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Peine maximale pour un homicide involontaire coupable

En lien avec une affaire que nous avions commentée ici à l’automne dernier, le jugement sur la peine a été rendu hier au palais de justice de Laval.

Rappelons que l’adolescent a été acquitté de meurtre, mais trouvé coupable d’homicide involontaire, pour avoir poignardé à mort son ami dans un parc dans ce qui semble avoir été une bagarre ayant mal tourné. Il avait 16 ans aux moments des faits.

Pour cette infraction, la peine maximale est effectivement de 3 ans de garde et surveillance en vertu de l’article 42(2)o) LSJPA. Contrairement à la peine infligée sous 42(2)n), le juge n’est pas lié par le principe « 2/3 garde 1/3 surveillance ». En effet, l’article 42(2)o) se lit:

42(2) o) dans le cas d’une infraction prévue aux articles 239 (tentative de meurtre), 232, 234 ou 236 (homicide involontaire coupable) ou 273 (agression sexuelle grave) du Code criminel, l’imposition, par une ordonnance de placement et de surveillance, d’une peine maximale de trois ans à compter de sa mise à exécution, dont une partie est purgée sous garde de façon continue et, sous réserve du paragraphe 104(1) (prolongation de la garde), l’autre en liberté sous condition au sein de la collectivité aux conditions fixées conformément à l’article 105; (nos surlignements)

La Juge Perreault a tranché le débat en ordonnant la peine maximale, soit 36 mois de garde et surveillance dont 26 mois en garde fermée, période suffisamment longue pour effectuer un long travail de réhabilitation. La Juge retient aussi l’opinion de la délégué jeunesse selon laquelle le risque de récidive est modérée (et non faible), et souligne le manque de responsabilisation et de progrès suffisants du jeune homme en centre de réadaptation. Rappelons qu’en vertu de l’article 105 (1) LSJPA, environ un mois avant la fin de sa période de garde, le jeune homme devra être amené par la directrice provinciale devant un juge afin que celui-ci fixe les conditions applicables aux dix mois restants de mise en liberté .

La décision intégrale est disponible ici.

Une peine de placement et de surveillance d’une durée de 12 mois pour homicide involontaire coupable

Cet article a été rédigé par Me Jeanne Mageau-Taylor, avocate au Ministère de la Justice du Canada, section du développement international. Nous la remercions chaleureusement pour sa précieuse contribution.

Le 10 novembre 2021, la juge Tulloch de la Cour de justice du Nunavut a rendu une décision relative à la peine dans l’affaire R. v. F.O., 2021 NUCJ 45. Dans cette affaire, l’accusée a plaidé coupable au chef d’homicide involontaire coupable (article 234 du Code criminel). L’accusée était âgée de 17 ans et 1 mois au moment des faits.

L’accusée a reconnu avoir causé la mort d’une dame de 46 ans en lui assenant brutalement de nombreux coups au visage et à la tête, sans provocation. L’accusée avait consommée de l’alcool en compagnie de la victime au domicile de celle-ci durant une soirée. Après avoir quitté le domicile, l’accusée est revenue à celui-ci et a attaqué la victime. Tant l’accusée que la victime étaient en état d’intoxication au moment de l’agression. Par la suite, l’accusée a volé des effets personnels de la victime et a quitté le domicile de celle-ci à bord de son camion. Elle a également tenté d’accéder frauduleusement au compte bancaire de la victime.

L’accusée a tout d’abord nié toute implication dans la mort de la victime, laquelle est survenue le 9 avril 2017. Ce n’est que le 15 janvier 2019 que l’accusée fut mise en état d’arrestation et a confessé ses gestes. Suite à sa confession, l’accusée a été détenue sous garde pendant 67 jours à Iqaluit. Elle a par la suite été remise en liberté avec diverses conditions.

Dans le cadre du processus de détermination de la peine, la juge a pris connaissance de quatre déclarations de victimes, deux rapports prédécisionnels ainsi que d’un rapport psychiatrique médico-légal. Le psychiatre a conclu que l’accusée bénéficierait d’une peine purgée dans la communauté incluant des traitements thérapeutiques plutôt que d’une peine de placement sous garde. 

La juge a également pris en compte les circonstances particulières de l’accusée, notamment le fait que qu’elle soit autochtone (article 38(2)(d) LSJPA). Il fut noté que, dans son enfance, l’accusée fut en contact avec les services de protection de l’enfance puisqu’elle fut exposée à la consommation abusive d’alcool et à la violence conjugale.

La juge a identifié les facteurs atténuants suivants :

  • L’accusée a plaidé coupable et présente des remords;
  • L’accusée n’a aucun dossier criminel antérieur;
  • L’accusée a respecté ses conditions de mise en liberté depuis le mois de mars 2019;
  • L’accusée présente un haut potentiel de réinsertion sociale et un risque de récidive qualifié de faible à modéré.

La juge a identifié les facteurs aggravants suivants :

  • Les faits de l’affaire sont extrêmement sérieux;
  • La victime était en état d’intoxication avancée et n’était pas en mesure de se défendre;
  • L’accusée a volé les effets personnels et le camion de la victime suite à l’agression;
  • L’accusée n’a d’aucune façon tenté d’aider la victime.

Après avoir analysé les objectifs et principes de détermination de la peine (article 38 LSJPA) et les circonstances exceptionnelles de l’affaire, la juge a conclu que seule une peine incluant une période de placement sous garde serait appropriée. Toute autre peine ne « refléterait pas les valeurs sociales » [notre traduction]. Elle a donc ordonné une peine de placement et de surveillance d’une durée de 12 mois (6 mois sous garde et 6 mois en liberté sous condition au sein de la collectivité) suivie d’une période de probation de 12 mois assortie de diverses conditions (article 42(2)(o) LSJPA).

Le 20 décembre 2021, le Service des poursuites pénales du Canada a annoncé qu’il ne portera pas en appel cette décision.

*Les opinions exprimées dans le texte reflètent le point de vue de l’autrice et ne représentent pas celles du Ministère de la Justice ou du Gouvernement du Canada.

Une peine de probation pour homicide involontaire coupable

Dans LSJPA – 1847, l’adolescente doit recevoir une peine pour une infraction d’homicide involontaire coupable. Avec une amie, elle a causé la mort de la victime en provoquant une collision frontale en voiture. Il s’agit pour le juge Pierre Hamel de la Cour du Québec de déterminer la peine appropriée dans les circonstances et si, comme le prétend le ministère public, une peine comportant de la garde est nécessaire.

Le juge Hamel prend soin de rappeler les grands principes de détermination de la peine sous la LSJPA. L’objectif d’une peine, tel que défini à l’article 38 de la LSJPA, est de faire répondre l’adolescent de l’infraction qu’il a commise par l’imposition de sanctions justes assortie de conséquences significatives favorisant sa réadaptation et sa réinsertion sociale, en vue de favoriser la protection durable du public. Il ne s’agit donc pas de punir les adolescents, mais bien de les responsabiliser. Il n’existe d’ailleurs aucune hiérarchie dans les différents principes de détermination de la peine, comme l’a affirmé la Cour d’appel du Québec à plus d’une reprise.

Dans le cas particulier de l’adolescente, le juge Hamel conclut qu’une peine de garde n’est pas nécessaire. Il retient notamment les éléments suivants :

  • L’adolescente ne présente pas les caractéristiques d’une personne criminalisée ou associée à des pairs marginaux;
  • Les gestes commis relèvent d’un profond manque de jugement et d’une insouciance démesurée;
  • L’adolescente ne présente aucun antécédent judiciaire et a respecté ses conditions de mise en liberté depuis le 21 mai 2015;
  • Le risque de récidive est très faible;
  • L’adolescente a terminé ses études et occupe un emploi;
  • Le degré de responsabilité de l’adolescente est moindre que celui de la conductrice du véhicule dans lequel elle prenait place;
  • L’adolescente était aux prises avec une détresse émotionnelle et une immaturité ainsi qu’un certain isolement social au moment de l’infraction;
  • L’adolescente devrait purger une peine de garde dans un établissement provincial pour adultes;
  • La société de gagnerait rien à envoyer l’adolescente en prison.

Le juge Hamel rappelle que le tribunal ne doit pas se laisser troubler ou aveugler par la gravité du délit et les conséquences dramatiques qui en découlent. Il n’est d’ailleurs pas exact d’affirmer que lorsque les infractions sont graves le principe de proportionnalité doit primer sur les autres principes.

[36] En effet, le Tribunal devrait recourir à une peine privative de liberté, telle la garde, lorsqu’il ne semble pas possible ou difficile de neutraliser le comportement délictuel de l’adolescent dans la communauté de sorte qu’il soit nécessaire que celui-ci soit soumis à des mesures de réadaptation que seule une mesure comportant de garde peut lui procurer.

Finalement, le juge Hamel impose à l’adolescente une probation de 24 mois, lors de laquelle elle aura l’obligation notamment de participer à un suivi psychiatrique et psychologique. La Cour impose également l’obligation d’exécuter 240 heures de travaux bénévoles.

Demande d’examen d’une peine comportant du placement sous garde

Dans R. v. TP, l’adolescent présente une demande d’examen de peine fondée sur l’article 94 LSJPA. L’adolescent avait été déclaré coupable d’homicide involontaire coupable et s’était vu imposer une peine de 9 mois de mise sous garde en milieu fermé, de 3 mois de mise sous garde en milieu ouvert et 1 an de liberté sous condition au sein de la collectivité, conformément à l’article 42(2)o) LSJPA.

L’adolescent demande que la portion de sa peine qui consiste en sa mise sous garde en milieu ouvert pour une durée de 3 mois soit modifiée pour une période de liberté sous condition au sein de la collectivité.

Le juge D’Souza, de la Cour provinciale d’Alberta, identifie les dispositions de la loi qui doivent gouverner une telle demande, soit les articles 94(6) et 96 LSJPA. Le juge prend ensuite soin d’analyser l’ensemble des témoignages présentés à la cour et constate qu’il est clair que l’adolescent a participé à de nombreux programmes qui étaient offerts. Il fait également état des progrès et de la motivation à aller de l’avant chez l’adolescent.

Le juge, après analyse de la loi et de la jurisprudence, mentionne que la question en litige est la suivante : est-ce que l’adolescent a accompli suffisamment de progrès pour justifier la modification de sa peine? Le fardeau de la preuve repose sur les épaules de l’adolescent. De plus, une preuve exceptionnelle de changement est requise avant que la Cour envisage de modifier la peine, surtout dans les cas où l’infraction était grave.

La suffisance des progrès de l’adolescent doit être contrebalancée en lien avec l’intérêt de la société de maintenir les principes gouvernant la LSJPA. L’intérêt de la société peut recevoir davantage de considération que les besoins de l’adolescent dans les cas où le crime était sérieux et que peu de temps s’est écoulé depuis l’imposition de la peine.

Le juge rejette la demande de l’adolescent. Il note que rien dans ce qui est offert et proposé à l’adolescent ne revêt un caractère urgent ou doive être mis en place immédiatement. Le juge prend également en considération l’objectif de faire répondre l’adolescent de ses actes, par des sanctions justes assorties de perspectives positives ainsi que le principe de proportionnalité de la peine. Bien que le juge reconnaisse les progrès positifs effectués par l’adolescent, il souligne que l’infraction commise était grave et que ce dernier a encore du travail à faire.