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Demande d’absolution sous conditions en présence d’antécédents criminels de nature similaire

Dans LSJPA -2118, l’honorable Pierre Hamel, de la Cour du Québec, chambre de la jeunesse analyse la demande d’absolution sous conditions d’un adolescent ayant plaidé coupable à une infraction de contacts sexuels et présentant des antécédents criminels de nature similaire.

Au soutien de sa demande, l’adolescent invoque l’impact négatif d’une déclaration de culpabilité sur ses objectifs professionnels ou personnels futurs, ainsi que le préjudice lié à l’accès à son dossier sur une période prolongée.

Le tribunal ne retient pas ces arguments, indiquant qu’au même titre qu’une ordonnance de probation, l’absolution sous conditions constitue une sanction et entraîne des conséquences semblables et bénéficie de protections similaires. En effet, l’adolescent, dans le cadre de la vie civile, pourra affirmer n’avoir jamais été reconnu coupable d’une infraction criminelle dès que la peine aura été purgée.

Également, l’accès aux renseignements relatifs à la déclaration de culpabilité d’un adolescent n’est accessible que par un nombre limité de personnes assumant des responsabilités dans l’application de la LSJPA ou relativement à l’exécution des peines imposées, et ce, pour des périodes de temps limitées.

Dans la présente situation, la période d’accès au dossier de l’adolescent s’il se voit imposer une absolution sous conditions est de trois ans, à compter de la déclaration de culpabilité, alors qu’elle serait de cinq ans, à compter de l’exécution de la peine spécifique, s’il se voit imposer une peine comportant une probation.

Le tribunal est donc d’avis que les protections relatives à l’accès au dossier et les interdictions relatives à la publication sont suffisantes pour protéger l’adolescent des stigmates qui pourraient résulter d’une déclaration de culpabilité et de l’imposition d’une peine.

Le Tribunal réitère les objectifs visés par une absolution, notamment, que celle-ci devrait être accordée aux adolescents ne présentant pas de risque de récidive ou un risque très faible, qui ont peu ou pas d’antécédents judiciaires ou lorsqu’il y a lieu de préserver l’adolescent des impacts néfastes que peut constituer une déclaration de culpabilité en soulignant judiciairement le caractère positif de sa personnalité et le peu de risque qu’il constitue pour la société.

Le tribunal estime que de manière générale, une absolution sous conditions ne devrait pas être imposée à un adolescent qui présente des antécédents criminels, de surcroit, s’ils sont de nature similaire.

Dans la situation qui nous occupe, l’adolescent avait déjà été déclaré coupable de contacts sexuels, incitation à des contacts sexuels, leurre informatique et séquestration et s’était vu imposer une probation de 18 mois. Au surplus, le tribunal souligne que l’adolescent était encore assujetti à une probation au moment de la commission de l’infraction.

Le tribunal indique finalement qu’en l’espèce, la responsabilité de l’adolescent est importante et aucun élément relié à sa condition personnelle ni certain déficit ne vient la diminuer, et donc, ne retient pas le critère de la personnalité positive de l’adolescent et sa bonne moralité, d’autant plus qu’il s’agit d’un contexte de récidive.

Dans ce contexte, le tribunal en arrive à la conclusion que l’absolution sous conditions ne constitue pas une sanction indiquée et qu’une période de probation doit être imposée à l’adolescent;

Les dossiers d’adolescents tenus par un corps de police pour lesquels aucune accusation n’a été portée

Le 7 septembre dernier, nous publiions un article au sujet de la décision LSJPA – 2115 par l’honorable Mélanie Roy de la Cour du Québec, chambre de la jeunesse. La juge concluait que les dossiers constitués par un corps policier concernant un adolescent pour lequel aucune accusation n’avait été portée n’étaient ni accessibles ni communicables.

Une autre décision récente sur le même sujet vient d’être rendue au Manitoba. Il s’agit de la décision M.G. v. The Director of Child and Family Services. Dans cette décision, le juge Rolston adopte également l’interprétation restrictive de la LSJPA à l’effet que puisque la situation d’adolescents pour lesquels aucune accusation n’a été portée n’est pas prévue à l’article 119 LSJPA, aucune divulgation ou communication des dossiers constitués à leur sujet ne soit possible. Dans cette décision, il s’agissait également de dossiers constitués par un corps de police.

Le juge Rolston conclut également qu’une divulgation n’est pas possible en vertu de l’article 123 LSJPA et ce, à l’instar de la juge Mélanie Roy.

Est-ce que les dossiers d’adolescents pour lesquels des accusations ne sont pas portées sont accessibles et communicables?

Dans LSJPA – 2115, la juge Mélanie Roy de la Cour du Québec doit répondre à la question en titre. En effet, dans le cadre d’un affidavit au soutien d’un mandat de perquisition, il est fait mention que l’adolescent est suspect dans deux dossiers non reliés. Toutefois, le DPCP a refusé de porter des accusations contre l’adolescent dans ces dossiers.

C’est dans ce contexte que la question de savoir si les renseignements contenus aux dossiers constitués par les corps policiers (115 LSJPA) peuvent être accessibles et communiqués lorsqu’aucune accusation n’a été portée contre l’adolescent. L’article 119 LSJPA prévoyant les périodes d’accès aux dossiers étant muet quant à ce cas de figure.

Dans un premier temps, la juge Roy rappelle que :

[26] Le principe général établit qu’il est interdit de donner accès au dossier d’un adolescent ou de communiquer des renseignements sauf si des dispositions expresses le permettent. Les délais d’accès ne sont pas des délais de destruction, mais de non-communication. L’on vise donc l’accès et la communication.

La juge Roy fait ensuite le constat que la question de l’accessibilité et la communication possible de ce type précis de dossier fait l’objet d’un débat jurisprudentiel au Canada pour lequel il n’y a pas consensus de la part des tribunaux spécialisés en matière de justice pénale pour les adolescents. Un premier courant soutient que puisque ces dossiers ne sont pas prévus dans les règles d’accès de l’article 119 LSJPA, ils sont accessibles et communicables. Certains juges utilisent toutefois le test de l’article 123 LSJPA qui prévoit un accès en dehors de la période visée à 119 LSJPA. Selon un autre courant, les dossiers où les accusations ne sont pas portées, non visées par ces durées spécifiques d’accès, ne devraient pas être accessibles et communicables.

Pour la juge Roy, il est illogique de penser que l’on puisse donner une plus grande accessibilité aux dossiers d’adolescents n’ayant pas fait l’objet d’accusations que ceux ayant fait l’objet d’une sanction extrajudiciaire.

La juge Roy conclut donc ainsi :

[59] Par ailleurs, l’article 119 étant muet quant à ce type de dossier et ne pouvant créer le droit, le Tribunal est d’avis, comme ses collègues Downes, Caponecchia, De Filippis and Keelaghan, qu’en l’absence d’une mention claire à la LSJPA, l’on doit favoriser une interprétation stricte concernant la protection de la vie privée des adolescents en concluant à l’absence d’accessibilité de ce type de dossier.

[60] Aussi, le Tribunal partage l’opinion du juge Caponecchia selon laquelle l’article 123 n’est pas applicable dans les circonstances […]

Accès au dossier d’un adolescent à des fins de défense pleine et entière

Dans R. v. Z.H., le procureur de l’adolescent présente une demande d’accès au dossier d’un adolescent, D.C., en conformité avec l’article 119(1)q) LSJPA. Z.H. fait face à une accusation de meurtre au premier degré, pour laquelle il était initialement co-accusé avec D.C. Ce dernier a plaidé coupable à une accusation d’homicide involontaire coupable et a reçu sa peine. Dans le cadre de l’audience sur la peine de D.C., un rapport prédécisionnel et un rapport d’évaluation psychologique ont été produits au dossier de la cour, conformément aux articles 40 et 34 de la LSJPA. Z.H. souhaite avoir accès à ses rapports. En effet, il est l’intention du ministère public d’appeler comme témoin D.C. dans le cadre du procès de Z.H. et il est clair que cette preuve est importante.

Le procureur de l’adolescent, conformément à l’article 119(1)q), a déposé une affirmation solennelle en soutien à sa demande d’accès, faisant état de la nécessité d’un tel accès afin que son client puisse bénéficier d’une défense pleine et entière. Le ministère public consent à la transmission partielle des rapports. Il argumente que seuls les passages concernant les déclarations de D.C. en lien avec l’infraction elle-même doivent être divulgués.

Le juge Konyer de la Cour de justice d’Ontario fait le constat dans son analyse qu’il existe deux régimes d’accès aux dossiers, l’article 119 et l’article 123 LSJPA. Il fait le constat que l’article 123 LSJPA donne au tribunal pour adolescents un pouvoir discrétionnaire quant à une demande d’accès faite postérieurement à l’expiration des délais. D’un autre côté, le juge fait le constat que la période d’accès au dossier de D.C. n’est pas expirée. Le juge considère qu’il ne jouit pas d’une discrétion pour autoriser l’accès au dossier conformément à l’article 119(1)q) LSJPA. L’article 119(6) LSJPA vise spécifiquement l’accès à un rapport d’évaluation psychologique préparé en vertu de l’article 34 LSJPA. Le juge conclut que pendant la période d’accès, l’accès au dossier est obligatoire plutôt que discrétionnaire, sans précisions quant à l’étendue d’un tel accès.

Le juge poursuit son analyse avec la lecture de l’article 119(7) LSJPA qui prévoit que l’accès au dossier dans un but de présenter une défense pleine et entière n’a pas pour effet d’autoriser la production en preuve des pièces d’un dossier qui, par ailleurs, ne seraient pas admissibles en preuve. Le juge en conclut que le législateur a prévu que le demandeur recevrait l’entièreté du dossier, incluant des informations non admissibles en preuve. Pour le juge, il est clair que le législateur a pris soin de balancer l’intérêt des adolescents à leur vie privé, et l’intérêt de ceux qui nécessitent l’accès au dossier pour des raisons bien spécifiques, comme le droit à une défense pleine et entière.

À la lumière de ces dispositions, le juge Konyer autorise l’accès complet au dossier de D.C., compte tenu de sa pertinence dans le procès de Z.H.

Communication du dossier d’un adolescent dans le cadre d’une enquête disciplinaire à l’endroit d’un policier

Dans la décision Chief of Police v. Mignardi, le juge Morgan de la Cour supérieure de justice de l’Ontario siège en appel d’une décision ayant rejeté la demande de divulgation du dossier d’un adolescent. Une enquête disciplinaire était en cours contre le policier Mignardi, suite à des allégations d’abus subis aux mains du policier par l’adolescent L.D., alors qu’il était détenu.

Mignardi demandait d’avoir accès au dossier de l’adolescent L.D. (infractions, enquêtes, détentions, arrestations, déclarations de culpabilité et/ou poursuites) afin d’établir le contexte des accusations, déterminer et tester la crédibilité des allégations de l’adolescent. Le juge de première instance a rejeté cette demande en statuant que le principe de culpabilité morale réduite rendait le dossier de l’adolescent L.D. non pertinent à l’objectif visé.

Le juge Morgan établit les articles pertinents de la LSJPA pour statuer sur l’appel, soit les articles 119(1)(s) lorsque la période d’accès n’est pas expirée et l’article 123(1)a) lorsqu’elle est expirée. L’article 119(1)(s) nécessite une preuve « d’intérêt légitime » de la part du requérant et la preuve que la divulgation est faite dans « l’intérêt de la bonne administration de la justice ». Sous l’article 119(1)(s), le requérant doit prouver que la divulgation est souhaitable, alors que l’article 123(1)(a) est plus restrictif, en ce que le requérant doit prouver que la divulgation est nécessaire.

Tout en reconnaissant qu’une enquête disciplinaire ne constitue pas une procédure criminelle et que l’article 11 de la Charte canadienne ne s’applique donc pas, le juge Morgan explique qu’il s’agit tout de même d’un enjeu de défense pleine et entière. Empêcher l’accès au dossier minerait le droit du policier Mignardi à une défense pleine et entière, considérant son importance en contre-interrogatoire et en matière de crédibilité, ce qui irait à l’encontre de l’intérêt de la bonne administration de la justice.

Puisque l’adolescent L.D. a ici le statut d’un témoin ayant fait de sérieuses accusations et non le statut d’accusé, le juge Morgan explique qu’il est difficile de voir comment la politique de confidentialité basée sur le principe de culpabilité morale réduite peut avoir préséance sur le droit du policier à une équité procédurale. En tant que témoin accusant un autre individu, l’adolescent L.D. ne jouit pas d’une plus grande protection en raison de son statut d’adolescent que n’importe quel autre témoin en semblable situation.

Le juge Morgan souligne qu’une infraction criminelle commise par un adolescent peut être un indicateur de conduite répréhensible malgré le principe de culpabilité morale réduite contenu à la LSJPA. C’est donc pertinent quant à la fiabilité et à la crédibilité du témoin.

Le juge Morgan utilise une logique opposée à celle du juge de première instance. En effet, il conclut que le principe de culpabilité morale réduite n’exige pas la confidentialité lorsque l’adolescent est le plaignant plutôt que l’accusé. Il ajoute même que c’est précisément puisque les adolescents bénéficient de cette protection prévue à la LSJPA (en raison de leur impulsivité, leur manque de prévoyance, leur mauvaise compréhension des situations et leur capacité réduite de jugement moral) que leurs accusations doivent être testées par le biais d’un contre-interrogatoire.

Au final, le juge Morgan conclut que la divulgation doit être permise et ce, que ce soit en vertu de 119(1)(s) ou 123(1)(a) de la LSJPA.

Accès au dossier judiciaire d’un adolescent par une entreprise médiatique.

Dans la décision Corporation Sun Média c. X, 2012 QCCA 2038, la Cour d’appel a rejeté la requête pour permission d’en appeler d’une décision interlocutoire rejetant notamment la demande formulée par la requérante d’obtenir la communication d’une évaluation sexologique et un rapport prédécisionnel réalisés dans le cadre de la LSJPA.

La Cour d’appel note au paragraphe 8 : « que les rapports que souhaitent se voir communiquer les requérantes ont été confectionnés sur l’ordre d’un juge et produits au dossier du Tribunal à son attention. Il ne s’agit donc pas de preuves qui émanent à proprement parler de la partie intimée et qui sont sous son contrôle immédiat. Aussi, toutes les informations recherchées par les requérantes sont consignées dans un dossier judiciaire ouvert auprès du Tribunal pour adolescents, dossier dont le contenu est frappé du sceau de la confidentialité en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents ».

Par ailleurs, la Cour d’appel conclu, concernant la demande formulée par la requérante en vertu de l’article 119 1) s LSJPA, que « l’utilité des informations recherchées est incertaine et peut se qualifier de recherche à l’aveuglette« .  

 

Période d’accès à un dossier de sanctions extrajudiciaires dans le cadre de la préparation d’un rapport prédécisionnel.

Dans la décision LSJPA-0819 2008 QCCQ 4524, la Cour a déclaré que la période d’accès à un dossier de sanctions extrajudiciaires était expirée en vertu de l’article 119 LSJPA et  » la transmission de cette information est illégale et sa mention au rapport prédécisionnel doit être rayée« .  

Vous trouverez la décision LSJPA-0819 2008 QCCQ 4524 en cliquant ici.