaré coupable sont liées à la pire fusillade de masse de l’histoire de Toronto, alors que l’adolescent, âgé de 17 ans, a ouvert le feu lors d’une fête où il n’était pas le bienvenu. Deux personnes sont mortes et plus d’une vingtaine ont été blessées, dont un enfant âgé de moins de deux ans.

L’argument principal en appel de l’adolescent est à l’effet que le juge de première instance aurait erré en imposant une peine applicable aux adultes parce qu’il comprenait mal l’ordonnance de placement et de surveillance dans le cadre d’un programme intensif de réadaptation (42(2)r) LSJPA) et a conclu qu’elle ne serait pas une peine efficace dans les circonstances. L’appelant appuie son argumentaire sur la décision R. v. M.W. que nous avons traitée en 2017.

Au moment de recevoir sa peine en 2016, l’adolescent était désormais âgé de 21 ans et allait donc devoir purger sa peine dans un établissement correctionnel pour adultes. Le juge de première instance a conclu qu’une peine spécifique en vertu de 42(2)r) LSJPA verrait son efficacité entravée parce que l’adolescent serait tenu de purger sa peine dans un établissement provincial pour adultes conformément à l’art. 89 de la LSJPA et perdrait le financement/la programmation lié à sa peine si une ordonnance l’obligeait à purger sa peine dans un pénitencier fédéral.

La Cour d’appel de l’Ontario conclut toutefois que l’appel de l’adolescent doit être rejeté. Elle ne voit aucune erreur méritant son intervention et identifie des différences importantes entre la situation de l’adolescent et celle traitée dans l’arrêt R. v. M.W. La cour conclut ainsi :

In summary, there is no basis to interfere with the sentencing judge’s conclusions that the Crown had rebutted the presumption of reduced moral culpability; that only an adult sentence would hold the appellant accountable for his role in the events that led to two murders and more than 20 people being injured; that only an adult sentence was commensurate with the damage that was done; and, that only an adult sentence would provide for the ongoing supervision of the appellant he found necessary.

La Cour d’appel de l’Ontario écarte ensuite les autres arguments secondaires de l’adolescent pour finalement rejeter son appel et confirmer la peine imposée en première instance.

Statistiques récentes sur le système de justice pénale pour adolescents au Canada (2018-2019)


Cet article a été rédigé par Me Sandra Couture, avocate au Ministère de la justice du Canada, Division de la justice pour les jeunes et les autochtones. Nous la remercions pour sa précieuse collaboration.

À chaque année, Statistique Canada et le Centre canadien de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités publie un rapport sur les services correctionnels pour les adultes et les jeunes au Canada. Ce rapport, en conjonction avec d’autres données de Statistique Canada, offre une vue d’ensemble sur l’utilisation des services correctionnels dans le contexte du système de justice pénale pour adolescents. Cet article souligne les statistiques les plus récentes et marquantes à ce sujet.

Le nombre d’admissions de jeunes aux services correctionnels est en baisse

Aux fins de compilation statistiques, une admission aux services correctionnels est comptée chaque fois qu’un jeune commence une période de surveillance quelconque dans un établissement correctionnel ou au sein de la collectivité. Un même jeune peut figurer plusieurs fois dans les comptes d’admissions. Cela se produit lorsqu’un jeune passe d’un programme correctionnel à un autre, ou lorsqu’un jeune réintègre le système plus tard pendant une même année.

En 2018-2019, on a dénombré un total de 14 578 jeunes admis aux services correctionnels pour adolescents à travers le pays. Il s’agit d’une baisse de 15 % par rapport à 2017-2018. Le nombre d’admissions à un programme de surveillance au sein de la collectivité a diminué de 12 % (total de 8 436) par rapport à l’année de référence antérieure, et le nombre d’admissions au placement sous garde a diminué de 20 % (total de 6 142).[1]

La majorité des jeunes intègrent initialement les services correctionnels par une peine au sein de la collectivité

Le nombre d’admissions initiales indique le nombre de jeunes qui commencent une période de surveillance correctionnelle ininterrompue, ce qui peut comprendre le placement sous garde, la surveillance au sein de la collectivité, ou les deux. Pour cette catégorie de données, chaque personne est comptée une seule fois durant son séjour dans le système correctionnel, peu importe les changements subséquents à son statut correctionnel.

La majorité des jeunes ont intégré les services correctionnels dans le cadre d’un programme de surveillance au sein de la collectivité. Ces jeunes ont intégré les services majoritairement à partir d’une période de probation (47 % de toutes les admissions initiales) ou suite à un autre programme de surveillance au sein de la collectivité (23 % de toutes les admissions initiales).[2]

Les admissions en placement sous garde représentaient 28 % des admissions initiales et celles au maintien sous garde avant procès dénombraient 26 % de toutes les admissions initiales. Il s’agit d’une diminution de 18 % des admissions en placement sous garde par rapport à l’année précédente et de 35 % par rapport à cinq ans auparavant.[3]

Le nombre quotidien de jeunes en détention continue de diminuer

Au cours d’une journée typique en 2018-2019, il y avait en moyenne 716 jeunes placés sous garde: 56% sous détention avant procès, 24% sous garde fermée et 18% sous garde ouverte[4]. En moyenne, 5 713 jeunes par jour étaient sous surveillance au sein de la collectivité, représentant 89% des jeunes dans les services correctionnels. Depuis 2017-2018, le nombre de jeunes sous surveillance correctionnelle a diminué de 10 % et de 32 % depuis 2014-2015.[5]

Le taux de jeunes inculpés par la police a diminué

Le taux national de jeunes inculpés par la police continue de reculer annuellement à travers le pays. Une baisse de 23 % a été constatée entre 2013 et 2017. En 2018, un total de 40 397 jeunes furent inculpés au Canada. En 2019, ce chiffre a diminué à 38 603. Au Québec, la province affiche une hausse considérable passant de 6 942 en 2018 à 8 232 en 2019.[6]

Démographie des jeunes dans les services correctionnels

En 2018-19, 77 % des jeunes admis aux services correctionnels étaient de sexe masculin. Les garçons représentaient 79 % des admissions en placement sous garde, alors que 21% étaient des filles.[7]

Les jeunes âgés de 16 et 17 ans représentaient 53 % des admissions aux services correctionnels. Les jeunes de cette tranche d’âge étaient à l’origine d’une proportion encore plus grande des admissions au placement sous garde (59 %), et représentaient un peu moins de la moitié (48 %) des admissions à un programme de surveillance au sein de la collectivité.[8]

Les garçons de 16 et 17 ans représentaient 41 % de l’ensemble des admissions de jeunes aux services correctionnels, alors que les filles du même groupe d’âge en représentaient 11 %.[9]

Les jeunes Autochtones continuent d’être surreprésentés dans le système correctionnel

Les jeunes Autochtones sont surreprésentés tant au sein de la population de jeunes admis en détention qu’au sein de la population de jeunes admis à un programme de surveillance au sein de la collectivité. En 2018-2019, alors qu’ils ne représentaient que 9% de la population totale des adolescents au Canada, les jeunes autochtones représentaient 43% des admissions totales dans les services correctionnels, totalisant 6 258 jeunes. 47 % des admissions en placement sous garde et 40 % des admissions à un programme de surveillance au sein de la collectivité étaient des jeunes autochtones.[10]


[1] Statistiques sur les services correctionnels pour les adultes et les jeunes au Canada, 2018-2019 – Tableau 8 : Admissions de jeunes aux services correctionnels, selon le type de surveillance et le secteur de compétence, 2018-2019

[2] Tableau 7 : Admission initiale des jeunes aux services correctionnels, selon le type de surveillance, certains secteurs de compétence, 2018-2019

[3] Ibid

[4] Tableau 35-10-0003-01 Comptes moyens des adolescents dans les services correctionnels provinciaux et territoriaux

[5] Tableau 6 : Comptes quotidiens moyens des jeunes sous surveillance correctionnelle, selon le type de surveillance et le secteur de compétence, 2018-2019

[6] ALLEN, Mary. 2018. « Statistiques sur les crimes déclarés par la police au Canada, 2017 », Juristat, produit no 85-002-X au catalogue de Statistique Canada;  Tableau 35-10-0177-01

[7] Ibid; Statistiques sur les programmes des services correctionnels : tableaux de bord interactifs

[8] Ibid

[9] Graphique 5; tableau 35-10-0006: Admissions de jeunes aux services correctionnels, selon l’âge et le sexe

[10] Tableau 9: Admissions de jeunes aux services correctionnels, selon les caractéristiques de la personne admise et le type de programme de surveillance, certains secteurs de compétence, 2018-2019

**Note au lecteur : Les données sur les admissions excluent le Québec et l’Alberta. Les données sur les admissions initiales excluent le Québec, le Manitoba, l’Alberta, le Yukon et l’Île-du-Prince-Édouard. Les données sur les comptes moyens excluent le Québec, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick

Détermination de la peine en matière sexuelle

Dans R. v. C.Z., l’honorable Judith Doulis de la Cour provinciale de Colombie-Britannique doit imposer une peine à un adolescent désormais âgé de 18 ans, reconnu coupable d’agression sexuelle pour des faits survenus alors qu’il était âgé de 16 ans. La victime était alors âgée de 14 ans. L’adolescent est un jeune autochtone qui souffre de divers troubles neurodéveloppementaux, physiques et psychologiques. Son enfance a été marquée par la violence familiale, la pauvreté, l’instabilité résidentielle, la consommation d’alcool par ses parents, les abus physiques et sexuels. Une suggestion commune d’une probation d’une durée de vingt-quatre (24) mois est soumise par les parties.

Tout en entérinant la suggestion commune des parties, la juge Doulis analyse de façon extensive les principes de détermination de la peine, particulièrement en matière sexuelle. Elle rappelle que la détermination de la peine en vertu de la LSJPA dépend du contexte. Il s’agit d’un processus hautement individualisé qui dépend de l’infraction, des circonstances de l’infraction et des circonstances du contrevenant.

La juge Doulis fait une revue élaborée des différentes peines imposées par les tribunaux à un adolescent en matière sexuelle où la victime est également jeune. Les peines imposées varient grandement, allant de l’absolution conditionnelle à l’ordonnance de placement et de surveillance dans le cadre d’un programme intensif de réadaptation. Nombreux sont les juges ayant imposé une peine de probation ou de placement sous garde et de surveillance. Cette revue de la jurisprudence peut s’avérer utile dans l’élaboration d’une fourchette de peines pour des faits similaires (38(2)b) LSJPA).

Pour la juge Doulis, cette disparité dans les peines imposées par les tribunaux s’expliquent par les disparités dans les circonstances de :

  1. L’infraction : la nature de l’infraction, la fréquence des faits reprochés, les dommages causés à la victime, la durée des abus, un bris de confiance envers la victime, la présence de coercition, la présence de violence gratuite, si les faits surviennent au domicile de la victime, etc.
  2. L’adolescent : son âge au moment des faits et au moment de l’imposition de la peine, sa participation à l’infraction, la situation de confiance envers la victime, sa santé physique, mentale et émotionnelle, ses antécédents, son statut autochtone, son degré de consanguinité avec la victime, le soutien de sa famille et de sa communauté, la durée des conditions de mise en liberté, ses efforts en vue d’une réadaptation, son risque pour le public, ses remords, etc.
  3. La victime : son âge, le nombre de victimes, sa vulnérabilité, les impacts chez la victime, l’impact sur la communauté, etc.

Une analyse de ces éléments s’avère nécessaire dans l’imposition d’une sanction juste et appropriée.

Les rapports Gladue

Tel qu’il a déjà été abordé ici, le tribunal chargé d’imposer une peine spécifique à un délinquant autochtone doit tenir compte de ses besoins particuliers et doit examiner toutes les sanctions envisageables ne comportant pas de placement sous garde (articles 3(1) c) (iv), 38(2) d) et 50(1) LSJPA et 718.2 e) Code criminel). Suivant les enseignements de la Cour suprême du Canada dans les arrêts R. c. Gladue et R. c. Ipeelee, dans le cadre de la détermination de la peine à être imposée à un délinquant autochtone, le tribunal doit prendre en compte les facteurs systémiques ou historiques particuliers qui peuvent avoir eu un impact sur la trajectoire de de vie l’adolescent autochtone et expliquer en partie sa présence devant le tribunal. Le tribunal doit également analyser les types de procédures et de sanctions qui pourraient être appropriées à l’égard de l’adolescent en raison de son héritage ou de ses attaches autochtones. Pour ce faire, le tribunal devrait prendre connaissance des facteurs systémiques et historiques généraux touchant les autochtones, et de la priorité donnée dans les cultures autochtones à une approche corrective de la détermination de la peine. Ces renseignements peuvent être soumis au tribunal par le biais d’un rapport (communément appelé « rapport Gladue ») ou des observations présentées par les avocats ou la communauté autochtone du délinquant.

Dans un rapport mis à jour au mois de décembre 2019, la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics : écoute, réconciliation et progrès (CERP) fait le point sur l’utilisation des rapports Gladue au Québec. On y rapporte qu’en moyenne, 123 rapports Gladue sont produits par année à travers la province en matière de justice criminelle pour les adultes. En matière de justice pénale pour les adolescents, aucun rapport Gladue n’aurait été demandé aux Services parajudiciaires autochtones du Québec. Le Ministère de la Justice et le Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec n’ont pas formulé de recommandations quant à leur utilisation. Il semblerait que l’utilisation de ce type de rapport s’avère exceptionnelle.

Dans le reste du pays, il est possible de répertorier quelques décisions rendues en vertu de la LSJPA où un rapport Gladue fut produit et pris en compte par le tribunal au stade de la détermination de la peine. Une de celles-ci fut notamment discutée ici. D’autres décisions analysent les facteurs Gladue sans préciser qu’un tel rapport fut officiellement soumis au tribunal.

Il est à noter qu’en matière de justice pénale pour les adolescents, un rapport prédécisionnel confectionné par le Directeur provincial et faisant état de la situation personnelle de l’adolescent et de sa famille est régulièrement soumis au tribunal avant que celui-ci ne prononce une peine spécifique. Cela explique potentiellement le faible recours aux rapports Gladue lorsque le délinquant concerné est d’origine autochtone.

Pour plus de détails concernant les rapports Gladue, veuillez consulter la fiche LSJPA : la trousse sur ce sujet

Statistiques canadiennes (2014-2015 à 2018-2019)

Le 15 octobre 2020, Statistique Canada a publié de nombreuses données concernant les dossiers traités par les tribunaux de la jeunesse en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA). Ces données couvrent les années 2014-2015 à 2018-2019 et sont réparties dans plusieurs tableaux portant sur les sujets suivants :

On y constate notamment une diminution constante du nombre de décisions rendues en vertu de la LSJPA (33674 décisions en 2014-2015 versus 24132 décisions en 2018-2019). On y constate également que le type de peine le plus ordonné demeure la probation.

La popularité des absolutions se maintient

Il semble que de plus en plus en décisions en matière d’absolution inconditionnelle ou conditionnelle soient rendues par la Cour du Québec, chambre de la jeunesse depuis environ deux ans. Cette tendance avait été soulignée lors de la Journée des juristes LSJPA du 11 novembre 2020. Voir à cet effet les décisions LSJPA – 1936, LSJPA – 1956 et LSJPA – 208.

Dans LSJPA – 2018, l’adolescent doit recevoir une peine suite à son plaidoyer de culpabilité à une infraction de voies de fait ayant causé des lésions. Il s’agit d’une agression gratuite « à la blague » en milieu scolaire. Les conséquences pour la victime ont été importantes : douleurs, hospitalisation, opération, physiothérapie, suivi médical régulier. L’adolescent a posé un geste dénotant une certaine immaturité, mais lourd de conséquences pour la victime et lui.

La poursuite recommande au tribunal l’imposition d’une peine de probation sans suivi d’une durée d’une année, ainsi qu’une peine de travaux bénévoles pour un total d’heures oscillant entre 70 et 90. La défense recommande plutôt une absolution inconditionnelle, argumentant principalement que l’adolescent ne pourra travailler auprès des enfants dans le cadre de ses emplois s’il a une déclaration de culpabilité à son actif.

L’adolescent présente un profil positif. Il est âgé de 15 ans au moment des événements. Il reconnaît les faits et est sans antécédent judiciaire. Il ne présente aucun trouble de comportement. Il offre une bonne collaboration depuis le moment de son arrestation. À titre de geste de réparation, il offre sa première paie aux parents de la victime. Il éprouve par ailleurs des remords. Le risque de récidive est pratiquement inexistant.

La juge Lisa Leroux doit donc analyser les principes et objectifs de la détermination de la peine afin de rendre la peine spécifique appropriée. Elle rappelle d’emblée qu’il est bien connu que l’imposition d’une absolution inconditionnelle comme peine spécifique ne revêt pas un caractère exceptionnel. Elle ne peut toutefois être imposée que si elle est préférable pour l’adolescent et non contraire à l’intérêt public (42(2)b) LSJPA).

En raison du profil fortement positif de l’adolescent, la juge Leroux conclut qu’une absolution inconditionnelle serait préférable pour lui.

[51] Toutefois, accorder l’absolution inconditionnelle serait de ne pas prendre en compte la gravité objective de l’infraction, des dommages considérables et toujours d’actualité subis par la victime et dont l’adolescent est l’unique responsable. De l’avis du Tribunal, cela s’avère contraire à l’intérêt public. Cette suggestion n’est donc pas retenue.

[…]

[53] L’absolution conditionnelle est une peine plus clémente qu’une ordonnance probatoire qui respecte les objectifs et les principes de la Loi. Elle permet à l’adolescent de réparer indirectement, mais concrètement, ses torts face au geste qu’il a commis. Elle répond aussi aux critères de justesse et de proportionnalité, elle tient compte de la responsabilité unique de l’adolescent, de la gravité objective de l’infraction de même qu’à l’étendue des dommages importants subit par la victime. Cela favorise sa réadaptation, le Tribunal estime que l’adolescent sera un actif positif pour la société dans quelques mois.

La juge impose donc à l’adolescent une peine d’absolution conditionnelle aux conditions de faire un don de 100$ via l’Organisme de Justice Alternative et l’exécution de 20 heures de travaux bénévoles, dans un délai de 6 mois.

Les grands principes de la LSJPA

La LSJPA comporte plusieurs principes directeurs qui agissent à titre de cadre interprétatif pour les autres dispositions de la Loi. Les déclarations de principes sont comprises dans le Préambule ainsi que dans d’autres dispositions spécifiques.

Le Préambule constitue une forme d’introduction, il s’agit en fait de l’exposé des valeurs qui sous-tendent l’adoption de la LSJPA. Il aide à comprendre les orientations et les objectifs du législateur.

À l’article 3 de la Loi, le législateur vient codifier quatre principes directeurs qui doivent guider les différents acteurs œuvrant auprès des adolescents dans l’exercice de leurs fonctions respectives : la protection du public, un système de justice pénale pour adolescents distinct de celui des adultes, le principe de proportionnalité et de justice dans l’application des mesures à l’égard des adolescents et finalement les règles spéciales qui s’appliquent aux procédures intentées contre les adolescents.

Ensuite, les articles 4 et 5 de la Loi contiennent des déclarations de principes en lien avec les mesures extrajudiciaires. L’article 4 LSJPA élabore les principes qui gouvernent l’application de mesures extrajudiciaires et l’article 5 LSJPA expose les objectifs recherchés par le législateur concernant le recours aux mesures extrajudiciaires.

La LSJPA prévoit une autre déclaration de principes, soit celle liée à la détermination de la peine pour un adolescent au sens de l’article 38 LSJPA. Les objectifs fondamentaux de la détermination de la peine sont la réadaptation ainsi que la réinsertion sociale des adolescents, tout en s’assurant que ces derniers répondent de leurs actes délictuels. Dans les cas où une peine de placement sous garde est envisagée par le tribunal, les critères de l’article 39 doivent être appliqués. Cet article encadre les pouvoirs du tribunal dans l’imposition d’une telle peine en établissant dans quel contexte il est possible de le faire.

Finalement, l’article 83 expose quels sont les objectifs et les principes du régime de garde et de surveillance applicable aux adolescents. Il importe ainsi que les établissements détenant les adolescents soumis à une peine de placement sous garde s’assurent que les peines ordonnées soient exécutées dans le but de répondre au principe de la protection du public. De surcroît, ces lieux de garde doivent mettre sur pied des programmes appropriés afin de favoriser la réadaptation ainsi que la réinsertion des adolescents dans la société.