Archives d’auteur : Me Félix Olivier Munger

JOURNÉE DES JURISTES LSJPA 2024

C’est avec grand plaisir que l’Équipe de soutien LSJPA vous convie à la 8e édition de la Journée des juristes LSJPA 2024. Celle-ci se tiendra le 6 novembre 2024.

Quoi: 6 heures de formation de qualité en matière de justice pénale pour adolescents

Quand: le 6 novembre 2024, de 8 h 30 à 16 h 30

Où: en formule hybride – en personne, au Pavillon Lafontaine, situé au 1301 rue Sherbrooke Est OU de manière virtuelle, via la plateforme numérique Zoom

Combien ça coute: 150$ par personne

Cette journée de formation juridique et clinique s’avère une occasion unique pour toute personne désirant approfondir ses connaissances en matière de justice pénale pour adolescents.

La liste des conférences ainsi que le lien pour l’inscription suivront.

Confirmation d’un jugement en appel

Le 26 février 2024, la Cour d’appel rendait jugement dans une affaire où un adolescent s’est vu à la fois condamner sous la LSJPA et sous le régime adulte.

Dans cet arrêt, la Cour devait analyser les prétentions du ministère public à l’encontre de la décision sur la peine rendue par la juge de première instance. Les motifs d’appel concernaient l’application par cette dernière du principe de totalité, prévu au Code criminel et plus largement, l’étendue de la discrétion d’un tribunal de première instance lors de l’imposition d’une peine.

Les faits à l’origine de l’appel sont simples : la juge de première instance a imposé une peine spécifique à l’adolescent, en ordonnant par ailleurs que cette peine soit purgée de manière concurrente à une peine imposée antérieurement en vertu d’accusations sous le régime adulte.

Le ministère public en appelle de cette décision en soutenant que la décision d’imposer la peine spécifique de manière concurrente à l’autre peine constitue une erreur de principe et qu’en sus, la décision n’est pas suffisamment motivée.

En référant aux précédents pertinents, la Cour d’appel rappelle le processus qui doit être suivi par un juge chargé de déterminer la peine appropriée suite à une déclaration de culpabilité « dans le cas d’infractions multiples où les circonstances peuvent amener le juge d’instance à ordonner que les peines soient purgées de façon concurrente ou consécutive ». La Cour ajoute que même si un juge devait s’écarter de cette démarche, il n’en résulte pas nécessairement une erreur révisable et à cet effet cite un passage de l’arrêt R. c. Desjardins, rendu par cette même cour :

[43] Je ne propose pas une approche formaliste. Dans la mesure où les motifs concernant la détermination de la peine permettent de constater que la peine à l’égard de chacun des chefs a été établie de façon raisonnée et transparente et que la peine totale est le résultat de cet exercice, la méthode serait correcte.

[50] Cependant, le fait que le juge a employé la méthode de la peine globale ne signifie pas nécessairement que la peine totale imposée est manifestement non indiquée. Tel que le souligne le juge Rowe dans R. v. A.T.S.: « that does not automatically mean the trial judge’s sentence is ‘clearly unreasonable/demonstrably unfit.’ A trial judge may apply faulty methodology and yet impose a sentence that is reasonable, in the exercise of his/her discretion. »

Et d’ajouter, en citant l’arrêt R. c. Norbert, de cette même cour :

[6] L’article 718.3(4) C.cr. énonce quatre situations pour lesquelles un juge peut ordonner des périodes consécutives d’emprisonnement.  Dans les cas prévus à cet article, le juge possède un pouvoir discrétionnaire.  Toutefois, il doit s’assurer de l’impact total des peines que le contrevenant sera appelé à purger consécutivement et s’assurer que la période d’emprisonnement totale est juste et appropriée.  L’opportunité des peines consécutives doit être examinée à la lumière de l’article 718.3(4) C.cr. et le juge doit se garder d’imposer une peine globalement excessive.

En rappelant la déférence qui s’impose en pareille matière vis-à-vis une décision de première instance se prononçant sur la peine appropriée, la Cour rejette l’argument avancé par le ministère public.

Concernant la suffisance des motifs, la Cour convient que les motifs rédigés par la juge de première instance sont succincts et même « laconiques » à certains égards, mais conclut finalement que « même si elle est peu loquace, ses motifs au soutien de cette décision sont compréhensibles et ressortent du dossier ».

La Cour conclut son analyse en rappelant les principes de détermination de la peine applicables en matière jeunesse pour étayer davantage sa conclusion selon laquelle la peine globale n’est pas manifestement non-indiquée.

La Cour rejette ainsi l’appel logé par le ministère public.

Suggestion lecture

Pour faire suite à la conférence donnée par Marie Dumollard, Martin Goyette, Christophe Gauthier Davies et Josiane Picard dans le cadre de la Journée des juristes LSJPA 2023, nous vous invitons à consulter le numéro 1 du volume 56 de la revue Criminologie, qui s’intitule Les droits, la parole et les besoins des jeunes placés au Québec (sous la direction de Anta Niang, Martin Goyette et Natacha Brunelle). Nous vous proposons un extrait de l’introduction comme mise en bouche :

« Ce numéro spécial vise justement à rendre visibles, par une variété de méthodologies et de thèmes, sur le plan national et international, la place des jeunes et leurs expériences dans les systèmes de protection et de justice juvénile. Les articles présentés dans ce numéro traitent ainsi des enjeux de la protection de la jeunesse et de justice juvénile en redonnant une place aux adolescents et adolescentes ou jeunes adultes, âgés de 12 à 35 ans, qui font ou ont fait l’objet d’un placement ou de mesures probatoires. Une attention est également portée à la prise en compte dans l’intervention de leurs différents besoins en fonction de leur réalité personnelle, sociale et culturelle, notamment en appliquant des principes d’équité, de diversité et d’inclusion.

L’ensemble des articles s’inscrit dans la thématique des droits, de la parole et des besoins des jeunes. Ils s’articulent plus particulièrement autour de trois aspects:

1) la préparation des jeunes à deux étapes significatives de leur parcours, soit sur le plan judiciaire ou préplacement, et aussi sur le plan postplacement;

2) leurs expériences de placement;

3) l’adaptation des services et des politiques. »

Pour consulter l’ouvrage en entier, c’est ici. Bonne lecture!

Demande d’assujettissement rejetée

Le 31 août dernier, la Cour de justice de l’Ontario rendait publics les motifs du juge A.A. Ghosh relativement à une demande de la Poursuite d’assujettir un adolescent à une peine applicable aux adultes.

Pour rappel, l’article 72 (1) de la LSJPA prévoit que le tribunal pour adolescents doit être convaincu de l’existence des deux conditions cumulatives suivantes afin d’assujettir un adolescent à une peine applicable aux adultes :

a) la présomption de culpabilité morale moins élevée dont bénéficie l’adolescent est réfutée;

b) une peine spécifique conforme aux principes et objectif énoncés au sous-alinéa 3(1)b)(ii) et à l’article 38 ne serait pas d’une durée suffisante pour obliger l’adolescent à répondre de ses actes délictueux.

Concluant que la Poursuite a satisfait au premier critère, le juge se tourne vers le second aspect de l’analyse.

Les accusations portées contre l’adolescent concernent une possession d’arme à feu chargée et de cocaïne en vue d’en faire le trafic et une décharge d’arme à feu avec insouciance. L’adolescent est bien connu des services policiers et du juge lui-même, ayant de multiples antécédents judiciaires et des tendances criminelles bien documentées.

Il s’agit d’un adolescent aux prises avec une histoire psychosociale complexe et démontrant une certaine capacité à bénéficier de la réadaptation. On retiendra également que l’adolescent est, au moment de l’imposition de sa peine, sous détention provisoire depuis 20 mois. Il s’agit cependant aussi d’un adolescent peu enclin à intégrer des valeurs prosociales en communauté et bien ancré dans un cycle criminogène.

Le juge prend soin de rappeler les enseignements de la Cour d’appel de l’Ontario sur la notion de responsabilisation – accountability – liée à l’analyse du deuxième critère de l’article 72 de la LSJPA:

[40] Our Court of Appeal has identified accountability in the YCJA context as the equivalent to the adult sentencing principle of retribution. Further, it recognized the close connection between moral culpability and retribution. Retribution represents an objective, reasoned and measured determination of an appropriate punishment which properly reflects the “moral culpability of the offender, having regard to the intentional risk-taking of the offender, the consequential harm caused by the offender and the normative character of the offender’s conduct”.

Une peine spécifique sous la LSJPA est-elle conséquemment suffisante pour obliger cet adolescent à répondre de ses actes délictueux? Le juge conclut par l’affirmative, notamment en se prêtant à une analyse comparative de la peine adulte qui pourrait être imposée en circonstances connexes.

Bien qu’il admette que la suggestion de peine adulte formulée par la Poursuite se situe dans une fourchette raisonnable (6-7 ans de pénitencier), le juge conclut que la jurisprudence milite en faveur d’une peine plus courte, entre 5 et 6 ans de pénitencier. En tenant compte de la période purgée par l’adolescent sous détention provisoire et en accordant un crédit supplémentaire pour cette période, le juge infère que l’imposition d’une peine spécifique de placement et de surveillance de 3 ans, comme le prévoit la Loi, équivaut à toutes fins pratiques à la durée d’une peine adulte appropriée en les circonstances.

Le juge conclut ainsi:

[70] In imposing such a sentence, I will have effectively sentenced H.A.Q. under the youth regime to some semblance of a 5-and-a-half-year custodial term, mindful of the presentence custody. I find that is within the lower end of the available range for a young adult in similar circumstances. As unwieldly as that observation admittedly is, it signals that such a youth sentence is of sufficient length to hold this young person accountable for the serious offences he has committed.

Pour lire la décision, c’est ici.

***INSCRIPTION*** Journée des juristes LSJPA 2023

Bonjour à tous,

C’est avec enthousiasme que nous vous annonçons que les inscriptions pour la journée des juristes LSJPA 2023 sont dès maintenant ouvertes!

Quoi: 6 heures de formation de qualité en matière de justice pénale pour adolescents

Quand: le 25 octobre 2023, de 8 h 30 à 16 h 30

Où: en formule hybride – en personne, à l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal, situé au 7401 rue Hochelaga OU de manière virtuelle, via la plateforme numérique Zoom

Combien ça coute: 150$ par personne, incluant café, viennoiseries et dîner

Vous pouvez ainsi compléter votre inscription et consulter l’horaire de la journée en suivant le lien juste ici.

N’hésitez pas à transmettre la présente invitation dans vos cercles professionnels.

Le lien pour participer à l’événement via Zoom vous sera transmis éventuellement, selon les choix exprimés lors de l’inscription.

Au plaisir de vous y voir en grand nombre.

Le comité organisateur

Acquitté 47 ans plus tard

Le 1er juin 2023, la juge Michèle Toupin de la Chambre de la jeunesse rendait une décision où elle devait analyser des faits étant survenus presque 47 ans auparavant. En effet, la juge explique qu’en « l’absence de prescription, les tribunaux peuvent être saisis d’affaires remontant à plusieurs années, pourvu qu’il existe une preuve crédible et fiable à présenter à l’encontre d’un accusé ».

Ainsi, la juge devait déterminer le bien-fondé d’allégations d’attentat à la pudeur et d’acte de grossière indécence commis en quelque part au milieu des années 70. Le nœud du litige se situe au plan de l’âge de l’accusé au moment des faits puisque cela détermine s’il peut valablement être accusé ou non. À l’époque, l’article 13 du Code criminel se lit ainsi :

13. Nul ne doit être déclaré coupable d’une infraction à l’égard d’un acte ou d’une omission de sa part lorsqu’il était âgé de sept ans ou plus, mais de moins de quatorze ans, à moins qu’il ne fût en état de comprendre la nature et les conséquences de sa conduite et de juger qu’il agissait mal.

L’exception prévue à la disposition ne trouvant pas application en l’espèce, de l’aveu des parties, la juge doit ainsi déterminer l’âge de l’accusé au moment des faits. Avait-il 13, 14 ou 15 ans?

Pour ce faire, la juge passe en revue les principes devant guider un tribunal appeler à apprécier la crédibilité et la fiabilité de témoignages contradictoires. Par ailleurs, elle reprend l’essentiel du droit relatif au témoignage d’adultes portant sur des faits remontant à leur enfance.

S’adonnant à l’exercice fastidieux de reconstituer une trame factuelle vieille de près d’un demi-siècle et en prêtant foi à des éléments de preuve contextuelle, la juge en arrive à la conclusion que l’accusé ne pouvait avoir que 13 ans au moment des faits. D’autres éléments de preuve supportent sa conclusion, notamment des relevés de fréquentation scolaire des années 70 qui permettent de situer l’âge de l’accusé.

D’autre part, citant le juge Dalmau dans Salvail :

[…] Il existe également des cas où le doute sur ce qui s’est réellement passé l’emporte sur tout le reste, contamine l’ensemble, et dans un tel cas le doute bénéficie, bien entendu, à l’accusé qui devra être acquitté.

En l’espèce, même si la juge ne pouvait faire de détermination certaine sur l’âge de l’accusé au moment des faits, les contradictions à même la preuve de la poursuite sur les éléments essentiels de l’infraction sèment un doute tel qu’il ne peut en résulter autre chose qu’un acquittement.

L’article 13 du Code criminel établit aujourd’hui à 12 ans l’âge de la responsabilité criminelle, de concert avec la définition que prévoit la LSJPA d’un adolescent (art. 2).

Pour lire la décision, c’est ici.

Arrêt des procédures en appel

Le 26 juillet 2023, la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse était amenée à se prononcer quant à une situation assez particulière.

On en comprend qu’après une période de délibéré, le juge de première instance impose à l’adolescent une peine de garde et surveillance d’une durée de 24 mois sur des chefs d’accusation de contacts sexuels. Le même jour, le juge rejette verbalement la demande formulée par la défense afin d’obtenir un arrêt des procédures, fondée sur l’application des principes de l’arrêt Jordan. Le juge explique alors avoir pris connaissance des arguments présentés par écrit par la poursuite et la défense, énonce sa décision, mais soulève avoir été incapable de fournir des motifs écrits « at this time ». Le juge s’exprime ainsi :

« Suffice it to say I reject the application for a stay by the defence based primarily on the court accepting the position outlined by the Crown in their brief. A more formal Jordan decision will be provided to counsel in due course […] ». Le hic, c’est que ces motifs n’ont jamais été fournis aux parties.

La Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse rappelle que « reasons will not withstand appellate scrutiny if they are both inadequate and inscrutable ».

En l’espèce, la Cour d’appel conclut que les motifs fournis par le juge de première instance sont largement insuffisants :

« The requirements for sufficient reasons established by the Supreme Court of Canada […] were not satisfied: the reasons did not inform the defence of the basis for the dismissal of the motion nor do they enable this Court to understand the judge’s rationale.

The judge’s reasons do not explain the basis for his decision, especially in light of trial Crown advancing two arguments to counter the defence motion: implicit waiver by the defence of over a year’s worth of delay and, in the alternative, the exceptional discrete circumstance of the Covid pandemic. For exceptional circumstances to be in play there has to be a determination the delay has exceeded the Jordan ceiling. A finding of implied waiver, on the other hand, grounds a finding that the ceiling was not reached ».

Le raisonnement du juge comporte de graves lacunes puisqu’il ne permet pas de déterminer lequel des arguments il accepte. Ces argument supposent pourtant des considérations bien distinctes. Ainsi, le juge néglige l’analyse qui lui est pourtant imposée lorsque saisi d’une telle demande, dans le souci de dûment procéder à la computation des délais et de trancher quant à l’application des principes de l’arrêt Jordan.

Considérant ces constats, la Cour d’appel procède à l’analyse des délais de l’affaire et conclut que le délai imposé par la Cour suprême sous l’article 11 b) de la Charte canadienne est excédé. La Cour prononce l’arrêt des procédures à l’endroit de l’adolescent.

Pour lire la décision, c’est ici.

Coupable d’agression sexuelle

Le 12 juillet 2023, la juge Elaine Bolduc de la Chambre de la jeunesse rendait une décision où elle devait analyser, à l’instar de l’article précédent publié par Me Tugault, des versions contradictoires.

La juge amorce son analyse en rappelant que « nous sommes face à des versions contradictoires et comme cela arrive généralement en matière de gestes de nature sexuelle, aucune preuve indépendante des gestes délictuels n’est disponible, ce genre de crime étant presque toujours commis sans témoin ».

Ce faisant, elle tâche premièrement de déterminer si elle croit la déposition de l’accusé. Plusieurs raisons l’amènent à rejeter la version de ce dernier, notamment les distinctions majeures entre le récit des faits qu’il transmet aux policiers au moment de la plainte et celui qu’il relate lors de son témoignage au procès.

Par ailleurs, l’accusé affirme en témoignage n’avoir que des souvenirs imprécis de la soirée où l’agression se serait déroulée, mais décrit du même souffle avoir ressenti de la surprise, de l’étonnement et se rappelle aussi d’émotions vécues par d’autres personnes au moment des faits.

La juge insiste aussi sur le fait que la version fournie par l’accusé est presque pareille à celle fournie par la plaignante, exception faite des éléments relatifs à l’infraction reprochée.

Parallèlement, le récit des faits par la plaignante est le même, au détail près, depuis le moment de la plainte. Malgré quelques oublis ou incohérences, rien ne permet de remettre en question la version fournie par la plaignante.

Ainsi, n’ayant pas cru la déposition de l’accusé, la preuve ne soulevant pas de doute raisonnable dans son esprit et l’ensemble de la preuve la convaincant hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l’accusé, la juge déclare ce dernier coupable d’agression sexuelle.

Pour lire la décision, c’est ici.

Minimis non curat lex 

Le 14 juin 2023, la juge Geneviève Marchand de la Chambre de la jeunesse rendait une décision où elle était appelée à analyser la défense minimis non curat lex dans le contexte d’accusations de voies de fait portées contre un adolescent de 12 ans au moment des faits.

La plaignante et l’accusé constituent une demi-fratrie d’une famille recomposée. Alors qu’ils regardent un film ensemble au sous-sol de la maison, les deux adolescents se chamaillent et l’accusé donne de petits coups sur les cuisses de la plaignante.

Six semaines après les événements, la plaignante porte plainte contre l’accusé, à la demande de sa mère, ex-conjointe du père de la plaignante, qui n’entretient pas de bonnes relations avec la nouvelle conjointe de celui-ci et mère de l’accusé.

L’accusé admet avoir employé intentionnellement la force à l’égard de la plaignante et ce, sans le consentement de cette dernière. Ainsi, la juge conclut que la Poursuite a établi les éléments essentiels de l’infraction reprochée.

Ceci étant, la juge analyse ensuite la défense soumise, soit celle voulant que la loi ne se soucie pas de choses sans importance (minimis non curat lex) :

« [31]        La défense de minimis non curat lex est fondée sur le principe voulant que la loi ne s’occupe pas des choses sans importance. Cette défense a pour objectif d’éviter les conséquences d’une condamnation criminelle aux personnes ayant commis un acte à ce point insignifiant et anodin, et ce, malgré la preuve hors de tout doute raisonnable des éléments essentiels de l’infraction ».

À cet égard, elle cite une décision rendue par le juge Martin Vauclair en 2006, alors à la Cour du Québec, qui réitère l’existence d’une telle défense en droit criminel canadien par le truchement de l’article 8 (3) du Code criminel et qui établit certains critères pouvant guider les juges appelés à en décider.

La juge Marchand assoit principalement sa décision et son analyse sur les critères voulant que l’application de la défense minimis non curat lex ne doit pas déconsidérer l’administration de la justice, et qu’une déclaration de culpabilité dans les circonstances de l’affaire pourrait choquer le public et miner sa confiance envers le système de justice.

Ce faisant, elle en arrive à la conclusion que « justice ne serait pas bien servie si, dans les circonstances révélées par la preuve, l’accusé devait être reconnu coupable d’un crime qui représente une infraction plus technique que réelle, surtout lorsque ce crime est plutôt anodin ». Elle procède donc à l’acquittement de l’accusé.

Pour lire la décision, c’est ici.

Assujettissement confirmé par la Cour d’appel de l’Ontario

Le 24 mai 2023, la Cour d’appel de l’Ontario était appelée à se prononcer sur la justesse d’un jugement de première instance imposant à un adolescent une peine applicable aux adultes.

Il s’agit d’une histoire particulièrement sordide où plusieurs adolescents ont participé au meurtre d’un autre adolescent tué par balle, à bout portant, « execution-style », comme le nomme la Cour d’appel. Ainsi, l’appelant s’est vu imposer une peine applicable aux adultes, soit l’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 10 ans.

À noter, la décision de première instance remonte à juin 2014 et les faits de l’affaire, à novembre 2010.

Parallèlement, les deux co-accusés, s’étant fait initialement imposer la même peine que l’appelant, ont, en 2017, obtenu de la Cour d’appel une nouvelle sentence, cette fois en vertu de la LSJPA, puisque le juge de première instance s’était mal dirigé en droit (voir article publié par Me Bruno Des Lauriers en février 2017, ici). L’appelant n’a pas eu le bénéfice de cette nouvelle sentence puisqu’elle concernait l’applicabilité du programme intensif de réadaptation auquel l’appelant n’était pas admissible.

Qu’en est-il concernant l’appelant? Rappelons que ce dernier est celui qui a tiré le coup de fusil ayant mis fin aux jours la victime.

L’un des motifs soulevés par l’appelant à l’encontre de la décision de première instance concerne le défaut pour le juge d’avoir adéquatement considéré la présomption de culpabilité morale moins élevée, pierre angulaire de la LSPJA et codifiée à l’article 3 (1) b).

La Cour d’appel conclut que le juge de première instance a effectivement fait défaut de considérer la notion de culpabilité morale moins élevée. À l’époque, l’article 72 (1) LSJPA ne prévoyait pas que le tribunal devait spécifiquement considérer que la présomption de culpabilité morale moins élevée était renversée par la Poursuite pour ordonner l’assujettissement, comme c’est le cas depuis les amendements législatifs de 2012. Par contre, dès 2008, la Cour suprême élevait au rang de principe de justice fondamentale la présomption de culpabilité morale moins élevée. Bien que les amendements de 2012 n’étaient pas en vigueur au moment de l’infraction, ils l’étaient au moment où le juge de première instance a rendu sa décision et ainsi, conjointement avec la décision de la Cour suprême de 2008, imposaient au juge de considérer la présomption de culpabilité morale moins élevée dans son analyse :

« [39]      The youth court judge’s reasoning for sentencing SB to an adult sentence does not mention the Presumption. As this court noted in R. v. W.(M.), at para. 83, the silence on this issue is concerning. The Crown submits that the youth court judge must be presumed to know the law. More specifically, the Crown argues that embedded in the youth court judge’s assessment of SB’s maturity is the finding that the Presumption was rebutted. I do not agree. The Presumption is not merely a common law requirement for youth sentencing; it is a principle of fundamental justice. The constitutionality of the adult sentencing regime under the YCJA relies on the proper consideration and application of the Presumption to cases such as SB’s. Given the importance of this principle, it was incumbent on the youth court judge to identify and discuss the Presumption in his reasons. I cannot take his silence to mean that he did. This is an error in principle which justifies intervention by this court ».

Ceci étant, un nouvel examen des principes applicables à la détermination de la peine sous la LSJPA mène la Cour d’appel à la même conclusion que le juge de première instance quant à la peine applicable. Ainsi, la peine est confirmée et l’appel est rejeté.

Pour lire la décision, c’est ici.