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La dénonciation et la dissuasion
Depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur la sécurité des rues et des communautés en 2012, le tribunal peut émettre à l’égard d’un adolescent une peine dont l’objectif vise notamment à dénoncer un comportement illicite ou à dissuader un adolescent de récidiver. Ces amendements se trouvent à l’article 38(2)f) de la LSJPA, soit au sein des principes de détermination de la peine applicables aux adolescents ayant commis des infractions. Mais que sont véritablement la dénonciation et la dissuasion?
En premier lieu, la dénonciation est un principe qui vise à déclarer qu’un adolescent a adopté un comportement socialement inacceptable. Tel que l’affirme la Cour Suprême du Canada dans R. c. M. (C.A.), la peine dénonciatrice devient alors « une déclaration collective, ayant valeur de symbole, que la conduite du contrevenant doit être punie parce qu’elle a porté atteinte au code des valeurs fondamentales de notre société qui sont constatées dans notre droit pénal substantiel ». En résumé, la peine dénonciatrice a un objectif essentiellement punitif: le comportement de l’adolescent a besoin d’être puni plus sévèrement vu la vive réprobation de la société face audit comportement.
En second lieu, la dissuasion est un principe visant à ce que l’adolescent soit incité à ne pas récidiver vu la sévérité de la peine. Cet objectif se distingue de celui de la dénonciation en ce qu’il ne vise pas un objectif punitif, mais plutôt un objectif utilitaire: l’adolescent ne récidivera pas vu la peine dissuasive et donc la société sera protégée de cette criminalité. Il est important de noter que la dissuasion prévue au sein de la LSJPA ne vise pas une dissuasion générale, c’est-à-dire que les divers membres d’une société ne commettent pas les gestes posés par l’adolescent vu que découragés par la sévérité de la peine, mais bien une dissuasion spécifique, c’est-à-dire que l’adolescent lui-même ne souhaitera plus continuer dans la voie de la criminalité vu la sévérité de la peine imposée.
Par contre, il est intéressant de noter que la dissuasion a tendance à mieux fonctionner avec certaines personnes que d’autres. Un adulte raisonnable ayant des responsabilités diverses face à, par exemple, sa famille et son employeur, aura tendance à être dissuadé de poser un geste pouvant avoir des conséquences importantes sur lui (un emprisonnement, par exemple). Même dans de tels cas, les études établissent peu de lien entre la sévérité des peines et l’effet dissuasif de celles-ci. Par contre, les adolescents, de par certaines caractéristiques intrinsèques telles un sentiment de toute-puissance, une plus grande impulsivité et une maturité moindre que celles des adultes, sont moins en mesure de soupeser les conséquences possibles de leurs actes avant de les poser. Ces caractéristiques intrinsèques sont d’ailleurs liées à un principe fondamental de la LSJPA énoncé à son article 3, soit la présomption d’une culpabilité morale moindre chez les adolescents. Ainsi, les peines dissuasives ont tendance à avoir peu ou pas d’effets sur l’adolescent contrevenant.
Les Directeurs provinciaux au Québec soulignent que les objectifs de dénonciation et de dissuasion mettent l’emphase sur l’infraction commise par l’adolescent et ne comportent pas de dimension réadaptative. Ces objectifs sont donc peu conciliables avec la présomption d’une culpabilité morale moindre chez les adolescents et tendent à se calquer sur le modèle existant pour les contrevenants adultes. Les Directeurs provinciaux ne privilégient donc pas les peines visant spécifiquement la dénonciation et la dissuasion.
Pour plus d’informations au sujet de la dénonciation et de la dissuasion, nous vous référons au mémoire fort pertinent de Me Cimon Sénécal sur ces sujets.
La culpabilité morale dans le cadre d’une demande d’assujettissement à une peine adulte
Dans la décision R. v. McClements, le ministère public loge un appel à l’encontre du rejet de sa demande d’assujettissement à une peine adulte. La Cour d’appel du Manitoba, pour les motifs de la juge Hamilton, accueille l’appel et impose une peine d’emprisonnement à perpétuité à l’intimé, pour le meurtre au deuxième degré auquel il avait plaidé coupable en première instance. L’intimé, âgé de 17 ans et 4 mois au moment de l’infraction, a abattu un jeune homme dans la rue en tirant quatre ou cinq balles dans son dos. Un crime qualifié « d’inexplicable » et fait « sans raison apparente » par la juge de première instance. L’intimé faisait partie d’un gang de rue.
En appel, le ministère public reproche à la juge de première d’avoir erré en ne considérant pas la culpabilité morale de l’adolescent en application de l’article 72(1) LSJPA et plus particulièrement, de ne pas avoir analysé la première étape du test. Le ministère public reproche également à la juge d’avoir erré dans son analyse de l’imputabilité sous l’article 72(1)(b).
Dans son analyse du droit applicable, la Cour relève notamment les éléments suivants :
- L’article 72 LSJPA prévoit une analyse en deux étapes distinctes. Si le ministère public ne satisfait pas les deux étapes, une peine spécifique doit être imposée.
- La première étape du test, soit l’article 72(1)(a), nécessite que le ministère public repousse la présomption de culpabilité morale moins élevée en faisant la preuve que l’adolescent avait la capacité morale d’un adulte au moment de l’infraction. Les circonstances de l’infraction et de l’adolescent sont au cœur de cette analyse.
- Si le juge de première instance conclut que le ministère public a repoussé la présomption, il doit analyser la seconde étape du test, soit l’article 72(1)(b) et vérifier si une peine spécifique serait suffisante pour faire répondre l’adolescent de ses actes.
- Dans le cadre de cette deuxième étape, l’imputabilité (accountability) est l’équivalent du principe de châtiment pour un adulte.
- Bien que l’approche soit principalement centrée sur les circonstances de l’adolescent, les intérêts de la société demeurent importants, en particulier dans le cas d’un crime grave et violent.
- Une peine spécifique doit accomplir deux objectifs pour faire répondre un adolescent de ses actes. Premièrement, elle doit être suffisamment longue pour refléter la gravité de l’infraction et le rôle joué par l’adolescent. Deuxièmement, elle doit être suffisamment longue pour fournir une assurance raisonnable de la réadaptation de l’adolescent au point où il peut être réintégré en toute sécurité dans la société. Si le ministère public prouve que la peine spécifique ne serait pas assez longue pour atteindre l’un de ces objectifs, une peine adulte doit être imposée. (nos soulignements)
La Cour constate l’erreur manifeste de la juge de première instance dans ses motifs, celle-ci n’ayant pas fait référence à la première étape du test et ayant mis l’emphase sur l’imputabilité devant être analysée lors de la deuxième étape. De plus, la juge de première instance a fait défaut d’analyser l’imputabilité de façon complète et s’est limitée à vérifier si une peine spécifique serait d’une durée suffisante pour fournir une assurance raisonnable de la réadaptation de l’adolescent. L’analyse de la juge était donc incomplète à la lumière du droit applicable tel qu’exposé par la Cour.
La Cour, dans sa propre analyse de l’article 72(1) LSJPA, constate que le ministère public a repoussé la présomption de culpabilité morale moins élevée. La Cour retient notamment de la preuve le rapport d’un psychologue déposé en preuve faisant état que le mode de vie de l’adolescent était indépendant à un niveau qui excédait celui de ses pairs, en ce qu’il vivait comme un adulte. Cela reflète un degré de maturité et d’indépendance plus élevé que son âge. De plus, l’adolescent ne souffrait d’aucune déficience cognitive ou émotionnelle qui l’empêcherait d’apprécier les conséquences morales de ses actes.
Finalement, la Cour considère qu’une peine spécifique ne serait pas d’une durée suffisante pour refléter la gravité de l’infraction et le rôle joué par l’adolescent. La Cour relève de nombreuses décisions de jurisprudence où une peine adulte a été imposée pour meurtre au deuxième degré, notamment dans des cas de gang de rue. Pour la Cour, ces décisions démontrent que l’analyse de l’imputabilité tend à la conclusion qu’une peine adulte est nécessaire dans des cas de crimes violents et hautement moralement répréhensibles.
Appel d’une peine applicable aux adultes plus de trente ans après les faits
Dans R. v. Ellacott, Christopher Ellacott loge un appel à l’encontre de la peine applicable aux adultes d’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant une période de sept ans reçue suite à une déclaration de culpabilité pour meurtre au premier degré. L’appelant a agressé sexuellement et tué sa voisine, une femme âgée de 70 ans, alors qu’il en avait 15 ans. Avant son arrestation, l’appelant avait échappé à la justice pendant près de 30 ans, le crime ayant été commis en 1983.
La victime était petite et fragile: elle pesait environ 100 livres et avait subi un accident vasculaire cérébral. Elle a été trouvée chez elle, en partie nue et allongée dans un bassin de sang. Elle avait des blessures défensives et avait été poignardée dans le cœur à plusieurs reprises. Sa veine jugulaire a été coupée. La preuve suggérait qu’elle avait été violée et sodomisée.
L’appelant reproche dans un premier temps au juge de première instance d’avoir omis de considérer si la présomption de culpabilité morale moins élevée avait été réfutée. Il argumente que le juge de première instance a plutôt directement passé à l’étape de vérifier si une peine spécifique ne serait pas d’une durée suffisante pour l’obliger à répondre de ses actes délictueux.
L’appelant reproche dans un deuxième temps au juge de première instance d’avoir utilisé son témoignage et sa négation de culpabilité comme facteurs aggravants.
L’appelant reproche finalement au jugement de première instance d’avoir omis de soupeser correctement les principes de réadaptation et de réintégration dans la société. Il se présente maintenant comme un homme bien établi dans la société et fait valoir qu’une peine pour adultes n’est pas nécessaire pour sa réadaptation ou pour la protection du public.
La Cour d’appel de l’Ontario, unanime sous la plume du juge Grant Huscroft, conclut que l’appelant a été correctement condamné comme un adulte. L’énormité du crime de l’appelant rend une peine spécifique manifestement insuffisante pour obliger l’appelant à répondre de ses actes délictueux.
Pour la Cour d’appel, il est implicite dans les motifs du juge de première instance lus dans leur ensemble que ce dernier avait conclu que la présomption de culpabilité morale moins élevée avait été réfutée. De plus, les circonstances de l’affaire étaient amplement suffisantes pour arriver à cette conclusion.
La Cour d’appel convient toutefois que le juge de première instance a erré dans ses remarques en lien avec la nature de la défense de l’appelant, compte tenu de la force de la preuve contre lui. Bien que le juge de première instance ait commis une erreur en utilisant le témoignage de l’appelant et son déni de culpabilité comme facteurs aggravants, l’erreur n’a aucune conséquence et la peine est néanmoins correcte. La Cour d’appel choisit de ne pas intervenir malgré cette erreur puisque la peine n’est pas déraisonnable à la lumière du principe de proportionnalité et qu’elle permet d’obliger l’appelant à répondre de ses actes délictueux.
Finalement, la Cour d’appel rejette l’argument de l’appelant voulant qu’une peine pour adultes ne soit pas nécessaire à la lumière de l’écoulement du temps et de son profil personnel actuel. La proposition de l’appelant fait fi de l’objectif de la loi qui vise à faire répondre un adolescent de l’infraction commise. Le juge de première instance n’a pas erré en concluant qu’une peine proportionnelle dans le cas de l’appelant devait passer par l’objectif de faire répondre celui-ci de ses actes plutôt que sa réadaptation et sa réinsertion.
Appel d’une peine applicable aux adultes pour un meurtre au deuxième degré
Dans R. v. JFR, l’accusée loge un appel à la Cour d’appel d’Alberta à l’encontre de sa peine pour adulte d’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération pour sept ans.
Au moment des événements, l’adolescente est âgée de 17 ans et n’a aucun antécédent judiciaire. Elle se trouve à une fête avec d’autres jeunes lorsqu’une dispute éclate entre son groupe et d’autres personnes présentes à la fête. La police se présente sur les lieux et le groupe de l’adolescente quitte. Plusieurs heures plus tard, l’adolescente et quelques autres personnes de son groupe retournent sur les lieux alors que celle-ci est armée d’un couteau. Un jeune homme présent à la fête souffre déjà de six coups de couteau (causés par un autre individu), lorsque l’adolescente le poignarde une fois dans le dos.
Dans un jugement à 2 contre 1, l’Honorable Rowbotham rédige les motifs pour la majorité. Elle débute en statuant que la Cour se doit de faire preuve de déférence en matière d’appel d’une peine pour adulte imposée en vertu de l’article 72 LSJPA.
La juge Rowbotham aborde en premier lieu les deux rapports d’experts qui ont été déposés en preuve en première instance, ainsi que les témoignages des auteurs. La juge Rowbotham reproche à la juge de première instance d’avoir placé considérablement plus de poids aux actions de l’adolescente lors des événements plutôt que sur le profil personnel de l’adolescente tel que décrit par les deux rapports d’experts. La juge Rowbotham retient que les éléments suivants ressortent des deux rapports :
- L’adolescente fonctionnait à un faible niveau au plan cognitif;
- L’adolescente souffrait de symptômes compatibles avec des diagnostics de trouble de la conduite, TDAH, trouble dépressif sévère, trouble de stress post-traumatique et d’abus de substances;
- L’adolescente avait souffert d’abus physiques et verbaux de sa mère;
- L’adolescente fonctionnait comme une personne dépendante, immature, à un niveau inférieur à ce que l’on pourrait s’attendre à son âge;
- L’adolescente était sujette à des influences extérieures en raison de sa grande vulnérabilité;
La juge Rowbotham rappelle que l’invincibilité, la bravade et le mauvais jugement sont la marque de l’immaturité. Les actions de l’adolescente pouvaient certainement être vues sous cet angle. Elle reproche à la juge de première instance de ne pas avoir étudié les actions de l’adolescente « à travers une lunette d’immaturité ». Pour la juge Rowbotham, les événements qui ont mené aux infractions peuvent être expliqués par l’immaturité de l’adolescente, son manque de jugement ainsi que son sentiment d’invincibilité, toutes des caractéristiques communes des adolescents. La juge Rowbotham rappelle que l’adolescente n’a aucun profil de délinquance organisée, a pris des moyens pour reprendre sa vie en main et démontre de réels remords.
La juge Rowbotham conclut que la juge de première instance a erré en arrivant à la conclusion que la présomption de culpabilité morale moins élevée avait été repoussée et ordonne plutôt à l’adolescente de purger une peine de placement de 4 ans suivie de 3 ans de surveillance, rétroactivement à la date où elle a reçu sa peine pour adulte.
Communication du dossier d’un adolescent dans le cadre d’une enquête disciplinaire à l’endroit d’un policier
Dans la décision Chief of Police v. Mignardi, le juge Morgan de la Cour supérieure de justice de l’Ontario siège en appel d’une décision ayant rejeté la demande de divulgation du dossier d’un adolescent. Une enquête disciplinaire était en cours contre le policier Mignardi, suite à des allégations d’abus subis aux mains du policier par l’adolescent L.D., alors qu’il était détenu.
Mignardi demandait d’avoir accès au dossier de l’adolescent L.D. (infractions, enquêtes, détentions, arrestations, déclarations de culpabilité et/ou poursuites) afin d’établir le contexte des accusations, déterminer et tester la crédibilité des allégations de l’adolescent. Le juge de première instance a rejeté cette demande en statuant que le principe de culpabilité morale réduite rendait le dossier de l’adolescent L.D. non pertinent à l’objectif visé.
Le juge Morgan établit les articles pertinents de la LSJPA pour statuer sur l’appel, soit les articles 119(1)(s) lorsque la période d’accès n’est pas expirée et l’article 123(1)a) lorsqu’elle est expirée. L’article 119(1)(s) nécessite une preuve « d’intérêt légitime » de la part du requérant et la preuve que la divulgation est faite dans « l’intérêt de la bonne administration de la justice ». Sous l’article 119(1)(s), le requérant doit prouver que la divulgation est souhaitable, alors que l’article 123(1)(a) est plus restrictif, en ce que le requérant doit prouver que la divulgation est nécessaire.
Tout en reconnaissant qu’une enquête disciplinaire ne constitue pas une procédure criminelle et que l’article 11 de la Charte canadienne ne s’applique donc pas, le juge Morgan explique qu’il s’agit tout de même d’un enjeu de défense pleine et entière. Empêcher l’accès au dossier minerait le droit du policier Mignardi à une défense pleine et entière, considérant son importance en contre-interrogatoire et en matière de crédibilité, ce qui irait à l’encontre de l’intérêt de la bonne administration de la justice.
Puisque l’adolescent L.D. a ici le statut d’un témoin ayant fait de sérieuses accusations et non le statut d’accusé, le juge Morgan explique qu’il est difficile de voir comment la politique de confidentialité basée sur le principe de culpabilité morale réduite peut avoir préséance sur le droit du policier à une équité procédurale. En tant que témoin accusant un autre individu, l’adolescent L.D. ne jouit pas d’une plus grande protection en raison de son statut d’adolescent que n’importe quel autre témoin en semblable situation.
Le juge Morgan souligne qu’une infraction criminelle commise par un adolescent peut être un indicateur de conduite répréhensible malgré le principe de culpabilité morale réduite contenu à la LSJPA. C’est donc pertinent quant à la fiabilité et à la crédibilité du témoin.
Le juge Morgan utilise une logique opposée à celle du juge de première instance. En effet, il conclut que le principe de culpabilité morale réduite n’exige pas la confidentialité lorsque l’adolescent est le plaignant plutôt que l’accusé. Il ajoute même que c’est précisément puisque les adolescents bénéficient de cette protection prévue à la LSJPA (en raison de leur impulsivité, leur manque de prévoyance, leur mauvaise compréhension des situations et leur capacité réduite de jugement moral) que leurs accusations doivent être testées par le biais d’un contre-interrogatoire.
Au final, le juge Morgan conclut que la divulgation doit être permise et ce, que ce soit en vertu de 119(1)(s) ou 123(1)(a) de la LSJPA.
Culpabilité morale moins élevée et mens rea
Dans la décision LSJPA-128 2012 QCCQ 2933, l’adolescent était accusé de s’être livré à des voies de fait et d’avoir proféré des menaces à l’égard d’agents d’intervention travaillant au centre de réadaptation où il était hébergé. La procureure de la défense plaidait notamment qu’étant donné que l’adolescent présentait des difficultés à contrôler ses émotions , qu’il s’était désorganisé et qu’il avait perdu le contrôle de ses actions au moment des gestes reprochés, ce dernier n’avait pas l’intention (mens rea) requise pour commettre les infractions. La Cour n’a pas donné suite aux prétentions de la procureure de la défense notamment en mentionnant au paragraphe 66 :
« [66] Bien que les tribunaux aient reconnu que la présomption de culpabilité morale des enfants ou des adolescents soit moins élevée que celle des adultes, la soussignée ne croit pas que ce principe permet de modifier les règles de responsabilité applicables en droit criminel afin d’y inclure, au moment de l’analyse des faits liés à la culpabilité, des éléments suggestifs tel l’état de dépendance ou le degré de maturité d’un adolescent. Tel que nous le verrons ci-dessous, ce principe ne signifie pas que les adolescents ne devraient pas être moralement ou légalement tenus responsables de leurs actes criminels, mais plutôt que leur responsabilité devrait être plus limitée que dans le cas d’un adulte. »
La Cour a également mentionné aux paragraphes 73 et 74:
« [73] En centrant la lecture sur cet aspect, l’on comprend qu’un juge doit, au moment où il analyse les faits impliquant un accusé mineur au sens de la LSJPA, appliquer les règles générales du droit criminel et le régime particulier propre aux adolescents en vérifiant s’il existe certaines incompatibilités, reconnaître qu’en règle générale les adolescents sont plus vulnérables et immatures que les adultes, sans oublier que le sens moral qu’ont les adultes n’est pas complètement développé chez les adolescents et encore moins chez les enfants, que les adolescents n’ont pas la capacité intellectuelle d’évaluer pleinement les conséquences et la portée de leurs actes et que l’âge influe sur le développement du jugement et du discernement moral.
[74] En fait, juger la situation d’un mineur c’est avoir en tête que ce sont des adolescents et, qu’en raison de leur âge, ils peuvent être « moins responsables ». Or, « moins responsables » sur le plan moral et intellectuel ne veut pas dire « moins responsables » de ses actes criminels. »
Les adolescents et la présomption de culpabilité morale moins élevée
Dans l’arrêt R.c.D.B. [2008] 2R.C.S. 3, la Cour suprême du Canada mentionne notamment que la présomption d’assujettissement à une peine applicable aux adultes que comportent les dispositions relatives au fardeau de la preuve n’est pas conforme au principe de justice fondamentale selon lequel les adolescents ont droit à la présomption de culpabilité morale moins élevée
De plus, la Cour mentionne que le fait d’obliger un adolescent à prouver l’absence de facteurs aggravants pour l’application d’une peine spécifique a pour effet d’inverser le fardeau de la preuve, ce qui viole l’article 7 de la Charte.
De plus, la Cour mentionne également que le fait d’obliger un adolescent à démontrer pourquoi il a toujours droit à la protection d’une interdiction de publication viole également l’article 7 de la Charte.
Nous avons reproduit ci-dessous des extraits de paragraphes pertinents:
(41) L’adolescent a droit à une présomption de culpabilité morale moins élevée car les adolescents ont une moins grande maturité et un degré moins élevé de discernement moral.
(59) la présomption de culpabilité morale moins élevée des adolescents est un principe de longue date (voir historique législatif).
(68) large consensus que le principe d’une présomption de culpabilité morale moins élevé chez les adolescents est essentiel à notre conception du bon fonctionnement d’un système de justice. Ce principe est une norme fonctionnelle et est appliqué depuis des décennies.
Vous trouverez la décision R.c.D.B. [2008] 2R.C.S. 3 en cliquant ici.