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Un constat préoccupant quant au taux de détention des Autochtones, particulièrement des Inuit

La semaine dernière, La presse rapportait qu’un Inuk sur 20 a déjà été détenu au cours de la période d’un an s’échelonnant du 31 mars 2021 au 31 mars 2022. Ce taux est près de deux fois supérieur à celui de tous les autres groupes autochtones, et de 15 fois plus élevé que la moyenne provinciale. Ce constat est fort préoccupant.

Les Inuit représentent moins de 0,16 % de la population québécoise, mais comptent pour 2,45 de la population carcérale; ils forment aussi 12,4 % de la population autochtone au Québec, mais ils comptent pour 35 % de la population carcérale autochtone dans les prisons québécoises. Malheureusement, ces chiffres ne sont pas décortiqués par groupe d’âge, donc nous n’avons pas la statistique pour les adolescents Inuit. Il y a fort à parier que ces chiffres soient aussi très élevés.

Le manque de ressources serait au cœur du problème. La Presse rapportait que les programmes visant à prévenir les crimes ou à détourner les contrevenants du système judiciaire ne sont pas souvent disponibles dans le Nunavik, où vit la majorité des Inuit de la province. De plus, contrairement aux Cris, les Inuit n’ont pas pris en charge l’administration de la justice. En mai 2022, le Service de police du Nunavik ne comptait que 4 agents inuit sur les 88 qu’ils employaient, alors que la population de la région est inuite à 90 %. Finalement, il n’existerait aucune prison au Nunavik. Les détenus doivent souvent être emprisonnés à plus de 1000 kilomètres de chez eux. 

Le Grand Nord; la réalité terrain

La région du Nunavik est séparée en deux régions administratives, soit la baie d’Hudson et la baie d’Ungava. Concrètement, les délégués à la jeunesse sont employés par le Centre de santé Tulattavik de l’Ungava et le centre de santé Inuulitsivik de l’Hudson, des établissements non-fusionnés. Basés à Kuujjuaq et a Puvirnituq, ils travaillent en anglais auprès des 14 villages inuit ettravaillent donc pour les Directeurs provinciaux de ces centres de santé. Sur le terrain, des Inuit sont employés pour travailler dans les équipes DPJ, comme personnel administratif ou encore comme traducteur. Dans l’équipe de l’Ungava, il y a 2 délégués à la jeunesse, tandis que du côté de l’Hudson, il y en a 3. Une crise du logement fait en sorte que certains d’entre eux résident en logement partagé ou se voient dans l’obligation de changer régulièrement de logement.

Sur place, il n’y a pas d’organisme de justice alternative. Le délégué jeunesse fera certaines tâches habituellement réalisées par les OJA, telles que consulter les victimes ou encore offrir des programmes de gestion d’émotions et d’habiletés sociales. Le délégué jeunesse sera également appelé à superviser les travaux communautaires. À cet égard, les jeunes sont généralement référés à des organismes ou à la municipalité pour réaliser leurs travaux. Ils auront, par exemple, la tâche de coudre des vêtements pour les personnes ayant de faibles revenus au Sewing centre, apporter un soutien au Homeless centre ou encore effectuer des tâches d’entretien pour la municipalité (Northern village). Parfois, le Justice Committee offrira des démarches traditionnelles à titre de travaux communautaires.

Madame Bourgeois décrit les Inuit comme étant un peuple centré sur la nature, en communion avec celle-ci. Également, la communauté est une valeur importante pour tous. Ils sont authentiques et font preuve de franchise. En ce sens, ils admettent facilement leurs crimes et répondent franchement lorsque questionnés sur ceux-ci par les délégués dans le cadre de leur travail.  

Mme Bourgeois note également que la façon d’intervenir auprès de la clientèle est très différente de celle employée au « Sud».  Les Inuit étant un peuple de peu de mots, les délégués doivent user de créativité lors des rencontres de suivi et adopter une approche différente pour obtenir l’information nécessaire à la rédaction d’un rapport prédécisionnel. Ils doivent également tenir compte des facteurs historiques et culturels et s’ajuster à la barrière linguistique.

À la recherche d’interventions plus adaptées à la culture Inuit, le directeur provincial du centre de santé Tulattavik et les délégués à la jeunesse ont fait appel au programme On the land, offert via la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik. Ce programme permet une approche centrée sur la prévention de la récidive, via la participation des jeunes à des activités traditionnelles, telles que la chasse aux phoques, la pêche ou la cueillette de petits fruits.

Par ailleurs, madame Bourgeois souligne que les jeunes qui commettent des crimes le font souvent à cause de traumas intergénérationnels vécus, et rarement parce qu’ils ont un profil délinquant.

Évidemment, les DJ doivent composer avec une certaine réticence de la communauté à leur égard. La stabilité du personnel et une approche centrée sur la communication, notamment, les aident à établir un certain lien de confiance.

Le Grand Nord : la Cour itinérante de Kuujjuaq

Récemment, nous avons eu l’opportunité de discuter avec Jessie Bourgeois, déléguée jeunesse    «dans le grand Nord ». On entend souvent cette expression quand des intervenants de régions australes acceptent un contrat « au Nord ». Mais dans les faits, qu’est-ce que cela signifie ?

Le « grand Nord » fait référence au Nunavik, ce vaste territoire s’étalant au-delà du 55e parallèle et comptant 14 villages. Les Inuit occupent principalement le territoire et parlent majoritairement l’inuktitut et l’anglais. Kuujjuaq est la plus importante communauté du Nunavik, dénombrant une population d’environ 2 700 habitants.

Le processus judiciaire, déjà très différent de ce qu’on retrouve dans les régions plus australes, est totalement changé dû à la pandémie.

Avant mars 2020, la Cour itinérante de la baie d’Ungava prenait place 1 ou 2 semaines par mois au palais de justice de Kuujjuaq ou dans les locaux des autres villages, par exemple dans un gymnase scolaire. Les dossiers LSJPA sont entendus les mêmes journées que les causes criminelles adultes. Les protagonistes de la Cour (juge, avocats de la défense, DPCP, traducteur) arrivent par avion le lundi midi et la Cour siège jusqu’au vendredi midi pour permettre aux gens de repartir vers le sud. Depuis plusieurs années, au niveau du DPCP, il n’y a plus de procureur basé à Kuujjuaq et ce sont des PPCP d’Amos qui se répartissent les dossiers.  Quant au Directeur provincial, il est représenté par un bureau privé, plutôt que par des avocats à l’interne. De sa perspective de DJ, madame Bourgeois estime que, tout en respectant les principes édictés dans la LSJPA, la Cour itinérante est un processus où les acteurs s’efforcent d’être centrés sur les besoins des jeunes plutôt que sur l’aspect punitif.

Si un examen urgent doit être entendu, comme une suspension de surveillance, alors que la Cour ne siège pas, ce sera un juge en protection de la jeunesse qui entendra le dossier (leurs auditions se tenant lors de différentes semaines que les auditions en matière criminelle).

Évidemment, le contexte de la pandémie a amené l’ensemble des auditions à avoir lieu en virtuel, ce qui complexifie les choses qui n’étaient déjà pas simples.

Des infractions courantes dans sa charge de cas à titre de déléguée jeunesse sont par exemple des voies de fait, menace de causer la mort, agression sexuelle, utilisation négligente d’une arme à feu ou encore menace à l’endroit d’un agent de la paix.

Lorsqu’une peine de garde est ordonnée, elle sera purgée à Montréal pour les garçons (dans une unité de centre de réadaptation appartenant au Centre de santé Tulattavik) et à Prévost pour les filles (via un prêt de service avec le CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal).

La semaine prochaine, un article sera publié concernant plus spécifiquement la réalité terrain au Nunavik.

Statistiques récentes sur le système de justice pénale pour adolescents au Canada (2018-2019)


Cet article a été rédigé par Me Sandra Couture, avocate au Ministère de la justice du Canada, Division de la justice pour les jeunes et les autochtones. Nous la remercions pour sa précieuse collaboration.

À chaque année, Statistique Canada et le Centre canadien de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités publie un rapport sur les services correctionnels pour les adultes et les jeunes au Canada. Ce rapport, en conjonction avec d’autres données de Statistique Canada, offre une vue d’ensemble sur l’utilisation des services correctionnels dans le contexte du système de justice pénale pour adolescents. Cet article souligne les statistiques les plus récentes et marquantes à ce sujet.

Le nombre d’admissions de jeunes aux services correctionnels est en baisse

Aux fins de compilation statistiques, une admission aux services correctionnels est comptée chaque fois qu’un jeune commence une période de surveillance quelconque dans un établissement correctionnel ou au sein de la collectivité. Un même jeune peut figurer plusieurs fois dans les comptes d’admissions. Cela se produit lorsqu’un jeune passe d’un programme correctionnel à un autre, ou lorsqu’un jeune réintègre le système plus tard pendant une même année.

En 2018-2019, on a dénombré un total de 14 578 jeunes admis aux services correctionnels pour adolescents à travers le pays. Il s’agit d’une baisse de 15 % par rapport à 2017-2018. Le nombre d’admissions à un programme de surveillance au sein de la collectivité a diminué de 12 % (total de 8 436) par rapport à l’année de référence antérieure, et le nombre d’admissions au placement sous garde a diminué de 20 % (total de 6 142).[1]

La majorité des jeunes intègrent initialement les services correctionnels par une peine au sein de la collectivité

Le nombre d’admissions initiales indique le nombre de jeunes qui commencent une période de surveillance correctionnelle ininterrompue, ce qui peut comprendre le placement sous garde, la surveillance au sein de la collectivité, ou les deux. Pour cette catégorie de données, chaque personne est comptée une seule fois durant son séjour dans le système correctionnel, peu importe les changements subséquents à son statut correctionnel.

La majorité des jeunes ont intégré les services correctionnels dans le cadre d’un programme de surveillance au sein de la collectivité. Ces jeunes ont intégré les services majoritairement à partir d’une période de probation (47 % de toutes les admissions initiales) ou suite à un autre programme de surveillance au sein de la collectivité (23 % de toutes les admissions initiales).[2]

Les admissions en placement sous garde représentaient 28 % des admissions initiales et celles au maintien sous garde avant procès dénombraient 26 % de toutes les admissions initiales. Il s’agit d’une diminution de 18 % des admissions en placement sous garde par rapport à l’année précédente et de 35 % par rapport à cinq ans auparavant.[3]

Le nombre quotidien de jeunes en détention continue de diminuer

Au cours d’une journée typique en 2018-2019, il y avait en moyenne 716 jeunes placés sous garde: 56% sous détention avant procès, 24% sous garde fermée et 18% sous garde ouverte[4]. En moyenne, 5 713 jeunes par jour étaient sous surveillance au sein de la collectivité, représentant 89% des jeunes dans les services correctionnels. Depuis 2017-2018, le nombre de jeunes sous surveillance correctionnelle a diminué de 10 % et de 32 % depuis 2014-2015.[5]

Le taux de jeunes inculpés par la police a diminué

Le taux national de jeunes inculpés par la police continue de reculer annuellement à travers le pays. Une baisse de 23 % a été constatée entre 2013 et 2017. En 2018, un total de 40 397 jeunes furent inculpés au Canada. En 2019, ce chiffre a diminué à 38 603. Au Québec, la province affiche une hausse considérable passant de 6 942 en 2018 à 8 232 en 2019.[6]

Démographie des jeunes dans les services correctionnels

En 2018-19, 77 % des jeunes admis aux services correctionnels étaient de sexe masculin. Les garçons représentaient 79 % des admissions en placement sous garde, alors que 21% étaient des filles.[7]

Les jeunes âgés de 16 et 17 ans représentaient 53 % des admissions aux services correctionnels. Les jeunes de cette tranche d’âge étaient à l’origine d’une proportion encore plus grande des admissions au placement sous garde (59 %), et représentaient un peu moins de la moitié (48 %) des admissions à un programme de surveillance au sein de la collectivité.[8]

Les garçons de 16 et 17 ans représentaient 41 % de l’ensemble des admissions de jeunes aux services correctionnels, alors que les filles du même groupe d’âge en représentaient 11 %.[9]

Les jeunes Autochtones continuent d’être surreprésentés dans le système correctionnel

Les jeunes Autochtones sont surreprésentés tant au sein de la population de jeunes admis en détention qu’au sein de la population de jeunes admis à un programme de surveillance au sein de la collectivité. En 2018-2019, alors qu’ils ne représentaient que 9% de la population totale des adolescents au Canada, les jeunes autochtones représentaient 43% des admissions totales dans les services correctionnels, totalisant 6 258 jeunes. 47 % des admissions en placement sous garde et 40 % des admissions à un programme de surveillance au sein de la collectivité étaient des jeunes autochtones.[10]


[1] Statistiques sur les services correctionnels pour les adultes et les jeunes au Canada, 2018-2019 – Tableau 8 : Admissions de jeunes aux services correctionnels, selon le type de surveillance et le secteur de compétence, 2018-2019

[2] Tableau 7 : Admission initiale des jeunes aux services correctionnels, selon le type de surveillance, certains secteurs de compétence, 2018-2019

[3] Ibid

[4] Tableau 35-10-0003-01 Comptes moyens des adolescents dans les services correctionnels provinciaux et territoriaux

[5] Tableau 6 : Comptes quotidiens moyens des jeunes sous surveillance correctionnelle, selon le type de surveillance et le secteur de compétence, 2018-2019

[6] ALLEN, Mary. 2018. « Statistiques sur les crimes déclarés par la police au Canada, 2017 », Juristat, produit no 85-002-X au catalogue de Statistique Canada;  Tableau 35-10-0177-01

[7] Ibid; Statistiques sur les programmes des services correctionnels : tableaux de bord interactifs

[8] Ibid

[9] Graphique 5; tableau 35-10-0006: Admissions de jeunes aux services correctionnels, selon l’âge et le sexe

[10] Tableau 9: Admissions de jeunes aux services correctionnels, selon les caractéristiques de la personne admise et le type de programme de surveillance, certains secteurs de compétence, 2018-2019

**Note au lecteur : Les données sur les admissions excluent le Québec et l’Alberta. Les données sur les admissions initiales excluent le Québec, le Manitoba, l’Alberta, le Yukon et l’Île-du-Prince-Édouard. Les données sur les comptes moyens excluent le Québec, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick

Les rapports Gladue

Tel qu’il a déjà été abordé ici, le tribunal chargé d’imposer une peine spécifique à un délinquant autochtone doit tenir compte de ses besoins particuliers et doit examiner toutes les sanctions envisageables ne comportant pas de placement sous garde (articles 3(1) c) (iv), 38(2) d) et 50(1) LSJPA et 718.2 e) Code criminel). Suivant les enseignements de la Cour suprême du Canada dans les arrêts R. c. Gladue et R. c. Ipeelee, dans le cadre de la détermination de la peine à être imposée à un délinquant autochtone, le tribunal doit prendre en compte les facteurs systémiques ou historiques particuliers qui peuvent avoir eu un impact sur la trajectoire de de vie l’adolescent autochtone et expliquer en partie sa présence devant le tribunal. Le tribunal doit également analyser les types de procédures et de sanctions qui pourraient être appropriées à l’égard de l’adolescent en raison de son héritage ou de ses attaches autochtones. Pour ce faire, le tribunal devrait prendre connaissance des facteurs systémiques et historiques généraux touchant les autochtones, et de la priorité donnée dans les cultures autochtones à une approche corrective de la détermination de la peine. Ces renseignements peuvent être soumis au tribunal par le biais d’un rapport (communément appelé « rapport Gladue ») ou des observations présentées par les avocats ou la communauté autochtone du délinquant.

Dans un rapport mis à jour au mois de décembre 2019, la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics : écoute, réconciliation et progrès (CERP) fait le point sur l’utilisation des rapports Gladue au Québec. On y rapporte qu’en moyenne, 123 rapports Gladue sont produits par année à travers la province en matière de justice criminelle pour les adultes. En matière de justice pénale pour les adolescents, aucun rapport Gladue n’aurait été demandé aux Services parajudiciaires autochtones du Québec. Le Ministère de la Justice et le Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec n’ont pas formulé de recommandations quant à leur utilisation. Il semblerait que l’utilisation de ce type de rapport s’avère exceptionnelle.

Dans le reste du pays, il est possible de répertorier quelques décisions rendues en vertu de la LSJPA où un rapport Gladue fut produit et pris en compte par le tribunal au stade de la détermination de la peine. Une de celles-ci fut notamment discutée ici. D’autres décisions analysent les facteurs Gladue sans préciser qu’un tel rapport fut officiellement soumis au tribunal.

Il est à noter qu’en matière de justice pénale pour les adolescents, un rapport prédécisionnel confectionné par le Directeur provincial et faisant état de la situation personnelle de l’adolescent et de sa famille est régulièrement soumis au tribunal avant que celui-ci ne prononce une peine spécifique. Cela explique potentiellement le faible recours aux rapports Gladue lorsque le délinquant concerné est d’origine autochtone.

Pour plus de détails concernant les rapports Gladue, veuillez consulter la fiche LSJPA : la trousse sur ce sujet

« Justice réparatrice pour les jeunes Autochtones »

Dans un rapport datant du mois d’août 2019 intitulé Indigenous youth restorative justice, la question de la surreprésentation des Autochtones dans le système de justice pénale canadien, et plus particulièrement celle des jeunes contrevenants autochtones soumis à la LSJPA, est analysée.

Ainsi, il est fait état que selon les données recueillies pour l’année 2016-2017, alors qu’ils ne représentent que 8% de la population canadienne pour le même groupe d’âge, 46% des jeunes faisant l’objet d’une peine criminelle en vertu de la LSJPA sont Autochtones.

Ce rapport explore certaines des causes de cette surreprésentation, par exemple l’héritage du colonialisme et l’impact des traumatismes intergénérationnels chez les populations autochtones.

Il fait également état du manque de confiance des jeunes issus des communautés autochtones envers le système de justice et les forces de l’ordre, alors que les services nécessaires pour assurer la prévention du crime et la réadaptation des jeunes contrevenants autochtones sont manquants ou inefficaces.

Finalement, le rapport fait état des bienfaits de la justice réparatrice, une approche bien établie dans le système de justice pénale pour les adolescents. Il est toutefois expliqué que la justice réparatrice telle qu’élaborée et pratiquée présentement dans la société répond davantage aux besoins des jeunes non racisés. Il est ainsi difficile de déterminer si les différents programmes mis en place s’avèrent efficaces pour les jeunes autochtones.

Conséquemment, suivant les recherches effectuées et les témoignages récoltés, différentes recommandations sont proposées. Par exemple, on suggère l’adoption de politiques et la mise en place de programmes visant la prévention du crime qui soient adaptés aux communautés autochtones, ainsi qu’une justice réparatrice axée sur la culture autochtone.

La surreprésentation des adolescents autochtones dans les milieux de garde

Dans son article « The Misinformed Versus the Misunderstood » publié en 2019 et mis à jour en 2020, l’auteur Isaac Heo explore l’impact de la LSJPA sur le taux d’incarcération des adolescents et particulièrement le taux d’incarcération des adolescents autochtones.  On se souviendra que la LSJPA est venue remplacer la LJC dans un contexte où l’objectif express était de réduire le recours à l’incarcération des adolescents pour les crimes non violents et ainsi que de favoriser la déjudiciarisation.

L’auteur s’appuie sur des études démontrant que la LSJPA a effectivement réussi à réduire le recours à l’incarcération chez les adolescents, donc la loi est considérée un succès à ce titre.  Cependant, il soulève les difficultés suivantes relatives aux adolescents autochtones:

  • Les adolescents autochtones font plus souvent l’objet de détention.
  • Les adolescents autochtones reçoivent des peines de mise sous garde plus souvent et ces peines peuvent être plus longues.
  • Les adolescents autochtones sont moins souvent dirigés vers des mesures extrajudiciaires ou des sanctions extrajudiciaires.

L’auteur confirme que les adolescents autochtones, comme tous les adolescents, ont vu leur taux d’incarcération diminuer avec l’entrée en vigueur de la LSJPA, mais que leur représentation parmi la population adolescente incarcérée a nettement augmenté (avec plusieurs analyses statistiques à l’appui).  L’auteur confirme que les explications en lien avec cette surreprésentation sont généralement de deux ordres: l’hypothèse d’implication différentielle (ils seraient plus souvent impliqués dans des crimes, dont particulièrement des crimes prioritaires pour les services policiers) ou l’hypothèse de traitement différentiel (ils feraient l’objet d’une forme de profilage racial à divers stades du processus judiciaire).  Cependant, l’auteur explique qu’une autre explication doit être considérée, soit qu’un écart de connaissances existe chez les professionnels du système judiciaire quant à la compréhension du contexte des adolescents autochtones qui commettent des délits.

L’auteur explique qu’il est important de consacrer des ressources à l’analyse de cette surreprésentation étant donné que, en plus des facteurs habituellement considérés (entre autres, le coût élevé de l’incarcération, la stigmatisation qui augmente le risque de récidive), les adolescents autochtones présentent certains facteurs de risques additionnels. En premier lieu, ils présentent, vu leur historique au sein du Canada, un haut taux de pauvreté, un haut taux de toxicomanie et un haut taux de transfert de traumas intergénérationnels.  En second lieu, ils présentent un taux de suicide beaucoup plus élevé que les adolescents allochtones.  En troisième lieu, les adolescents autochtones qui commettent des délits sont fréquemment atteints d’un syndrome d’alcoolisme foetal qui doit être considéré dans l’appréciation de leur délit et la mise en oeuvre de leur peine.

En fin de compte, puisque plusieurs facteurs de risque influençant la criminalité des adolescents autochtones sont liés à des politiques antérieures du gouvernement canadien, l’auteur conclut qu’une réconciliation active de la part du système de justice pénale est nécessaire afin d’éviter que cette surreprésentation ne persiste.