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Initiative à Longueuil pour contrer la formation de gangs de rue et intervenir en amont auprès des jeunes

Le ministre fédéral de la Sécurité publique était à Longueuil ce matin afin d’annoncer un financement de 4.9 millions $ pour l’initiative de la ville de Longueuil nommée « Groupe CONTACT », qui vise à outiller les adolescent.es âgé.es entre 12 et 17 ans et leur famille pour éviter ou quitter un mode de vie délinquant axé vers la criminalité.

Les intervenant.es du groupe CONTACT travailleront en collaboration avec les jeunes et les familles afin d’établir un plan de soutien social qui identifie les facteurs de risques des jeunes et les actions à entreprendre et travailler. Les ressources communautaires et les professionnels des milieux scolaires et de la santé et des services sociaux seront mis.es à contribution en fonction des facteurs et actions ciblées.

Les services seront offerts à près de 300 jeunes et leur famille afin d’orienter les adolescent.es dans une direction prosociale.

Le gouvernement fédéral gère plusieurs sources de financement pour des initiatives locales et provinciales dans le cadre de son initiative de justice pour les jeunes, dont le Fond du système de justice pour les jeunes et le Programme de financement des services de justice pour les jeunes.

Sources: La Presse, Radio-Canada, Ville de Longueuil, gouvernement du Canada

Flambée de violence reliée aux armes et aux gangs de rue

Au courant des derniers mois, les médias rapportent un nombre croissant de crimes liés à l’usage d’armes à feu chez les jeunes à Montréal. On semble assister à une flambée de la violence liée aux rivalités de gang de rue. La flambée est si marquée qu’on assiste à un phénomène nouveau : des jeunes contrevenants souhaitent demeurer sous garde plutôt que d’avoir à reprendre le chemin de la rue, jugée trop dangereuse. Statistique intéressante : selon le SPVM, lorsqu’on compare les mineurs et les jeunes adultes, les raisons de posséder une arme sont sensiblement les mêmes. La banalisation du port d’arme par les adolescents est, elle, particulièrement marquée selon les policiers sur le terrain. Or, comment nous savons, en raison de l’impulsivité plus marquée chez les adolescents, cela rend le phénomène d’autant plus inquiétant.

Ces évènements remettent à l’avant plan le phénomène de gang de rue, que nous souhaitons aborder ici.

Quelle est la définition de « gang de rue »?

L’expression « gangs de rue » fait référence à des groupes d’adolescents qui partagent une identité commune et pour qui les activités criminelles sont un marqueur identitaire du groupe. Ces activités criminelles sont souvent très variées. Actuellement, la fraude, le trafic de stupéfiant, et le proxénétisme sont en vogue. De plus, il existe ce qu’on peut appeler des crimes signatures de gangs de rue, entre autres le « drive by shooting » (qu’on peut traduire par fusillade au volant) et l’invasion de domicile. Contrairement au mythe parfois véhiculé, les gangs ne s’associent pas toujours à certaines couleurs, ou à certains signes distinctifs.

Processus d’adhésion et usage de la violence

Le processus d’adhésion à une gang n’est pas linéaire, mais il existe plusieurs facteurs de risque : l’adolescent est vulnérable et évolue dans un milieu dysfonctionnel à plusieurs niveaux (scolaire, familial,…). L’adhésion à une gang de rue répond généralement à un besoin d’appartenance et/ou un besoin de protection et/ou un besoin de reconnaissance (obtention d’un statut). Contrairement au mythe véhiculé, l’appât du gain constitue souvent une raison pour entrer dans une gang, mais ce n’est pas la première raison qui motivera le jeune. D’ailleurs, la perte de liens sociaux, d’appartenance, est souvent l’obstacle principal rencontré par les adolescents qui souhaitent sortir de ce milieu.

Il faut souligner que l’usage de la violence par les gangs est d’abord dirigé envers des groupes rivaux. L’usage de la violence par les membres de gang est donc ciblé. Rappelons que les membres de gang sont eux-mêmes très à risque de devenir victime de violence.

Comment s’attaquer au phénomène ?

Une chose est certaine : la répression à elle seule ne suffit pas. Selon le chercheur René-André Brisebois, si on veut s’attaquer au problème, il faut s’attaquer aux racines de la criminalité. Or, la criminalité prend racine dans un contexte socioéconomique difficile et d’inégalités sociales…

Il n’est donc pas surprenant que le nord-est de Montréal devienne l’épicentre de cette flambée de violence rapportée par les médias.

Sources :

https://www.lapresse.ca/actualites/enquetes/2021-10-02/fusillades-a-montreal/adolescents-armes-et-dangereux.php

https://www.cicc-iccc.org/fr/balados/enquete-de-criminologie-balado/episode-4-jeunes-et-gangs-de-rue

https://www.securitepublique.gouv.qc.ca/police/phenomenes-criminels/gangs-de-rue.html

Revue médiatique, été 2021

Juillet 2021

L’adolescent accusé du meurtre de Thomas Cameron, survenu au mois d’août 2019, a plaidé coupable au chef de meurtre au second degré. Au début des procédures, un avis d’assujettissement à une peine pour adulte avait été déposé. La suite des procédures est prévue le 18 novembre prochain.

Au Nouveau-Brunswick, un adolescent de 13 ans est accusé d’avoir braqué une arme à feu. L’arme en question était un pistolet à air comprimé.


Août 2021

À Ottawa, un homme de 18 ans est accusé du meurtre au premier degré de Mehdi El-Hajj Hassan, décédé le 16 janvier 2021, lors d’une fusillade. L’accusé était mineur lors des événements.

Septembre 2021

À Montréal, quatre adolescents sont accusés de menaces de mort et de complot en vue de commettre des voies de faits graves sur un élève. Deux d’entre eux ont comparu devant la chambre de la jeunesse le 4 septembre dernier et les deux autres adolescents ont comparu le 21 septembre et ont plaidé non coupables.

À Montréal, dans l’affaire du meurtre de Jimmy Méthot, retrouvé mort au début du mois de septembre, un adolescent est accusé de meurtre au premier degré et d’outrage à un cadavre. Une femme de 35 ans a aussi été accusée du meurtre au premier degré et d’outrage à un cadavre.

Aux États-Unis, un adolescent est accusé d’inconduite, de voies de fait et de perturbation dans un établissement public après s’en être pris à un élève portant le drapeau arc-en-ciel.

Aux États-Unis, deux adolescents sont accusés de conspiration en vue de commettre une fusillade de masse et devront se soumettre à une évaluation psychiatrique.

En Finlande, trois adolescents sont condamnés à des peines de huit à dix ans de prison pour avoir torturé et battu à mort un ancien camarade de classe.

Revue médiatique, printemps 2021

En mai 2021:

La Cour suprême du Canada a statué que l’article 37 (10) de la LSJPA est constitutionnel (pour plus d’infos à ce sujet, voir l’article de Me Trottier écrit à ce sujet, ici).

Dans le cadre de l’audience sur la détermination de la peine, un psychiatre a témoigné à l’effet que le jeune terroriste arrêté à Kingston à l’âge de 16 ans en 2019 pose un faible risque pour autrui. Rappelons que l’adolescent a plaidé coupable aux accusations de terrorisme. La poursuite demande une peine pour adultes, alors que l’avocat de la défense demande une peine spécifique de trois ans.

En juin 2021:

Un adolescent a été arrêté dans le nord de Montréal alors qu’il était en possession d’un pistolet chargé. Il s’agit d’un individu ayant des liens avec le crime organisé. L’adolescent avait également attiré l’attention des enquêteurs dans le cadre d’une enquête liée au trafic de stupéfiants.

En Alberta, dans un dossier où l’adolescent est accusé d’avoir tué un homme dans le cadre d’une fusillade en plein jour, le tribunal a refusé à l’adolescent d’être confié aux soins d’une personne digne de confiance (art. 31 LSJPA).

À Montréal, une intervention policière envers un adolescent issus de la communauté noire a soulevé des questionnements, notamment en ce que la technique du genou sur le cou semble avoir été utilisée.

Revue médiatique, hiver 2021

En décembre, un policier de Calgary est décédé après avoir été happé par un véhicule dans le cadre d’un barrage routier. Un adolescent aurait été au volant et est accusé du meurtre de ce dernier. Il s’est vu refuser sa mise en liberté provisoire. Par ailleurs, le jeune homme fait face à des difficultés afin d’être représenté par avocat.

En janvier, la Cour suprême du Canada a rendu une décision en matière de justice pénale pour adolescents, dans un objectif d’harmonisation des pratiques au Canada. Elle affirme qu’un magistrat d’une Cour supérieure a compétence, dans certaines circonstances, pour entendre et trancher la demande de mise en liberté provisoire d’un adolescent. Cette compétence n’est toutefois pas exclusive, ce qui permet davantage de souplesse, notamment dans les régions rurales et pour les adolescents Autochtones.

En janvier, l’adolescente qui avait reconnu son implication dans le meurtre de Thomas Cameron s’est vue imposer une peine de 30 mois de placement sous garde. Rappelons que cette dernière avait plaidé coupable à une accusation d’homicide involontaire coupable en octobre dernier. En ce qui concerne l’autre adolescent impliqué dans cette affaire, toujours accusé de meurtre prémédité, celui-ci choisira son mode de procès en juin. S’il est trouvé coupable, il fait face à une demande d’assujettissement à une peine pour adultes.

En février, l’adolescent autiste accusé du meurtre de sa mère a été trouvé coupable par la juge Fannie Cotes. Rappelons que son avocat recherchait un verdict de non-responsabilité criminelle en raison des troubles mentaux de l’adolescent. Au cours des prochains mois, le jeune homme sera soumis à diverses évaluations, dont une sur sa dangerosité, afin de déterminer s’il peut être assujetti à une peine pour adulte. La cause a été reportée au mois de mai pour la suite des procédures quant à la peine.

En mars, une annonce a été faite concernant le système de justice pour adolescents atikamekw. Il s’agit d’un projet qualifié d’unique et d’avant-gardiste par le grand chef de la Nation Atikamekw, qui permettra une alternative à la judiciarisation systématique des cas. Des camps et des ateliers permettront aux adolescents à prendre conscience de leurs actes dans un contexte de justice réparatrice. Une enveloppe de 945 000$ sur trois ans a été annoncée par le ministre fédéral de la justice David Lametti.

Revue médiatique, automne 2020

Le projet Iso-Stress a été déployé dans des centres de réadaptation de quelques régions dernièrement. Il s’agit d’un programme qui vise l’acquisition d’outils dans la gestion du stress. Deux déléguées à la jeunesse du CIUSSS de la Mauricie-et-du-centre-du-Québec sont parmi les 4 seuls formateurs agréés de ce programme au Québec. Ces intervenantes forment donc des intervenants à offrir les ateliers en centre de réadaptation. Le programme vise à apprendre ce qu’est le stress, comment le reconnaître, en comprendre les effets et comment s’y adapter. Spécifiquement pour les jeunes suivis en LSJPA, des ateliers sur la violence ont été ajoutés. Sur le terrain, les équipes constatent une diminution des retraits hors service.
Plus d’infos ici.

Cet automne avait lieu le procès de l’adolescent autiste qui a tué sa mère en 2019, en la poignardant après qu’elle lui ait retiré son Ipod, alors qu’il était âgé de 17 ans. L’avocat de la défense demandait un verdict de non-responsabilité criminelle en raison des multiples diagnostics de son client: autisme, déficience intellectuelle légère, TDAH, trouble du langage sévère, etc., alors que le procureur des poursuites criminelles et pénales plaidait que l’adolescent était en mesure de faire la différence entre le bien et le mal. La juge a indiqué qu’elle rendrait son jugement en février.

En octobre dernier, l’adolescente impliquée dans le meurtre de Thomas Cameron a plaidé coupable à une accusation d’homicide involontaire coupable. Rappelons que Thomas Cameron avait été découvert sans vie en août 2019 dans un parc. L’adolescente était détenue en centre de réadaptation depuis son arrestation. La peine maximale pour ce crime est de trois ans de garde. Un rapport prédécisionnel a été demandé et l’audition sur la peine est fixée au 18 janvier 2021.

Quant au jeune homme accusé d’être impliqué dans le même crime, la défense a demandé une remise au 1er février 2021 avant de déterminer si elle optera pour un procès devant juge seul ou devant juge et jury. Le jeune homme était âgé de 17 ans au moment des faits et est détenu depuis son arrestation. La mère de la victime a exprimé sa tristesse quant au fait que le processus judiciaire s’allonge.

Le webzine de l’Ordre professionnel des criminologues du Québec

Deux membres de l’équipe de soutien LSJPA ont eu la chance de participer à la rédaction d’un article pour le webzine Le Beccaria, une publication de l’Ordre professionnel des criminologues du Québec (OPCQ).

Cette deuxième édition du webzine traite d’un sujet d’actualité: « L’exploitation sexuelle des mineurs et échanges de services sexuels contre rémunération : approches et interventions ».

L’article rédigé par l’équipe de soutien LSJPA porte sur les infractions criminelles liées à la pornographie juvénile et l’interprétation donnée par la Cour suprême du Canada à ces dispositions. Un récent jugement de la Cour d’appel est également résumé afin d’illustrer un cas de pornographie juvénile.

Le webzine est disponible à l’adresse suivante: https://ordrecrim.ca/membres/ordre/le-beccaria/. Vous trouverez l’article rédigé par l’équipe de soutien LSJPA à la page 57.

Finalement, nous souhaitons remercier l’équipe du Beccaria pour cette belle opportunité et collaboration.

Délai pour comparaître (R. c. Reilly, 2020 CSC 27)

Le 13 octobre 2020, la Cour Suprême du Canada a rendu l’arrêt R. c. Reilly, 2020 CSC 27, qui porte sur les conséquences du non-respect du délai prévu pour faire comparaître un prévenu. Dans cette affaire, M. Ryan Curtis Reilly faisait l’objet de diverses accusations en lien avec un incident de violence conjugale qui aurait eu lieu le 31 mars 2017. M. Reilly a été arrêté par les services policiers d’Edmonton le 4 avril 2017 à 11h50. Suite à son arrestation, il a été amené aux bureaux des services policiers d’Edmonton. Par après, il a comparu et fait l’objet d’une enquête sur remise en liberté. Cette audience a eu lieu le 5 avril 2017 à 22h59, soit près de 36 heures après son arrestation.

Le Code criminel du Canada prévoit à son article 503(1)a) qu’un agent de la paix qui arrête une personne doit la faire conduire devant un juge de paix sans retard injustifié et, au plus tard, dans un délai de vingt-quatre heures après son arrestation. Dans le présent cas, l’Honorable juge R.R. Cochard de la Cour provinciale de l’Alberta a ordonné un arrêt des procédures étant donné qu’il a considéré que les droits fondamentaux de M. Reilly avaient été lésés vu sa détention de plus de 24 heures. Plus précisément, il considère que les droits de M. Reilly en vertu des articles 7, 9 et 11e) de la Charte canadienne des droits et libertés avaient été lésés, à savoir le droit à la liberté, le droit à la protection contre la détention arbitraire et le droit de ne pas être privé sans juste cause d’une mise en liberté assortie d’un cautionnement raisonnable. Il considère également que le remède à cette lésion des droits de l’accusé est l’arrêt des procédures. Cette décision de première instance, pouvant être lue ici, effectue une analyse du problème systémique des détentions plus longues que 24 heures dans la province de l’Alberta.

La Couronne a porté cette décision en appel devant la Cour d’appel de l’Alberta. La Couronne admettait que les droits fondamentaux de l’accusé avaient été lésés, mais contestait le fait que l’arrêt des procédures soit le remède approprié. La Couronne questionnait s’il était approprié que l’arrêt des procédures soit utilisé comme remède individuel pour l’accusé alors que le problème des détentions trop longues était systémique au sein de la province. La Cour d’appel de l’Alberta a donné raison à la Couronne dans une décision pouvant être lue ici et ordonnait que le dossier soit retourné à la Cour provinciale de l’Alberta pour un procès de l’accusé.

M. Reilly a porté cette décision en appel devant la Cour Suprême du Canada. L’Honorable Russell Brown énonce ainsi les motifs unanimes de la Cour Suprême:

Eu égard aux circonstances, y compris la conclusion tirée par la juge de première instance au par. 63 de ses motifs (2018 ABPC 85, 411 C.R.R. (2d) 10), selon laquelle la violation de l’art. 503 du Code criminel, L.R.C. 1985, c. C-46, était une manifestation d’un problème systémique et persistant à l’égard duquel aucune mesure satisfaisante n’était prise pour y remédier, nous sommes toutes et tous d’avis que rien ne justifiait l’intervention de la Cour d’appel dans l’exercice par la juge de première instance de son pouvoir discrétionnaire : voir R. c. Babos2014 CSC 16, [2014] 1 R.C.S. 309, par. 41

L’appel est accueilli et l’arrêt des procédures est rétabli.

Ainsi, la Cour Suprême se trouve à réitérer l’importance qu’une personne prévenue soit amenée devant un juge de paix dans un délai maximal de 24 heures et confirme qu’il est possible qu’un arrêt des procédures soit prononcé lorsque ce délai n’est pas respecté.

Bilan des DPJ DP 2020

Le bilan des DPJ DP 2020 est publié et est disponible ici

Quelques données:

3 750 adolescents ont été évalués et orientés par le DP et 3 355 sanctions extrajudiciaires ont été appliquées après évaluation. 94 % des adolescents ont accompli leur sanction.

Sur les peines ordonnées, 2 444 étaient des peines dans la collectivité (dont 86% à des garçons) et 295 comportaient une mise sous garde (dont 97% à des garçons).

9 041 adolescents ont reçu des services en vertu de la LSJPA (dont 80 % étaient des garçons):
« En 2019-2020, le nombre d’adolescents contrevenants qui ont reçu des services a diminué de 8,5 % par rapport à l’an dernier. Les hypothèses qui pourraient expliquer cette baisse sont nombreuses. Parmi elles, notons la diminution du nombre d’adolescents âgés de 15 à 19 ans dans la province et l’actualisation de mesures préventives plus efficaces. »

Omission de se conformer aux conditions d’une promesse, d’un engagement ou d’une ordonnance (R. c. Zora, 2020 CSC 14)

Le 18 juin 2020, la Cour suprême du Canada a rendu l’arrêt R. c. Zora, 2020 CSC 14, lequel porte sur le non-respect d’une condition de mise en liberté sous caution. Dans cette affaire, M. Zora était en liberté sous caution dans l’attente de son procès. Il devait alors respecter diverses conditions, dont celle de se conformer à un couvre-feu et celle de répondre à la porte dans un délai de cinq minutes lorsqu’un agent de la paix venait vérifier s’il était bel et bien à son domicile. À deux reprises, M. Zora n’a pas répondu à la porte. M.  Zora se défend d’avoir respecté son couvre-feu, mais explique ne pas avoir entendu l’agent sonner à la porte.

M. Zora a été accusé et trouvé coupable d’omission de se conformer à ses conditions de mise en liberté sous caution en vertu de l’article 145(3) du Code criminel. La Cour suprême a accueilli le pourvoi de M. Zora, annulé ces déclarations de culpabilité et ordonné la tenue d’un nouveau procès sur ces deux chefs.

À l’unanimité, la Cour suprême a conclu que l’article 145(3) du Code criminel créé une infraction requérant la preuve d’une mens rea subjective. La Couronne doit donc établir que la personne prévenue a commis un manquement à une condition d’une promesse, d’un engagement ou d’une ordonnance sciemment ou par insouciance. Ainsi, il doit être établi que :

La personne prévenue connaissait les conditions de sa mise en liberté sous caution OU faisait preuve d’aveuglement volontaire à leur égard, ET;

La personne prévenue a sciemment omis d’agir conformément aux conditions de sa mise en liberté sous caution, c’est‑à‑dire qu’elle connaissait les circonstances qui exigeaient qu’elle se conforme aux conditions de l’ordonnance dont elle faisait l’objet, ou qu’elle faisait preuve d’aveuglement volontaire face aux circonstances, et qu’elle a omis de se conformer aux conditions malgré le fait qu’elle les connaissait OU la personne prévenue a par insouciance omis d’agir conformément aux conditions de sa mise en liberté sous caution, c’est‑à‑dire qu’elle était consciente qu’il y avait un risque important et injustifié que sa conduite ne respecte pas les conditions de sa mise en liberté sous caution mais qu’elle n’a pas cessé d’agir de la sorte.. 

R. c. Zora, 2020 CSC 14 au para 109.

La Cour suprême profite de cette affaire afin de rappeler que des conditions de mise en liberté sous caution peuvent être imposées, mais qu’elles doivent toujours être le moins nombreuses possible, nécessaires, raisonnables, les moins sévères possible dans les circonstances et suffisamment liées aux risques que pose la personne prévenue en lien avec les motifs pouvant justifier lesdites conditions tel que prévu à l’article 515(10) du Code criminel. Les conditions de mise en liberté sous caution doivent donc être individualisées en fonction des circonstances de chaque cas et ne doivent pas être ordonnées de manière expéditive et automatique, même suivant le consentement des parties. En effet, l’émission de conditions excessives, inutiles ou trop sévères restreint indûment la liberté d’une personne présumée innocente et créée de nouvelles sources de responsabilité criminelle éventuelle. La Cour suprême rappelle à juste titre que les infractions contre l’administration de la justice découlant notamment du non-respect d’une condition de mise en liberté affectent surtout les populations les plus vulnérables et marginalisées (notamment les personnes moins nanties, celles aux prises avec des problèmes de toxicomanie ou de santé mentale, ainsi que les personnes autochtones).

Il est intéressant de noter que les commentaires de la Cour suprême rejoignent les objectifs sous-jacents aux amendements apportés à la LSJPA dans le cadre du projet de loi C-75. Ceux-ci visaient notamment à s’assurer que les conditions imposées aux jeunes ne soient que celles qui sont nécessaires et raisonnables dans les circonstances et à réduire le nombre d’accusations liées à des infractions contre l’administration de la justice (voir les nouveaux articles 24.1, 28.1, 29(1), 38(2)(e.1), 55(1)(2) de la LSJPA). Il importe de rappeler que les conditions imposées à un adolescent (tant au stade provisoire que dans le cadre de la peine spécifique) doivent servir des fins de justice pénale et ne doivent jamais se substituer à des services de protection de la jeunesse, de santé mentale ou à d’autres mesures sociales.