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Le caractère intrinsèquement violent de l’infraction d’agression sexuelle

Le 29 mars 2021, l’honorable Diane Roux de la Cour du Québec, Chambre de la jeunesse, district de Terrebonne, a déclaré un adolescent de 16 ans coupable de l’infraction d’agression sexuelle sur sa copine âgée du même âge.

La juge Roux a entériné une suggestion commune faite par les parties, en refusant toutefois de prononcer l’ordonnance d’interdiction obligatoire demandée par la poursuite et prévue aux articles 51 de la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents et 109 du Code criminel.

La juge de première instance a motivé sa décision de la façon suivante:

  • L’infraction d’agression sexuelle ne comporte pas intrinsèquement le caractère de violence exigé aux paragraphes a) et a.1) de l’article 109 du Code criminel;
  • L’infraction d’agression sexuelle n’est pas mentionnée aux paragraphes b) à d) de l’article 109 du Code criminel ;
  • L’ordonnance d’interdiction obligatoire ne vise que les gens potentiellement dangereux

Le 8 octobre 2021, la Cour d’appel a accueilli l’appel interjeté et a prononcé l’ordonnance d’interdiction recherchée par le ministère public. Elle a rappelé, en s’appuyant sur des décisions antérieurement rendues, que l’agression sexuelle est une infraction intrinsèquement violente.

Le fait que l’agression sexuelle ait été commise sur la partenaire amoureuse de l’accusé, considérée comme partenaire intime au sens de l’article 2 du Code criminel, obligeait la juge de première instance à rendre l’ordonnance d’interdiction.

La Cour d’appel a par ailleurs souligné que le potentiel de dangerosité de l’accusé n’est pas pertinent dans l’analyse de l’article 109, les critères énumérés étant strictement reliés aux infractions commises.

Examen selon l’article 109 et période de mise sous garde selon l’article 106

Dans l’arrêt LSJPA-1523 2015 QCCA 1242 , la Cour d’appel du Québec devait répondre à la question suivante: en rendant une ordonnance en vertu de l’article 109 (2) c) LSJPA, le tribunal pour adolescents doit-il tenir compte de la période pendant laquelle l’adolescent a été mis sous garde par le directeur provincial en vertu de l’article 106 LSJPA?

La Cour a répondu par la négative à cette question et elle a mentionné ce qui suit aux paragraphes 28 à 33 :

[28]        Néanmoins, la période pendant laquelle l’adolescent est placé sous garde, par l’effet de l’article 106 de la LSJPA, fait partie de la peine. En effet, l’article 107 de la LSJPA prévoit qu’un adolescent n’est pas réputé purger sa peine spécifique au cours de la période qui se situe entre l’autorisation de son arrestation et son arrestation effective. Par contre, dès que l’arrestation est effective, la peine spécifique continue d’être purgée, y compris pour toute période pendant laquelle l’adolescent est placé sous garde par l’effet de l’article 106 de la loi. 

[29]        Ainsi, le temps passé sous garde par l’effet de l’article 106 de la LSJPA est conceptuellement distinct du temps en détention visé par le paragraphe 38(3)d) de la LSJPA. La période de détention provisoire visée par le paragraphe 38(3)d) ne fait pas partie de la peine selon les enseignements de la Cour suprême du Canada dans R. c. Mathieu [12]. Au contraire, l’adolescent continue de purger sa peine lorsqu’il est placé sous garde par l’effet de l’article 106 même si la façon dont cette peine est purgée est, de fait, modifiée par ce placement.

[30]        Le tribunal ne peut donc tenir compte, au sens du paragraphe 38(3)d) de la LSJPA, du temps de la mise sous garde puisqu’il s’agit d’une période pendant laquelle l’adolescent purge effectivement sa peine.

[31]         Outre cette distinction conceptuelle, des contraintes législatives précises empêchent le tribunal, qui rend une ordonnance sous le paragraphe 109(2)c) de la LSJPA, de tenir compte de la mise sous garde résultant de l’article 106.

[32]        Premièrement, le paragraphe 109(2)c) prévoit expressément que c’est « le reste de sa peine » qui doit être purgé « comme si celle-ci était une ordonnance de placement sous garde et de surveillance prévue à l’alinéa 42(2)n) ». Le tribunal ne peut donc réduire le « reste de sa peine » afin de tenir compte de la période de mise sous garde résultant de l’article 106 sans enfreindre cette disposition législative.

[33]        Deuxièmement, le tribunal ne pourrait non plus convertir les jours de garde en jours de surveillance afin de tenir compte de la période de mise sous garde sans contrevenir au paragraphe 39(8) de la LSJPA. Ce paragraphe prévoit que le tribunal fixe la durée de la peine spécifique comportant une période de garde sans tenir compte du fait que la période de surveillance de la peine peut ne pas être purgée sous garde. À la lumière de ce principe, la répartition du « reste de la peine » des deux tiers en période de garde et du tiers en période de surveillance doit être respectée. Ce principe ne permet donc pas au juge qui rend une ordonnance sous le paragraphe 109(2)c) de tenir compte de la période de la mise sous garde par l’effet de l’article 106 afin de modifier la répartition des jours de garde et de surveillance compris dans le « reste de la peine ».

 

Examen de la suspension de la liberté sous condition

Dans la décision  Le Directeur Provincial c. X, C.Q., 1er mai 2015, la Cour était saisie d’un examen visant la suspension de la liberté sous condition en vertu de l’article 109 de la LSJPA. Suite à cet examen, le Tribunal a maintenu la suspension de la liberté sous condition.

Les faits du présent cas sont particuliers puisque l’individu était adolescent au moment de l’infraction, mais adulte au moment du prononcé de la peine. L’individu a purgé une partie de sa peine dans un pénitencier, a obtenu une « semi-liberté » qui a été révoquée et a bénéficié d’une libération d’office. La Commission des libérations conditionnelles du Canada a transféré au Directeur provincial sa surveillance puisqu’elle n’avait plus compétence pour agir.

En premier lieu, le Tribunal en vient à la condition qu’il existe, subjectivement et objectivement, des motifs raisonnables de croire que l’individu a enfreint des conditions de sa mise en liberté.

En deuxième lieu, le Tribunal analyse les facteurs identifiés à l’article 109(4) LSJPA et l’atteinte des objectifs législatifs de protection de la société et de réadaptation des adolescents qui coexistent.

Le Tribunal mentionne au paragraphe 76 : « (…) la preuve démontre non seulement qu’une mise en liberté sous condition ne permet plus de faire coïncider les objectifs de réadaptation et de protection du public, mais encore que l’objectif de réadaptation doit céder le pas à l’objectif de protection du public. »

Article 109 LSJPA et détermination du niveau de garde

Dans la décision Lsjpa-1148, 2011 QCCQ 11231, le juge mentionne qu’il revient à la Cour de déterminer le niveau de garde au moment où elle rend l’ordonnance suivant l’article 109 (2) c). Le juge analyse les différents facteurs prévus à l’article 24.1 LJC et 85 LSJPA afin de détermnier le niveau garde.

Vous trouverez la décision Lsjpa-1148, 2011 QCCQ 11231 en cliquant ici.

Nous vous suggérons de lire également la décision de la Cour provinciale de Terre-Neuve et Labrador du 13 août 2008, R.v. C.L., 2010 Can LII 46144 (NL PC) en cliquant ici.

Articles 107 et 109 LSJPA

Dans l’arrêt LSJPA-0650, 2006 QCCA 944, la Cour d’appel a mentionné  » que le juge de première instance a erré en ignorant le paragr. 107(1) et en ordonnant que l’intimé purge une période de placement et de surveillance moindre que la totalité du reste de sa peine. » 

Vous trouverez la décision LSJPA-0650, 2006 QCCA 944 en cliquant ici.

article 109 2) c) LSJPA: « purger le reste de sa peine »

Dans la décision K.B., Re, 2004 CanLII 21368 (Qc CA), la Cour d’appel du Québec, souligne que l’article 109 2) c) LSJPA « n’autorise pas le juge à ordonner qu’une partie du reste de la peine soit purgée comme si elle était une ordonnance de garde et de surveillance(le juge doit); tout le reste de la peine doit être l’objet de l’ordonnance(…) »

vous trouverez la décision K.B., Re, 2004 CanLII 21368 (Qc CA) en cliquant ici.