Archives d’auteur : Me Jeanne Tugault

Rejet d’une requête en exclusion de la preuve

Récemment, le juge Louis Charette avait à se pencher sur une requête en exclusion de la preuve présentée par l’adolescent accusé d’avoir conduit un véhicule à moteur avec les facultés affaiblies et d’avoir causé des lésions corporelles. Ce dernier soutenait que ses droits constitutionnels prévus aux articles 10b) et 8 de la Charte canadienne des droits et libertés n’avaient pas été respectés par les policiers à la suite de son arrestation, et il demandait que ses déclarations postérieures à la violation de ses droits ainsi que les résultats des échantillons sanguins prélevés à l’hôpital soient exclus de la preuve.

En gros, la trame factuelle est la suivante: en soirée, l’accusé âgé de 17 ans et demi au moment des faits (et qui présente un développement normal) consomme de l’alcool avec un ami, puis décide de conduire sans autorisation le pick up de son grand père. Le duo se retrouve dans le fossé de la route de campagne. Légèrement blessé, l’adolescent s’adresse à l’occupant d’un chalet non loin pour appeler les secours. Les policiers se présentent sur les lieux. Alertés par une odeur d’alcool, à 23h22, ceux ci demandent au jeune de se soumettre au test le « test de la balloune », et ce dernier échoue le test. Suivant cet échec, l’adolescent est mis en état d’arrestation, avisé de ses droits, et puis conduit à l’hôpital, où il subit un test sanguin, qui confirme son alcoolémie élevée.

L’accusé soutient que ses droits constitutionnels ont été brimés parce que les policiers ne se sont pas suffisamment souciés de son droit de consulter un avocat. Selon lui, les policiers auraient dû s’assurer de sa compréhension de ses droits et lui rappeler à plusieurs occasions la possibilité de contacter un avocat. En chemin vers l’hôpital, bien que la couverture cellulaire était problématique, les policiers auraient dû lui demander s’il était lui-même en possession d’un téléphone ou de vérifier l’état du réseau pour lui permettre d’exercer son droit à l’avocat. Les policiers avaient l’obligation de l’informer de son droit de communiquer avec l’un de ses parents en vertu de l’article 26 ou 146 de la LSJPA, ce qu’ils n’ont fait qu’à une seule occasion à 23h31, sans le réitérer à 00h18.

Le juge retient que la première question est de savoir si l’accusé, après avoir été informé de ses droits, a exprimé le désir de communiquer avec un avocat. Or, en l’espèce, le juge retient qu’immédiatement après que l’accusé fut mis en état d’arrestation vers 23h22 (suivant le test de la balloune), les policiers lui ont fait part de la mise en garde, de son droit au silence et de son droit de consulter un avocat sans égard à ses moyens financiers. Puis moins de dix minutes plus tard, ces droits lui sont à nouveau précisés avec la « carte des droits ». À 23h22, informé pour la première fois de ses droits, l’adolescent ne demande pas de consulter un avocat. Lorsque les droits lui sont lus à l’aide de la « carte des droits » à 23h31, il lui est encore demandé s’il veut contacter un avocat; il n’exprime pas alors le souhait de parler à un avocat. Que ce soit dans l’ambulance ou après son arrivée à l’hôpital, en aucun moment l’accusé ne demande à parler à un avocat. Finalement, lorsqu’il est mis en état d’arrestation pour conduite avec les facultés affaiblies causant des lésions à 00h18, il répond encore « non » lorsqu’on lui demande s’il veut exercer ce droit. Pour le juge, les policiers ont bel et bien effectué leur travail correctement et les droits du jeune n’ont pas été violés.

Quant au respect de l’article 146 LSJPA, le juge conclut ainsi:

[64] L’article 146 LSJPA énonce les règles particulières pour déterminer l’admissibilité d’une déclaration orale ou écrite faite par un adolescent à un agent de la paix ou à une personne en situation d’autorité. Cette disposition ne constitue cependant pas une exigence constitutionnelle aux fins de l’article 10b) de la Charte, comme il a été décidé dans R. v. C.B.M.
[65] L’adolescent n’a pas été questionné par les policiers après avoir été mis en état d’arrestation à 23h31, si ce n’est pour obtenir des coordonnées pour joindre un membre de sa famille. Les seules questions qui lui furent posées l’ont été par les ambulanciers. Après qu’il fut mis en état d’arrestation pour la seconde fois à 00h18, il n’a pas été interrogé et n’a fait aucune déclaration.
[66] En défense, on soumet que la déclaration aux ambulanciers doit être exclue parce qu’elle ne respecte pas les exigences de l’article 146 LSJPA. De son côté, la poursuite prétend qu’il ne s’agit pas d’une déclaration faite à une personne en autorité et conséquemment, que les exigences de cette disposition ne s’appliquent pas.
[67] À mon avis, il est inutile de répondre à cette question. D’abord, il ne s’agit pas d’une déclaration incriminante. L’accusé ne fait que mentionner aux ambulanciers qu’il était dans le véhicule, qu’ils roulaient à 60km/h, qu’ils ont glissé et qu’ils se sont retrouvés dans le fossé. Par ailleurs, d’autres déclarations de l’adolescent qui ne sont pas remises en cause vont dans le même sens. Déterminer qu’il s’agit d’une déclaration à une personne en autorité et l’exclure de la preuve n’aurait donc aucune incidence sur la suite des choses.
[68] Le seul élément de preuve qu’ils ont obtenu à partir de ce moment concerne les résultats de la prise sanguine. Or, l’article 146 LSJPA ne peut s’appliquer parce que cela ne constitue pas une déclaration orale ou écrite au sens de cette disposition. Dans le même sens, je note que les tribunaux ont conclu qu’un échantillon d’haleine ne constitue pas une déclaration au sens de l’article 146 LSJPA, ni les résultats aux tests d’évaluation prévus au Règlement sur l’évaluation des facultés de conduite.
[69] L’article 26 LSJPA ne s’applique pas davantage. Le paragraphe 26(2) prévoit qu’un avis aux parents doit être donné dans les meilleurs délais après qu’une sommation ou une citation à comparaître ait été décernée à un adolescent. (nos caractères gras)

Au terme de cette analyse, le juge rejette la requête de l’accusé.

Formation gratuite en LSJPA- rattrapage disponible

Pour ceux qui l’auraient manquée, le 29 février dernier s’est tenue une journée de formation clinique en LSJPA, De la théorie à la pratique. Les sujets suivants ont été abordés: les trajectoires LSJPA, une présentation de la démarche SENS, des projets LOTUS et ACTES, les meilleures pratiques en matière de prévention de violence, et finalement, une présentation sur le fléau de l’usage du wax pen chez le jeunes.

L’écoute des présentations est disponible ici en rattrapage, et est gratuite!

Les « man-purses » griffés, les armes, et la légalité des fouilles

Dans un article paru aujourd’hui concernant une décision récente, un juge valide une fouille effectuée dans un contexte particulier impliquant le port d’un article de mode bien particulier: la sacoche pour homme, communément appelée man- purse, dans l’espace public.

Il s’agit à la base d’un jugement rejetant une demande d’exclusion de la preuve. Les faits sont les suivants: en octobre 2023, l’accusait marchait sur un trottoir du centre‑ville de Montréal avec un pistolet de marque Glock-19, chargé et modifié. L’arme était cachée dans un « man‑purse » de marque Givenchy. Deux policiers qui passaient par là, invoquant un comportement suspect de l’accusé, jugent avoir des motifs raisonnables de soupçonner qu’il transportait une arme à feu dissimulée. Ils le fouillent et trouvent l’arme, de même qu’une grande quantité d’argent. La défense invoquait essentiellement que le seul motif de fouille des policiers était le fait de se promener avec un man-purse de luxe, ce qui n’est pas en soi un motif valable.

Discutant de ce qu’on peut qualifier de comportement suspect aux yeux des policiers, le juge indique:

[74]         En matière d’infractions relatives à la possession d’arme de poing, la jurisprudence accorde une importance considérable au fait que la personne observée fait des mouvements calculés, contre nature, lorsqu’il aperçoit les policiers, notamment :

(1)  En serrant un objet ou un sac contre son corps;

(2)  En coinçant son bras ou son coude contre son torse

(3)  En oscillant bizarrement – ou en n’oscillant pas du tout – les bras en marchant

(4)  En réalignant discrètement son corps dans le but de cacher un objet de la ligne de mire du policier. La jurisprudence utilise le terme anglais « blading » pour décrire cette manœuvre.

(5)  En faisant des « self‑pat », soit le fait de s’autopalper momentanément, parfois de manière inconsciente, afin de confirmer que l’objet caché est toujours bel et bien à sa place

(6)  En sortant préventivement une pièce d’identité pour l’avoir prête, avant même que les policiers la demandent.

(7)  En faisant des mouvements plus manifestes compatibles avec le fait de vouloir cacher un objet.

Le juge ajoute aussi:

[86]         La défense soutient, de façon créative, qu’il y a bel et bien eu « profilage », soit un « profilage des gens portant des man‑purses ». Or, cela va de soi, dans une certaine mesure, bien que le mot « profilage » soit un terme trompeur. Sans admette un profilage quelconque, les deux policiers ont effectivement affirmé que le port du man‑purse était un signe pertinent à considérer, parmi tant d’autres et ce, conformément à leur formation spécialisée et leurs multiples expériences pratiques sur le terrain.

[87]         Avec égards pour l’avis contraire, ceci n’est pas répréhensible ou même problématique. Physiquement, de par sa conception, le sac en bandoulière est un accessoire de mode qui se prête bien au transport d’une arme de poing. Empiriquement, selon une preuve non contredite au voir-dire, les man-purses sont très souvent utilisés pour transporter des armes à feu illégales. Cette réalité ne doit pas être ignorée.

[88]         Le Tribunal a donc demandé au procureur en quoi ce « profilage » serait choquant ou indésirable. Certes, le profilage des suspects sera déplorable s’il est basé sur la race, l’origine ethnique, la religion, le sexe, l’orientation sexuelle apparente ou l’appartenance à une classe sociale marginalisée. Par contre, selon le Tribunal, ces principes ne s’appliquent pas à une catégorie d’accessoire de mode. Par analogie, il est utile de rappeler que la discrimination étatique enfreindra l’art 15 de la Charte seulement si elle est basée sur des caractéristiques personnelles analogues qui sont fondées sur la dignité et l’identité de la personne, ou celles d’un groupe d’individus qui constituent une minorité discrète et isolée, selon l’ensemble du contexte social, politique et juridique. Or, la catégorie de « personnes avec une sacoche » n’est pas une classe protégée et elle ne doit pas le devenir. Ces personnes ne constituent certainement pas une minorité discrète et isolée. (nos caractères gras)

Et le juge de conclure en ces termes colorés sur la question des sacoches:

[98]         Si les jeunes hommes sont mécontents de l’attention que les man‑purses attirent de la part des policiers, ils n’ont qu’à ne pas en porter. Cet accessoire de mode n’est aucunement relié à la culture, à l’identité ou à l’intégrité de la personne. Il est loin d’être essentiel. La mode est relativement récente. Depuis des décennies, les hommes se débrouillaient bien sans man‑purses. Qu’ils soient sans crainte : les portefeuilles continuent à exister; les poches de pantalon et de manteau aussi. (nos caractères gras)

Le juge conclut que les policiers en l’espèce avait des faits objectifs observables qui rendaient la fouille par palpation légale.

Le lecteur avisé ne pourra s’empêcher de faire le lien avec les propos tenus lors d’une des conférences tenues à la dernière journée des juristes LSJPA, à l’automne dernier. Le policier conférencier d’ENSALA avait justement discuté de la prolifération des armes chez les jeunes, et évoqué le fait que ce type de sacoche était effectivement un « endroit de prédilection » pour transporter de telles armes à feu.

Guide lecture rattrapage: quelques articles d’intérêt en criminologie juvénile

Pour ceux qui les auraient manqués, un retour sur quelques articles parus en 2023, disponibles gratuitement sur le site Erudit.org, et qui ont retenu notre attention:

Bonne lecture!

L’infraction de conduite dangereuse constitue t elle une infraction avec violence donnant ouverture à une peine de garde?

Voilà la question à laquelle la Juge Nolin devait répondre dans le cadre d’une audition concernant la peine appropriée à infliger à une adolescente ayant plaidé coupable à cette infraction.

La déléguée jeunesse recommandait une peine de placement sous garde différée suivi d’une probation avec suivi de 9 mois et 75 heures de travaux communautaires.

Le Ministère public soumettait que l’infraction de conduite dangereuse est une infraction avec violence au sens de l’article 2c) de la LSJPA qui, en vertu de l’article 39a) de la Loi donne ouverture à une peine privative de liberté. Rappelons que l’article 2(1) c) (qui prévoit une des définitions d’une infraction avec violence) se lit : « infraction commise par un adolescent au cours de la perpétration de laquelle il met en danger la vie ou la sécurité d’une autre personne en créant une probabilité marquée qu’il en résulte des lésions corporelles ».

La défense, au contraire, plaidait que l’accusation de conduite dangereuse ne se qualifie pas comme infraction avec violence, et que le placement sous garde n’était donc pas une option envisageable.

Les faits reconnus étaient les suivants : le 21 juillet 2022, la jeune prend le volant d’une auto volée alors qu’elle ne détient pas de permis de conduire. Au moment où un policier lui intime de s’immobiliser, elle prend la fuite. Paniquée, elle roule à des vitesses oscillant entre 70 et 150 km/heure, conduit de façon erratique, brûle un feu rouge, emprunte des voies rapides, un sens unique à contre sens, elle heurte une auto-patrouille à l’arrêt, positionnée pour l’intercepter, manquant de justesse de frapper un policier.

La juge Nolin est d’avis que la conduite dangereuse ne se qualifie pas d’emblée d’infraction avec violence, mais que l’examen des circonstances propres à chaque cas permettra de déterminer si la conduite de l’accusé a créé une « probabilité marquée que des lésions corporelles en résultent ».

En l’espèce, la juge conclut qu’il s’agissait bel et bien d’une infraction avec violence puisque l’ensemble des circonstances reconnues par l’adolescente permettait de conclure qu’elle avait mis en danger la vie ou la sécurité non seulement d’une, mais de plusieurs autres personnes en créant, par sa conduite, une probabilité marquée, voir élevée, que des individus soient blessés.

La juge retient également de la preuve une certaine insouciance et une déresponsabilisation chez la jeune. Notant que « le levier que représente la mise sous garde est nécessaire pour provoquer la mobilisation de cette adolescente maintenant majeure », elle donne essentiellement droit aux recommandations du rapport de la délégué jeunesse.

La décision intégrale est à lire ici.

Rare rejet de la suggestion commune sur la peine concernant un adolescent

Dans une décision récente, le juge Eric Hamel écarte une suggestion commune sur la peine. Le juge souligne même qu’en 10 ans, c’est seulement la deuxième fois que cela lui arrive. On vous explique pourquoi dans ce billet.

Rappel des faits. L’accusé X a plaidé coupable à deux infractions, soit avoir été en possession d’une arme dans un dessein dangereux (un couteau) et de menaces de mort à l’égard de la victime, Z (menaces faites à personne interposée). Le tout s’est déroulé dans un contexte scolaire et sur toile de fond de disputes entre gangs rivaux émergents.

Les parties avaient convenu de la suggestion commune suivante suite à production d’un rapport pré décisionnel: un an de PASI (Programme d’assistance et de surveillance intensive). Par contre, fait important pour le juge: en interrogatoire, l’auteure du rapport pré décisionnel avait changé d’avis et après réflexion, elle suggérait plutôt une peine de 6 à 9 mois de garde et surveillance.

Notons que selon les enseignements de la Cour suprême, lorsqu’un juge refuse de suivre une suggestion commune, il est tenu de s’expliquer et de donner aux parties la chance de s’exprimer. La Cour suprême a reconnu que l’effet obligatoire des ententes sur le plaidoyer est une question d’importance capitale en ce qui a trait à l’administration de la justice, car elle rend le système équitable et efficace en permettant de régler la grande majorité des affaires pénales. Les suggestions communes peuvent toutefois être écartées si le juge estime que la peine proposée est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou si elle est contraire à l’intérêt public.

Selon le juge, la preuve révélait que X n’allait clairement pas respecter les conditions du PASI et n’avait pas non plus respecté les conditions de sa remise en liberté (quoique non dénoncé par sa mère). Ces deux faits n’avaient pas été tenus en compte par les parties. L’adolescent valorisait un mode de vie délinquant- affichant d’ailleurs fièrement faire partie d’un gang émergent- en plus d’être explosif, oisif, et immature. Pour le juge, la personne raisonnable perdrait confiance en l’administration de la justice si le tribunal entérinait la suggestion commune d’un an de PASI.

Après analyse détaillée, le juge ordonne plutôt une peine de mise sous garde différée d’une période de six mois, suivie d’une probation de six mois.

Rare demande de maintien sous garde accueillie

Dans une décision très récente relative à l’article 98(1) LSJPA, la juge Gravel avait à se prononcer sur demande de maintien sous garde d’un adolescent. Notons que de telles demandes sont très rares, et le fardeau de preuve à remplir par le poursuivant est très lourd. Il faut en effet démontrer avoir des motifs raisonnables de croire que l’adolescent pourrait perpétrer une infraction avec violence avant l’expiration de sa peine, et que des conditions étroites de surveillance ne pourraient pas empêcher le passage à l’acte.

L’adolescent en question purgeait une peine de garde pour menaces de mort, bris de probation et possession de cannabis. Il avait de lourds antécédents. Il s’agissait de menaces envers le personnel du centre de réadaptation (tuerie de masse).

Or, l’adolescent avait confié à un intervenant qu’à sa sortie du centre, il allait terminer ce « qu’il avait commencé » (paroles sujettes à interprétation). Une lettre et un plan de tuerie avaient également été découverts. Le jeune manifestait des comportements d’agressivité en centre et un manque d’empathie.

De son côté, l’adolescent banalisait la gravité de ses gestes et affirmait n’avoir nullement l’intention de passer à l’acte.

Parlant d’un maintien sous garde, la juge souligne « qu’il s’agit d’une mesure exceptionnelle car l’application de la période de surveillance dans la collectivité demeure la règle et on ne peut y déroger que lorsque la sécurité du public l’exige. » La juge considère toutefois que la lettre et le plan d’action trouvés sont extrêmement inquiétants, surtout considérant le parcours du jeune et son profil.

La juge accueille la demande et ordonne le maintien de l’adolescent en garde fermée durant toute la période de surveillance obligatoire.

Ados et armés, un documentaire dans l’air du temps

Le 18 octobre prochain, soyez au rendez vous à 20h00, sur Télé Québec! Le documentaire Ados et armés, animé par Fabrice Vil, y sera présenté. Le documentaire sera suivi d’une discussion avec différents acteurs du milieu.

Ce documentaire se veut « une incursion exceptionnelle et privilégiée dans la vie d’adolescents armés, afin de comprendre qui ils sont, pourquoi ils ont adopté des comportements violents, comment ils en sont arrivés là et les répercussions que cela a sur leur entourage. »

Pour un avant goût du documentaire, c’est par ici!

Avis aux intéressé.es!

Trouvé coupable grâce au témoignage d’une enfant de 4 ans

Dans cette affaire, l’accusé X et la victime étaient frère et sœur. X avait 17 ans au moment des faits, et sa sœur, seulement 4 ans et 8 mois. Il était question d’un événement unique, le 6 mars 2022, où l’accusé aurait touché la vulve de sa petite sœur de 4 ans. X faisait face à une accusation d’attouchement sexuel et d’agression sexuelle à l’égard d’un enfant de moins de 16 ans. Les deux éléments essentiels de l’infraction étaient donc un (1) toucher intentionnel, et ce, (2) à des fins d’ordre sexuel.

Toute la preuve reposait essentiellement sur les témoignages d’une enfant de 4 ans et de celui de sa mère, laquelle avait recueilli les premières verbalisations. La défense n’avait présenté aucune preuve, et X n’avait pas non plus témoigné à son procès.

Il était mis en preuve que la jeune victime avait affirmé spontanément à sa mère quelques minutes après les faits « j’aime beaucoup mon frère X », « j’aime ses grandes mains parce qu’il me lance dans les airs », « j’aime beaucoup son pénis », « X a mis son pénis entre mes jambes ce matin, je lui ai touché et quand je lui ai touché, il l’a remis dans son boxer en disant : « non Z », « X a touché ma culotte ». Quelques minutes plus tard, après avoir constaté la réaction de sa mère, l’enfant dira « c’est pas vrai maman, c’est juste des histoires ». Suite à ces premiers propos spontanés, l’enfant se soumettra à une entrevue vidéo policière deux jours plus tard, le 8 mars 2022, où elle affirmera que l’accusé a touché sa culotte en maintenant deux doigts au niveau de ses parties génitales sans mouvement de va-et-vient. Il n’était alors plus question question de pénis.

Au procès, qui se déroule plus d’un an après les faits, la jeune victime avait affirmé ne plus se souvenir des événements, ne plus vouloir en parler.

Le juge donne foi à la première version donnée par l’enfant, qui était totalement spontanée, et s’exprime ainsi :

[159] Dans l’interprétation que doit faire le Tribunal d’un témoignage d’un enfant de quatre ans et demi, le bon sens veut qu’elle ait été touchée avec une partie du corps de l’accusé par-dessus sa culotte au niveau de la vulve, toucher qui constitue en lui-même un toucher à caractère sexuel en considérant l’endroit touché.

[160] Le Tribunal ne retient pas un toucher par le pénis de l’accusé. L’explication qui suit par l’enfant d’une blague de l’accusé avec son index et son majeur ne passe simplement pas le lourd fardeau hors de tout doute raisonnable concernant ce toucher avec le pénis.

[161] Cependant, un fait demeure inéluctable, en tout temps la plaignante a soutenu avoir été touchée par une partie du corps de l’accusé, et ce, de façon volontaire par ce dernier par-dessus sa culotte au niveau de la vulve ou dans ses fesses qui est sans l’ombre d’un doute un toucher à caractère sexuel.

[162] Le soussigné est convaincu hors de tout doute raisonnable de ce fait selon l’ensemble de la preuve du ministère public, dont le témoignage de la plaignante par la vidéo et le témoignage de sa mère.

[163] Le Tribunal retient que les parties du corps de l’accusé ayant touché sexuellement la plaignante sont son index et son majeur alors qu’il se trouvait derrière elle en ‘’cuillère’’ selon la preuve.

[164] En dépit qu’elle ait été visiblement affectée par la réaction de sa mère justifiant sa négation concomitante suivant cette impressionnante réaction, la plaignante a toujours maintenu avoir été touchée délibérément par une partie du corps de l’accusé dans un toucher à caractère sexuel puisqu’il l’a touchée au niveau de ses parties génitales sur sa culotte.

[165] Les éléments suivants ajoutent à la crédibilité de la plaignante :

1)   Absence de mobile de nuire à l’accusé puisqu’il a été mis en preuve qu’elle l’aime beaucoup au contraire et désire le voir souvent, ce qui n’est pas survenu pendant plusieurs mois suite à ses verbalisations.

2)   Elle est très intelligente pour avoir une élocution de la sorte et un vocabulaire relativement riche pour une enfant de quatre ans et huit mois.

3)   Elle a de l’intérêt à ce que son frère soit acquitté puisqu’elle désire le revoir.

4)   Le récit concorde avec les gestes de l’enfant, son refus de faire de la peine explique sa brève négation des verbalisations à sa mère devant une réaction maternelle imposante qui vient d’apprendre que des gestes à caractère sexuel ont été commis à l’égard de sa fille par un membre de la famille. Conclure à l’absence de fiabilité de son propos en raison de cette brève négation concomitante à une réaction maternelle importante ferait fi de sa déclaration à la ‘’madame de l’hôpital’’ et à la sergente-détective d’un toucher volontaire de l’accusé à une région du corps de l’enfant qui implique nécessairement un but sexualisé en lui-même à défaut d’explication contraire.

Le juge trouve donc X coupable d’attouchement sexuel sur sa petite sœur. La décision intégrale est ici.

Proxénétisme juvénile impliquant des adolescentes hébergées : l’accusée est acquittée sur toute la ligne

Dans cette affaire, l’accusée X faisait face à quatre chefs de proxénétisme à l’endroit de quatre adolescentes (Y, Z, A et B), et de deux chefs d’entrave à la justice sur deux d’entre elles. Les quatre victimes présumées, des jeunes filles mineures, étaient toutes hébergées en centre de réadaptation au moment des faits reprochés. L’accusée elle-même avait été hébergée en centre, et avait un accès « privilégié ».

D’abord, au niveau du fardeau de preuve, la poursuite devait établir hors de tout doute raisonnable que 1) l’accusée a « recruté, détenu, caché ou hébergé une personne qui offre ou rend de tels services moyennant rétribution » (article 286.1) , et 2) qu’elle en avait l’intention.

La juge retient du terme « recruter » son sens ordinaire soit celui d’ « engager du personnel », ou en anglais, « enlist or get someone involved ». Évidemment, ce recrutement doit avoir un objectif sexuel lorsqu’on parle de proxénétisme.

Il faut souligner que l’accusée n’avait ni témoigner, ni présenter de défense. La preuve de la poursuite reposait essentiellement sur le témoignage des quatre adolescentes. Trois d’entre elles avaient été amenées par l’accusée à se rendre dans un appartement pour rejoindre des hommes qui se seraient avérés être des proxénètes, mais au final, la preuve ne révélait pas que s’y était déroulée de quelconques discussions concernant des services sexuels à être rendus contre rétribution.

Fait inusité, au paragraphe 21, la juge Toupin prend soin d’établir un petit « lexique » des termes familiers/langage de rue liés à la prostitution. Ainsi, l’expression « shifter », qui veut dire se prostituer, est définie puis employée à de nombreuses reprises dans la décision.

La juge conclut qu’il n’y a eu aucune discussion sérieuse quant à de possibles services sexuels à être rendus par les victimes, et encore moins sur une possible rémunération à cet égard. Aucune entente de conclue. Elle retient :

[36] L’accusée, possiblement puisqu’elle l’a affirmé, « shiftait ». Quant aux détails, la preuve n’en révèle aucun. En raison de son accès à de jeunes adolescentes vulnérables et contraintes dans leur liberté, vu leur placement, il se peut qu’elle ait été incitée à faire du recrutement. Cependant, ses actes se sont limités dans le cas de Y (chef 1) à lui fournir ses coordonnées que cette dernière n’a jamais utilisées. Rappelons qu’elle ne faisait pas partie du trio qui accompagnait l’accusée le 18 mars.

[37] En ce qui concerne Z (chef 2), cette dernière déclare que l’accusée ne lui a jamais demandé « de faire la shift ». Pour B (chef 3), il n’y a aucune discussion avec l’accusé à ce sujet. Enfin, A (chef 4) est d’opinion que l’accusée mentait lorsqu’elle alléguait faire de la prostitution et précise qu’elle ne lui a jamais demandé d’en faire. (nos caractères gras)

(…)

[42] Rappelons que l’accusation est de recruter une personne qui offre des services sexuels contre rétribution. La preuve est totalement absente à ce sujet. (ces deux mots sont en caractère gras dans le jugement).

L’accusée est donc acquittée des chefs de proxénétisme.

Quant à l’entrave, il était allégué que l’accusée aurait demandé à B de convaincre A de ne pas révéler la visite à l’appartement pour ne pas nuire à ses démêlés avec la justice, ce que B aurait refusé de faire. La juge affirme que « ne pas révéler n’est pas synonyme de mentir ». La preuve n’était pas probante et l’accusée est aussi acquittée sur ces chefs.