Archives du blogue
Assujettissement : antécédents judiciaires, déclarations lors du RPD et degré de preuve
Dans la décision La Reine c. W.A.Z., 25 février 2013, C.Q. , la Cour a été saisie d’une demande d’assujettissement à une peine applicable aux adultes. La Cour a notamment tranché trois objections préliminaires et a analysé le degré de preuve nécessaire à la détermination de la peine applicable aux adultes.
Premièrement, quant aux antécédents judiciaires décris dans le RPD, la Cour a mentionné notamment au paragraphe 32, « la nature et le contexte de la commission des antécédents judiciaires sont pertinents pour analyser la situation de l’adolescent dans son ensemble et pour répondre aux considérations dont le Tribunal doit tenir compte pour l’imposition d’une peine en LSJPA« .
Deuxièmement, l’utilisation par le rédacteur du RPD du terme « au niveau psychologique », la Cour a mentionné au paragraphe 37 , « il est manifeste que ces termes ne réfèrent pas à une analyse ou à une évaluation psychologique de l’adolescent mais vise beaucoup plus à permettre de définir son caractère au sens commun et le Tribunal en tient compte dans cette perspective« .
Troisièmement, quant aux passages du RPD traitant de la perception et de l’attitude de l’adolescent face aux délits, la Cour a mentionné notamment aux paragraphes suivants:
[52] C’est donc dans cette perspective que doivent être interprétées les dispositions de la LSJPA qui concernent le rapport prédécisionnel. Une interprétation libérale et inclusive à l’égard du contenu du rapport.
[60] En conclusion, s’il est exact de dire que la poursuite doit démontrer les circonstances aggravantes telles que cela est depuis longtemps établi[…], il ressort tout de même que les circonstances atténuantes ou aggravantes qui relèvent de la situation de l’adolescent ne font pas l’objet, lors de l’enregistrement du plaidoyer de culpabilité, d’une enquête visant à déterminer la suffisance des faits au soutien de l’accusation.
[61] En fait, les circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la situation de l’adolescent et pertinentes ne peuvent être connues autrement que par le rapport prédécisionnel ou des témoignages rendus à l’enquête.
Finalement, la Cour a mentionné au paragraphe 73, à propos du degré de preuve en matière d’assujettissement, « il est manifeste que le législateur a retraité sur son intention d’imposer un fardeau à la poursuite qui soit hors de tout doute raisonnable et que les décisions antérieures à la modification introduite par le projet de Loi C-10 sont toujours applicables« .
Comment inclure la délinquance auto-révélée dans un rapport prédécisionnel?
Le rapport prédécisionnel vise à fournir portrait détaillé d’un adolescent. Il doit renseigner sur les risques de récidive présentés par l’adolescent et traduire ces risques en besoins criminogènes.
Les délits révélés par l’adolescent et pour lesquels il n’a jamais fait l’objet d’accusation sont ce que les intervenants appellent la délinquance auto-révélée. La délinquance auto-révélée nous permet une appréciation plus fine de l’adolescent et nous renseigne sur son mode de vie et son engagement dans la délinquance. Le rédacteur du RPD doit donc considérer la délinquance auto-révélée dans son rapport. Toutefois, lorsque l’adolescent mentionne à l’auteur du RPD qu’il a eu, dans le passé, tel ou tel comportement délinquant, l’auteur du RPD a une responsabilité vis-à-vis de l’adolescent. Il doit lui rappeler le contexte dans lequel se produit l’évaluation, soit celui du processus judiciaire, et lui rappeler que ces comportements de délinquance auto-révélée pourront figurer dans le rapport. Si l’auteur fait mention de la délinquance auto-révélée, il doit de plus préciser dans quel contexte l’adolescent a transmis ces informations.
Pour obtenir davantage de précisions, consultez la page 140 de la section 6 du Manuel de référence sur l’application de la LSJPA dans les Centres jeunesse.
RPD et le consentement de l’adolescent
Dans la décision Saskatchewan (Attorney General) v. Q.K., 2007 SKCA 120 (CanLII), la Cour d’appel de la Saskatchewan a décidé que le consentement de l’adolescent n’est pas une condition préalable à l’utilisation et à l’inclusion, dans le rapport prédécisionnel, des résultats obtenus lors d’une évaluation du risque . La Cour mentionne également que le tribunal pour adolescents excède sa compétence lorsqu’il ordonne d’inclure ou d’exclure certaines informations du rapport prédécisionnel.
RPD et la consultaiton du dossier de l’adolescent constitué en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse.
Dans la décision Québec (Procureur général) c. Roy, EYB 1995-83185, l’honorable Ginette Piché a cassé la décision du juge de première instance qui avait accueillie l’objection de l’avocat de l’adolescent à l’effet que l’adolescent n’avait pas consenti à donner accès à son dossier de protection devant le Directeur de la protection de la jeunesse.
La Cour mentionne au paragraphe 29 : » A l’analyse de la Loi sur les jeunes contrevenants, et plus particulièrement à la lecture de l’article 72.6, on voit que le législateur a voulu qu’il y ait une exception au rigorisme de 72.5. C’est au DPJ que la demande d’obtenir les évaluations psychologique et psychiatrique a été faite par le juge Ouellet. Et le DPJ est définitivement une personne «à qui le législateur confie des responsabilités». Ayant l’obligation d’obtenir un rapport prédécisionnel et des évaluations, il doit s’y conformer. Si pour remplir son obligation, il estime que la divulgation de renseignements confidentiels au dossier de l’adolescent est nécessaire aux experts, rien ne l’empêche certainement alors de procéder sans l’autorisation de l’adolescent concerné. La loi lui permet spécifiquement de le faire« .
La Cour mentionne également au paragraphe 33 : « Comme il s’agit d’un dossier appartenant au DPJ, le Tribunal estime donc qu’il n’y avait pas d’autorisation à être donnée par A. P. En demandant les évaluations psychologique et psychiatrique et le rapport prédécisionnel, l’autorisation de consulter le dossier était donné par le Directeur de la protection de la jeunesse à ceux à qui il confiait un mandat d’expertise. A l’article 16.2, le législateur a voulu d’ailleurs que le juge ait toutes les informations nécessaires avant de rendre sa décision. La loi exige que l’expert donne un rapport complet sur le cas du jeune contrevenant et il est logique qu’il doive consulter tout le dossier« .
De plus, au paragraphe 35 la Cour mentionne: « Le Tribunal estime qu’il n’a pas à aller plus loin dans son analyse puisqu’il est clair que le Directeur de la protection de la jeunesse, ayant le contrôle du dossier d’A. P., n’avait pas à obtenir l’autorisation de ce dernier pour que les renseignements au dossier du jeune contrevenant soient transmis aux experts chargés de faire rapport« .
En quoi le rapport pré décisionnel se différencie-t-il d’un rapport d’évaluation psychosocial produit dans le cadre de la Loi sur la protection de la jeunesse?
Le rapport pré décisionnel (RPD) ne poursuit pas les mêmes objectifs qu’un rapport d’évaluation produit dans le cadre de l’application de la LPJ. Bien que les deux rapports soient de nature psychosociale et visent à fournir un portrait détaillé de l’adolescent, le RPD se distingue en ceci :
Le portrait détaillé de l’adolescent doit renseigner sur les risques de récidive qu’il présente, mais aussi sur les besoins criminogènes. Les besoins criminogènes sont des pistes d’intervention auxquelles on devra s’adresser afin de faire diminuer les risques de récidive dans certaines zones spécifiques (exemples les attitudes antisociales ou les comportements impulsifs). Ce portrait de l’adolescent doit fournir un éclairage au tribunal lorsque le moment sera venu de déterminer la mesure la plus appropriée à infliger à l’adolescent. Ainsi, au terme du rapport pré décisionnel se retrouve une recommandation de l’auteur du rapport quant à la mesure la plus appropriée permettant d’atteindre des objectifs de protection de la société, de réinsertion sociale et de réadaptation.
Le RPD doit, autant que possible, contenir le point de vue des victimes lésées par les comportements de l’adolescent.
La section 6 du Manuel de référence sur l’Application de la LSJPA dans les Centres jeunesse nous renseigne en détail sur le rapport pré décisionnel.