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Le tribunal décline juridiction pour procéder à un examen de peine déposé après l’expiration de ladite peine

Dans une décision rendue publique récemment, la Cour du Québec devait trancher une question intéressante. 

L’adolescente avait déposé une demande d’examen au tribunal après la date de fin de sa peine. Le DPCP et le DP argumentaient que le tribunal n’avait pas compétence pour procéder à l’examen puisque la demande n’était pas recevable, puisque déposée après la fin de l’ordonnance. L’adolescente soutenait pour sa part que l’article 59 LSJPA ne précise pas de délai dans lequel cette demande doit être faite. Le Tribunal aurait donc la compétence pour agir, selon elle.

Les faits étaient les suivants : le 10 mars 2022, l’adolescente reçoit une peine d’absolution conditionnelle, dont la condition est de réaliser 75 heures de travaux bénévoles dans un délai de six mois. Le délai expire donc le 9 septembre 2022. Or, le 20 septembre 2022, donc plusieurs jours après l’expiration du délai, l’adolescente dépose une demande d’examen en vertu de l’article 59 LSJPA, invoquant son travail et des problèmes de santé pour expliquer son manquement à effectuer les travaux bénévoles.

La juge se range de l’opinion du DPCP/DP et en vient à la conclusion que la notion de prolongation telle que prévue à 59 LSJPA implique nécessairement que la peine soit toujours en vigueur. En gros, la juge s’exprime ainsi :

[12]        Les termes de l’article 59 (7) de la LSJPA laissent peu de place à une autre interprétation. Qu’il s’agisse du texte français ou anglais, la loi précise que Tribunal a compétence pour confirmer la peine, l’annuler (terminate) ou la modifier. Conséquemment, qu’importe la demande que l’adolescent fait, il faut que la peine existe pour que le Tribunal puisse agir. La peine qui a cessé de produire ses effets ne peut pas être soumise à une demande d’examen.

(…)


[19]        De plus, lorsque le Tribunal fait bénéficier un adolescent d’une peine d’absolution c’est qu’il a confiance en son sens des responsabilités. Après coup, l’adolescent ne peut plaider sa négligence pour demander que la peine renaisse ou soit plus sévère afin d’obtenir un délai additionnel pour faire face à ses obligations. Une telle interprétation contreviendrait au principe de la responsabilisation qui est aussi inscrit dans la loi. (nos soulignements)

Dans une autre affaire assez similaire d’examen d’absolution conditionnelle datant de 2018, le tribunal n’avait pas décliné compétence, mais a contrario de la présente affaire, la demande en examen avait été déposée avant la fin de la peine.

Subsidiairement, la juge conclut que même si elle avait compétence, l’adolescente a été négligente et aurait dû agir promptement.

C-75: CE QUE L’ON RETIENT

Le projet de loi C-75, loi modifiant le Code Criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents ainsi que d’autres lois, est entré en vigueur le 18 décembre 2019.

En matière LSJPA, ce projet de loi crée essentiellement trois nouveaux concepts, plus précisément :

– Il existe maintenant une présomption selon laquelle le recours aux mesures extrajudiciaires devrait suffire pour faire répondre l’adolescent d’une omission ou d’un refus de respecter une peine (art. 4.1 LSJPA). À noter que la présomption pourrait ne pas s’appliquer dans certaines circonstances, par exemple si l’adolescent omet de se conformer de manière répétitive à une peine.

– Il est maintenant possible pour le tribunal d’ajouter des conditions plus sévères à une peine de probation, soit pour assurer une meilleure protection du public ou encore pour permettre à l’adolescent de se conformer aux conditions préalables de la peine (art. 59 (10) LSJPA).

– Le tribunal a maintenant l’obligation de s’assurer que l’adolescent sera raisonnablement en mesure de se conformer à une condition avant de pouvoir l’ordonner (art. 29 et 38 (2) e.1) LSJPA). Afin d’évaluer si l’adolescent pourra raisonnablement se conformer à une condition, divers éléments devront être pris en compte par le tribunal. Par exemple, les capacités intellectuelles ou encore psychologiques de l’adolescent.

Un atelier sera offert à l’automne dans les divers établissements de la province pour approfondir ces concepts.

Examen d’une peine spécifique ne comportant pas de placement sous garde

Dans la décision LSJPA-138 2013 QCCQ 2894, la Cour a été saisie d’un examen en vertu de l’article 59 LSJPA demandant spécifiquement la conversion de travaux non rémunérés en don. Au soutient de sa demande, l’adolescent alléguait notamment qu’en raison de la grève étudiante et de la compression des sessions, l’intensité des travaux scolaires requise pour réussir ses études et ses projets futurs ne lui permettait pas d’accomplir les travaux bénévoles d’ici la période d’exécution.

En réponse à l’argument voulant que la requête pour examen était irrecevable car prématurée, la Cour a indiqué aux paragraphes 25 et 27 :

« 25  En déterminant un délai minimal pour la présentation de la requête, le législateur impose un temps qu’il considère suffisant pour justifier que le Tribunal procède à la prochaine étape, soit la constatation de l’existence de motifs d’examen.  Ce délai n’est pas relié à l’exécution de la peine, mais bien au simple écoulement du temps.   La période d’exécution de la peine n’est pas pertinente à cette étape préliminaire et une telle interprétation restrictive ne rencontre pas de la vision globale de la loi. »

« 27  Le tribunal déterminant que la date d’imposition de la peine correspond à la date de son prononcé, la requête n’est pas prématurée. »

Suite à la preuve de motifs suffisants, la Cour a procédé à l’examen de la peine et elle a mentionné au paragraphe 41 ce qui suit:

« Néanmoins, le Tribunal considère qu’il y a lieu de préserver la période charnière dans laquelle se trouve l’adolescent, soit sa dernière année d’études collégiales.  Sa disponibilité doit se réserver pour ses efforts à la réussite scolaire.  La preuve révèle que jusqu’à la fin de l’année scolaire, l’exécution des travaux bénévoles risque de brimer les perspectives futures de l’adolescent, que ce soit une poursuite d’études supérieures ou son intégration au marché du travail. »

Requête écrite et affidavit pour une demande en vertu de l’article 59 LSJPA

Dans la décision LSJPA -103 2010 QCCQ 1161, le tribnal a ordonné à l’adolescent de produire au dossier de la Cour un demande écrite, appuyée d’un affidavit, exposant les motifs d’examen de sa peine ne comportant pas de placement sous garde (article 59 LSJPA).Cette ordonnacne est justifiée par l’équité procédurale et la saine administration de la justice.

Vous trouverez la décision LSJPA -103 2010 QCCQ 1161 en cliquant ici.