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9 ans pour un meurtre

Récemment, dans un dossier de meurtre médiatisé dont nous avions discuté ici il y a plusieurs mois, La Presse rapporte que l’adolescent vient d’écoper de sa peine.

Rappelons que l’adolescent a plaidé coupable à un chef de meurtre pour un événement survenu en septembre 2021.

Rappel des faits retenus par la Juge

Le soir du 7 septembre 2021, l’adolescent se rend armé d’une machette dans une résidence pour rejoindre des gens. Il dépose l’arme sur le sofa à son arrivée et n’y retouchera plus. Un conflit éclate entre la victime et une autre personne. L’adolescent s’insère dans l’empoignade et blesse la victime en lui lançant un verre de bière sur la tête. Le conflit se poursuit dans la cuisine entre la victime et une autre personne. L’adolescent reste dans le salon et n’est donc pas témoin de la scène. Quand la victime revient au salon, il saigne abondamment. Il restera assis par terre pendant au moins une heure. La victime tente une première fois de s’enfuir en courant dans les escaliers. L’adolescent de 17 ans la rattrape toutefois et lui donne une raclée. L’adolescent va même jusqu’à projeter la victime sur une porte-miroir. Il la traine alors à l’étage. La victime tente de nouveau de s’enfuir. C’est lors de cette seconde tentative qu’elle sera poignardé à plusieurs reprises dans le dos. L’adolescent, toujours dans le salon, ne prend pas part à cette agression. L’adolescent participe ensuite au nettoyage de la scène de crime. Il enveloppe le corps de la victime dans plusieurs couches de tissu et le dépose dans un baril dans le garage. Ce n’est que trois jours plus tard que les policiers découvriront le corps à la suite d’une dénonciation.

Finalement, la Couronne et la défense ont présenté une suggestion commune, qui a été entérinée par Madame la Juge Lachance, à savoir une peine de 9 ans, divisée en 5 ans de placement en garde fermée suivi de 4 ans de mise en liberté sous conditions. Rappelons qu’en vertu de l’article 42(2)q)i LSJPA, la peine maximale pour meurtre est de 10 ans.

Pour lire la décision intégrale, voir ici.

L’arrêt Friesen et les peines rendues en vertu de la LSJPA

Dans une décision récente, la Cour du Québec a du se pencher sur la peine appropriée à infliger à un adolescent coupable d’agression sexuelle.

La trame factuelle est la suivante: l’adolescent, 16 ans aux moment des faits, plaide coupable d’avoir agressé sexuellement sa meilleure amie, elle aussi âgée de 16 au moment des faits. Essentiellement, l’accusé a eu des relations sexuelles complètes avec sa victime alors qu’il croyait celle-ci endormie. La victime présentait plusieurs séquelles en lien avec l’agression subie.

Le débat se situait au niveau de la peine: la poursuite réclamait une peine de garde de 4 mois à être purgée en milieu fermé suivie d’une période de probation de 24 mois, tandis que la défense proposait 120 heures de travaux bénévoles et une probation de 24 mois avec suivi. L’auteur du rapport pré décisionnel soumis recommandait quant à lui une probation de 24 mois avec suivi de même que l’accomplissement de travaux bénévole. Une peine de garde ou pas: telle était la question. La poursuite invoquait notamment les principes de l’arrêt de la Cour suprême dans R. c. Friesen pour justifier sa demande de garde.

D’abord, la juge Beaumont réitère certains principes propres au sentencing en LSJPA, pour conclure que la garde au sens de l’article 39(1)a) LSJPA serait possible en l’espèce compte tenu que l’agression sexuelle répond à une « infraction avec violence ». Aux paragraphes 14 à 19, la juge ajoute toutefois:

[14]      La Cour suprême dans l’arrêt R. c. C.D.K de 2005 confirme l’objectif de restreindre le recours à la garde pour les jeunes soumis à la LSJPA.

[15]      Cette même cour écrit en 2006 dans l’arrêt R. c B.W.P que la dissuasion générale ne constitue pas un principe de détermination de la peine sous le régime actuel. Le législateur favorise plutôt la protection du public en s’attaquant aux causes sous-jacentes à la criminalité chez les adolescents en mettant l’accent sur leur réadaptation et leur réinsertion sociale.

[16]      La poursuite dépose au soutien de sa demande de garde fermée une décision de la Cour provinciale de la Nouvelle-Écosse qui condamne un adolescent à une peine de garde fermée pour une infraction de la même nature et présentant des faits similaires à la présente cause.

[17]      Or, cette décision a été cassée en appel le 10 juin 2022 et la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a substitué à la peine de garde une peine de 12 mois de probation avec différentes conditions.

[18]      Dans cette affaire, la Cour d’appel reconnaît que l’agression sexuelle est intrinsèquement violente, doit être dénoncée et cause des préjudices importants aux victimes. Toutefois, elle invite les tribunaux à la prudence dans l’utilisation de l’arrêt Friesen en matière de délinquance juvénile. En effet l’arrêt Friesen concerne des peines à donner à des adultes coupables de crimes sexuels envers des enfants selon des principes de détermination de la peine qui ne s’appliquent pas aux adolescents.

[19]      Ainsi, les principes qui régissent la détermination de la peine en vertu de la Loi ne sont en aucun cas atténués ou modifiés par l’arrêt Friesen qui ne doit pas servir de prétexte pour imposer une peine plus sévère aux adolescents. (nos soulignements)

Après avoir soupesé l’ensemble de la preuve, notamment le fait que rien n’indiquait que l’adolescent ne se soumettrait pas à une peine ne comportant pas de garde, la juge se rend à l’opinion de l’auteur du rapport pré décisionnel et ordonne une peine de 24 mois de probation et 175 h de travaux bénévoles.

Peine maximale pour un homicide involontaire coupable

En lien avec une affaire que nous avions commentée ici à l’automne dernier, le jugement sur la peine a été rendu hier au palais de justice de Laval.

Rappelons que l’adolescent a été acquitté de meurtre, mais trouvé coupable d’homicide involontaire, pour avoir poignardé à mort son ami dans un parc dans ce qui semble avoir été une bagarre ayant mal tourné. Il avait 16 ans aux moments des faits.

Pour cette infraction, la peine maximale est effectivement de 3 ans de garde et surveillance en vertu de l’article 42(2)o) LSJPA. Contrairement à la peine infligée sous 42(2)n), le juge n’est pas lié par le principe « 2/3 garde 1/3 surveillance ». En effet, l’article 42(2)o) se lit:

42(2) o) dans le cas d’une infraction prévue aux articles 239 (tentative de meurtre), 232, 234 ou 236 (homicide involontaire coupable) ou 273 (agression sexuelle grave) du Code criminel, l’imposition, par une ordonnance de placement et de surveillance, d’une peine maximale de trois ans à compter de sa mise à exécution, dont une partie est purgée sous garde de façon continue et, sous réserve du paragraphe 104(1) (prolongation de la garde), l’autre en liberté sous condition au sein de la collectivité aux conditions fixées conformément à l’article 105; (nos surlignements)

La Juge Perreault a tranché le débat en ordonnant la peine maximale, soit 36 mois de garde et surveillance dont 26 mois en garde fermée, période suffisamment longue pour effectuer un long travail de réhabilitation. La Juge retient aussi l’opinion de la délégué jeunesse selon laquelle le risque de récidive est modérée (et non faible), et souligne le manque de responsabilisation et de progrès suffisants du jeune homme en centre de réadaptation. Rappelons qu’en vertu de l’article 105 (1) LSJPA, environ un mois avant la fin de sa période de garde, le jeune homme devra être amené par la directrice provinciale devant un juge afin que celui-ci fixe les conditions applicables aux dix mois restants de mise en liberté .

La décision intégrale est disponible ici.

Infractions violentes commises en milieu scolaire: quelle peine infliger?

Très récemment, dans R v DA, 2022 ABPC 55, un juge albertain a dû se pencher sur la peine appropriée à infliger dans un contexte d’infractions impliquant l’usage de la violence, en milieu scolaire.

L’adolescent avait plaidé coupable à des accusations de vol qualifié et de voie de fait causant lésion. Il n’avait aucun antécédent. Il avait perpétré les deux infractions dans son milieu scolaire, à savoir dans le stationnement et dans la cafeteria de son école secondaire. Il s’agissait de deux événements distincts, mais rapprochés dans le temps, impliquant deux victimes. Le premier événement s’était produit dans le stationnement de l’école, et l’adolescent avait vaporisé du poivre de cayenne directement dans le visage de sa victime, en lui volant un cellulaire. Lors du deuxième événement, survenu dans la cafétéria, l’adolescent avait roué de coups la victime, un étudiant du même établissement, qui se trouvait alors vraisemblablement au mauvais endroit, au mauvais moment. Durant la commission des deux infractions, l’adolescent n’avait pas agi seul.

Le ministère public demandait au juge de rendre une peine de garde et surveillance suivi d’une probation, alors que la défense proposait plutôt une longue peine de probation.

Le juge fait une analyse détaillée des facteurs listés à l’article 38 (3) LSJPA et les applique aux faits en l’espèce.

Retenons que le juge souligne la violence aggravée et gratuite de l’acte perpétré, de même que les conséquences pour la victime (la deuxième victime a eu les dents cassées, impliquant des coûts importants de dentisterie liés aux blessures). La Cour souligne également le rôle majeur joué par l’adolescent dans les deux infractions, notamment son acharnement sur la victime immobilisée au sol. Quant au fait que les infractions aient été perpétrées par plusieurs personnes de façon concertée, le juge ajoute « when a person acts in concert with other members of a group or gang to victimize a single victim, that person must accept the consequences which flow from this group action. » Le magistrat souligne la préméditation des actes reprochés et le manque de remords et de cheminement de l’adolescent.

Le juge reconnaît également le fléau grandissant de la violence en milieu scolaire et l’importance de le dénoncer (en citant son collègue):

Violence involving young persons within the school system is an ever-growing concern in contemporary society … Schools must foster mutual tolerance and respect for the physical integrity of others. Students must realize that acts of violence intended to do serious bodily harm, which in fact cause bodily harm, will not be countenanced.

Au vue de ces circonstances, le juge conclut qu’une peine de probation ne serait pas appropriée dans les circonstances. Après avoir fait une revue de la jurisprudence en la matière, il condamne l’adolescent à 240 jours de garde et surveillance, suivi de 12 mois de probation.

Peine maximale pour un adolescent en matière de terrorisme

Dans R. v. M.S., l’adolescent doit recevoir sa peine suite à des plaidoyers de culpabilité en matière de terrorisme et de substance explosive. Au moment des faits, l’adolescent est âgé d’à peine moins de 16 ans. Il est âgé de 19 ans au moment de recevoir sa peine, après avoir passé la majeure partie des trois dernières années en détention.

L’adolescent reconnaît avoir créé et diffusé sur Internet une présentation PowerPoint dans laquelle il explique comment fabriquer une bombe à l’aide d’un autocuiseur. Contacté par un policier du FBI qui se faisait passer pour un loup solitaire djihadiste, l’adolescent lui a envoyé des instructions afin de fabriquer une bombe et de la placer dans un lieu public, dans l’objectif de tuer des infidèles et promouvoir l’avancement de la cause de l’État islamique. Lors de l’arrestation de l’adolescent, du matériel de fabrication de bombe a été retrouvé dans sa chambre.

L’adolescent a admis que son intention était de commettre un acte terroriste puisqu’il croyait que les Nations Unies, dont le Canada, étaient responsables des atrocités qu’il avait vues et vécues en Syrie.

La juge Elaine Deluzio de la Cour de justice de l’Ontario doit imposer à l’adolescent sa peine. L’enjeu principal en lien avec la détermination de la peine résidait dans le fait que le ministère public avait avisé de son intention de demander l’assujettissement de l’adolescent à une peine pour adultes. Le ministère public avait toutefois informé la juge de son intention de revoir sa position sur cette question une fois l’ensemble de la preuve quant à la détermination de la peine serait entendue.

Finalement, les parties ont soumis à la juge Deluzio une suggestion commune à l’effet d’imposer à l’adolescent la peine spécifique maximale prévue à l’alinéa 42(2)n) LSJPA, soit 3 ans de placement sous garde et surveillance, sans accorder de crédit pour la détention provisoire.

Au stade de la détermination de la peine, la preuve soutenait que l’adolescent avait effectué d’importants progrès dans différentes sphères. Une amélioration comportementale notable en détention était observée. L’adolescent avait cheminé positivement dans sa scolarisation. L’adolescent avait dû faire face pendant la pandémie de COVID-19 à un diagnostic d’une forme agressive de sclérose en plaques. Le plaidoyer de culpabilité de l’adolescent était perçu favorablement par la juge en regard à la réadaptation de celui-ci. Les différents rapports préparés pour le tribunal faisaient état d’un adolescent activement impliqué dans les différents programmes s’adressant aux causes sous-jacentes à son passage à l’acte.

Pour ces raisons, la juge Deluzio entérine la suggestion commune des parties et impose à l’adolescent une peine de placement et surveillance d’une durée de 3 ans en vertu de l’article 42(2)n) LSJPA. Les 2 premières années devront être purgées sous garde et la dernière année sous surveillance dans la collectivité.

Comment tenir compte de 688 jours passés en détention lors de l’imposition d’une peine?

Dans R. v. M.M., l’adolescent doit recevoir sa peine suite à un plaidoyer de culpabilité pour meurtre au deuxième degré de sa mère. Au moment des faits, il était âgé de 17 ans. Il est maintenant âgé de 19 ans. Malgré un avis d’intention de demande d’assujettissement à une peine pour adultes, les parties s’entendent pour suggérer au tribunal l’imposition d’une peine spécifique, soit une ordonnance de placement et de surveillance dans le cadre d’un programme intensif de réadaptation d’une durée de sept ans (peine maximale pour meurtre au deuxième degré). Quatre ans de placement sous garde puis trois ans de liberté sous condition attendent l’adolescent (42(2)(r)(iii) LSJPA).

Le litige entre les parties réside dans le crédit à accorder à l’adolescent suite à sa détention préventive, d’une durée de 688 jours. La défense soumet que l’adolescent mérite d’être crédité à un ratio 1 pour 1, donc de voir la portion de placement sous garde diminuée de 688 jours. La poursuite argumente plutôt que l’adolescent devrait recevoir un crédit d’une année, ce qui laisserait un placement sous garde de trois ans à purger.

La juge Forestell de la Cour supérieure de justice de l’Ontario doit trancher ce litige. Elle rappelle qu’il est bien établi en droit qu’elle a l’obligation de prendre en considération le temps passé en détention lors de l’imposition de la peine, mais que le traitement qu’elle en fait demeure discrétionnaire.

La juge Forestell retient de la preuve que l’adolescent a démontré pendant sa détention préventive qu’il est capable d’effectuer de réels progrès dans sa réadaptation. Il s’est engagé dans son traitement, sa thérapie et son éducation. Il a pris assidûment sa médication. Il a développé son empathie et a pris la responsabilité de ses actes. L’adolescent a clairement entamé son processus de réadaptation. La juge rappelle que l’imposition d’une peine spécifique est notamment possible en raison des efforts de l’adolescent.

La juge Forestell se base toutefois sur les rapports d’experts (une psychologue et une psychiatre) quant au pronostic concernant l’adolescent. Des incertitudes demeurent quant au diagnostic et au déroulement du traitement. La durée du traitement ne peut être déterminée avec certitude. Une chose est certaine, l’adolescent aura besoin d’un certain niveau de soutien à long terme. Pour ces raisons, la juge choisit d’accorder à l’adolescent un crédit d’une année pour le temps passé en détention.

En terminant, la juge rappelle que l’article 94 de la LSJPA prévoit la révision annuelle obligatoire de toute peine comportant plus d’une année de placement sous garde. À ce moment, le tribunal pour adolescents peut, compte tenu des besoins de l’adolescent et des intérêts de la société, accorder une mise en liberté anticipée. De plus, conformément à l’article 96 de la LSJPA, le directeur provincial peut recommander à tout moment au tribunal pour adolescents qu’un adolescent placé sous garde soit mis en liberté de façon anticipée.

La popularité des absolutions se maintient

Il semble que de plus en plus en décisions en matière d’absolution inconditionnelle ou conditionnelle soient rendues par la Cour du Québec, chambre de la jeunesse depuis environ deux ans. Cette tendance avait été soulignée lors de la Journée des juristes LSJPA du 11 novembre 2020. Voir à cet effet les décisions LSJPA – 1936, LSJPA – 1956 et LSJPA – 208.

Dans LSJPA – 2018, l’adolescent doit recevoir une peine suite à son plaidoyer de culpabilité à une infraction de voies de fait ayant causé des lésions. Il s’agit d’une agression gratuite « à la blague » en milieu scolaire. Les conséquences pour la victime ont été importantes : douleurs, hospitalisation, opération, physiothérapie, suivi médical régulier. L’adolescent a posé un geste dénotant une certaine immaturité, mais lourd de conséquences pour la victime et lui.

La poursuite recommande au tribunal l’imposition d’une peine de probation sans suivi d’une durée d’une année, ainsi qu’une peine de travaux bénévoles pour un total d’heures oscillant entre 70 et 90. La défense recommande plutôt une absolution inconditionnelle, argumentant principalement que l’adolescent ne pourra travailler auprès des enfants dans le cadre de ses emplois s’il a une déclaration de culpabilité à son actif.

L’adolescent présente un profil positif. Il est âgé de 15 ans au moment des événements. Il reconnaît les faits et est sans antécédent judiciaire. Il ne présente aucun trouble de comportement. Il offre une bonne collaboration depuis le moment de son arrestation. À titre de geste de réparation, il offre sa première paie aux parents de la victime. Il éprouve par ailleurs des remords. Le risque de récidive est pratiquement inexistant.

La juge Lisa Leroux doit donc analyser les principes et objectifs de la détermination de la peine afin de rendre la peine spécifique appropriée. Elle rappelle d’emblée qu’il est bien connu que l’imposition d’une absolution inconditionnelle comme peine spécifique ne revêt pas un caractère exceptionnel. Elle ne peut toutefois être imposée que si elle est préférable pour l’adolescent et non contraire à l’intérêt public (42(2)b) LSJPA).

En raison du profil fortement positif de l’adolescent, la juge Leroux conclut qu’une absolution inconditionnelle serait préférable pour lui.

[51] Toutefois, accorder l’absolution inconditionnelle serait de ne pas prendre en compte la gravité objective de l’infraction, des dommages considérables et toujours d’actualité subis par la victime et dont l’adolescent est l’unique responsable. De l’avis du Tribunal, cela s’avère contraire à l’intérêt public. Cette suggestion n’est donc pas retenue.

[…]

[53] L’absolution conditionnelle est une peine plus clémente qu’une ordonnance probatoire qui respecte les objectifs et les principes de la Loi. Elle permet à l’adolescent de réparer indirectement, mais concrètement, ses torts face au geste qu’il a commis. Elle répond aussi aux critères de justesse et de proportionnalité, elle tient compte de la responsabilité unique de l’adolescent, de la gravité objective de l’infraction de même qu’à l’étendue des dommages importants subit par la victime. Cela favorise sa réadaptation, le Tribunal estime que l’adolescent sera un actif positif pour la société dans quelques mois.

La juge impose donc à l’adolescent une peine d’absolution conditionnelle aux conditions de faire un don de 100$ via l’Organisme de Justice Alternative et l’exécution de 20 heures de travaux bénévoles, dans un délai de 6 mois.

L’ordonnance différée de placement sous garde en matière d’agression sexuelle

Dans R. v. J.R.S., le ministère public loge un appel à l’encontre de la peine d’ordonnance différée de placement sous garde et de surveillance imposée à l’adolescent en première instance suite à une déclaration de culpabilité pour agression sexuelle. L’adolescent s’était également vu imposer une peine de probation.

En première instance, le juge avait pourtant retenu en preuve qu’il s’agissait d’un euphémisme d’affirmer que l’agression sexuelle avait changé la vie de la victime et que l’impact pour celle-ci était profond. Une ordonnance différée de placement sous garde ne pouvait donc être imposée en raison de l’article 42(5) LSJPA, l’accusé ayant causé à la victime des lésions corporelles graves. En effet, l’adolescent avait fait usage de force et avait pénétré la victime de façon vaginale et anale.

La Cour d’appel de l’Ontario juge que la peine appropriée dans les circonstances aurait été une peine de placement sous garde et surveillance d’une durée de douze (12) mois. Celle-ci la réduit toutefois à six (6) mois et neuf (9) jours en raison de la peine déjà partiellement purgée par l’adolescent.

Distinctions particulières au système de justice pénale pour adolescents

En matière de justice pénale, les adolescents bénéficient d’un traitement différent des adultes, et ce, considérant notamment le principe de culpabilité morale moins élevée des adolescents et notre souhait, comme société, de favoriser leur réadaptation. Concrètement, ces distinctions touchent plusieurs aspects du processus judiciaire.

Les adolescents bénéficient de garanties supplémentaires concernant l’admissibilité en preuve des déclarations qu’ils font à une personne en autorité dans un contexte de détention, d’arrestation ou lorsque la personne a un motif raisonnable de croire que l’adolescent aurait commis une infraction. Pour être admissible, d’une part la déclaration doit être volontaire. D’autre part, l’adolescent doit s’être fait expliquer qu’il n’est pas obligé de faire une déclaration, que celle-ci pourrait être retenue contre lui, qu’il a le droit de consulter un avocat, ses père ou mère et que la déclaration doit être faite en leur présence, à moins qu’il n’y renonce (art. 146 LSJPA).

Également, la LSJPA prévoit la possibilité pour les adolescents de répondre de leurs actes dans un cadre d’intervention extrajudiciaire, par le biais des mesures extrajudiciaires. Ainsi, on évite la judiciarisation et la stigmatisation du processus judiciaire, tout en s’assurant que l’adolescent réponde de ses actes.

Lorsque l’adolescent plaide coupable, le tribunal le déclarera coupable uniquement s’il est convaincu que les faits justifient l’accusation. Si ce n’est pas le cas, le procès doit suivre son cours (art. 36 LSJPA).

En attente du procès, lorsque le juge est convaincu que la détention est requise, il doit s’informer, avant de mettre l’adolescent sous garde, s’il existe une personne digne de confiance en mesure de s’en occuper et si l’adolescent consent à être confier à ses soins. Si les conditions de la loi sont remplies, le juge peut confier l’adolescent à cette personne (art. 31 LSJPA).

Lorsque l’adolescent est déclaré coupable, le tribunal impose une peine spécifique parmi celles prévues à la loi (réprimande, absolution, travail bénévole, probation, garde et surveillance, etc., art. 42 LSJPA), pour une durée qui ne peut dépasser les périodes indiquées à la loi (généralement 2 ans, mais cela augmente selon la gravité de l’infraction et peut aller jusque 10 ans en cas de meurtre au 1er degré).

Des garanties supplémentaires existent également au niveau de la vie privée, notamment en ce qu’il est interdit de publier le nom de l’adolescent en lien avec le régime de la LSJPA (art. 110 LSJPA), mais également en ce que l’accessibilité aux dossiers est restreinte par la loi (art. 118 et suiv. LSJPA).

Notons que lorsque la peine a cessé de produire ses effets, la déclaration de culpabilité est réputée n’avoir jamais existé (art. 82 LSJPA).

D’autres distinctions existent, mais nous estimons que celles-ci en constituent l’essentiel.

 

Les dommages causés à la victime dans la détermination de la peine

Dans R. v. B.R.S, le ministère public loge en appel à l’encontre de la décision sur la peine imposée à un adolescent reconnu coupable d’agression sexuelle. Ce dernier s’était vu imposer en première instance une probation de deux ans. Lors de l’audience, le juge de première instance était prêt à imposer une peine de garde dont l’application est différée, suivie d’une probation, mais l’insistance du procureur pour le ministère public fut nécessaire pour souligner l’interdiction d’une peine de garde différée dans un cas où l’adolescent cause des lésions corporelles graves (42(5) LSJPA).

Les faits à l’origine de l’infraction sont graves et sérieux. L’adolescent, âgé de 17 ans au moment des faits, a agressé sexuellement une élève de son école, âgée de 15 ans. Malgré la résistance et les refus de la victime (elle lui a dit « non » environ 40 fois), l’adolescent a forcé la victime à avoir une relation sexuelle complète avec pénétration.

Lors de l’audition sur la détermination de la peine, une déclaration de la victime a été produite, faisant état de façon poignante des graves et importantes conséquences psychologiques qu’elle avait vécues suite à l’événement.

La Cour d’appel de l’Alberta doit trancher l’appel logé par le ministère public, qui argumente qu’une peine appropriée en était une de placement sous garde et surveillance d’une durée entre 14 et 18 mois, pour une agression sexuelle d’une telle violence.

Pour la Cour d’appel de l’Alberta, il ne fait aucun doute que la déclaration de la victime démontre de façon claire que l’impact psychologique de l’infraction sur la victime constitue des lésions psychologiques sérieuses, ou comme le dit la Cour suprême dans R. c. McCraw, « qui nuit d’une manière importante à l’intégrité, à la santé ou au bien‑être d’une victime ».

La Cour ajoute que de telles lésions psychologiques étaient non seulement prévisibles, mais attendus lorsqu’une jeune femme est soumise à des rapports sexuels forcés. La Cour reproche au juge de première instance de ne pas avoir clairement indiqué dans ses motifs l’analyse qu’il faisait de l’impact psychologique important vécu par la victime. Il avait l’obligation de prendre en considération les dommages causés à la victime et le fait qu’ils avaient été causés intentionnellement ou étaient raisonnablement prévisibles (38(3)b) LSJPA).

La Cour d’appel voit une erreur qui mérite son intervention dans le fait que le juge de première instance avait initialement choisi d’imposer une peine de garde différée, ce qui indiquait son incompréhension de l’importance de la notion de lésions corporelles graves à la lumière de ce qui avait été vécu par la victime.

Pour la Cour, la peine de probation de deux ans imposée en première instance n’est pas appropriée afin de faire répondre l’adolescent de ses actes par une sanction juste et significative pour celui-ci. Pour cette agression sexuelle majeure avec des éléments de planification et des conséquences sérieuses pour la victime, une peine appropriée aurait été une peine de placement et surveillance de 15 mois. Compte tenu des 9 mois de probation déjà purgés par l’adolescent, la Cour impose donc une peine de placement et surveillance de 6 mois.