Archives du blogue
L’ordonnance différée de placement sous garde en matière d’agression sexuelle
Dans R. v. J.R.S., le ministère public loge un appel à l’encontre de la peine d’ordonnance différée de placement sous garde et de surveillance imposée à l’adolescent en première instance suite à une déclaration de culpabilité pour agression sexuelle. L’adolescent s’était également vu imposer une peine de probation.
En première instance, le juge avait pourtant retenu en preuve qu’il s’agissait d’un euphémisme d’affirmer que l’agression sexuelle avait changé la vie de la victime et que l’impact pour celle-ci était profond. Une ordonnance différée de placement sous garde ne pouvait donc être imposée en raison de l’article 42(5) LSJPA, l’accusé ayant causé à la victime des lésions corporelles graves. En effet, l’adolescent avait fait usage de force et avait pénétré la victime de façon vaginale et anale.
La Cour d’appel de l’Ontario juge que la peine appropriée dans les circonstances aurait été une peine de placement sous garde et surveillance d’une durée de douze (12) mois. Celle-ci la réduit toutefois à six (6) mois et neuf (9) jours en raison de la peine déjà partiellement purgée par l’adolescent.
Assistance inefficace par l’avocat de l’adolescent
La Cour d’appel de l’Ontario a récemment dû se pencher sur la question d’un adolescent ayant été trouvé non-criminellement responsable par le juge du procès.
Dans R. vs. J.F., l’adolescent a plaidé coupable à trois chefs de menace, un chef d’incendie criminelle, un chef d’omission de se conformer à un engagement et un chef de possession d’arme dans un dessein dangereux. Lorsque l’adolescent a été trouvé coupable, le tribunal a alors rendu une ordonnance en vertu de l’article 672.11 du Code criminel afin de vérifier si l’adolescent était criminellement responsable vu ses troubles mentaux.
La Cour d’appel de l’Ontario a accueilli cet appel et ordonné un nouveau procès, le tout en lien avec l’assistance inefficace que l’adolescent avait reçue de la part de son avocat. L’adolescent a ainsi été en mesure de démontrer que la représentation reçue de la part de son avocat ne correspondait pas aux standards d’une représentation professionnelle raisonnable et que cette représentation a mené à une erreur judiciaire, pour les motifs suivants :
- L’adolescent ne souhaitait pas que son état mental lié à son syndrome d’Asperger fasse l’objet de discussions à la cour et l’a mentionné directement à son avocat.
- L’avocat a demandé que l’adolescent fasse l’objet d’une évaluation psychiatrique en vertu de l’article 34 de la LSJPA afin d’éviter à ses parents les coûts importants d’une telle évaluation. Cependant, cette décision a fait en sorte que la poursuite obtienne un accès au contenu de l’évaluation.
- L’adolescent souhaitait faire valoir un moyen de défense en lien avec le chef d’incendie criminelle, soit le chef le plus sérieux dont il était accusé.
- Le plaidoyer de culpabilité de l’adolescent n’a pas été offert d’une manière libre et informée.
- L’avocat ne s’est pas opposé au verdict de non-responsabilité criminelle, alors que l’adolescent l’aurait souhaité.
- L’adolescent et ses parents ne comprenaient pas les conséquences d’un verdict de non-responsabilité criminelle dont notamment son effet sur la liberté de l’adolescent.
Ainsi, sans remettre en cause la bonne foi de l’avocat, le tribunal a considéré que l’avocat s’était dans les faits placé dans une position de parent ou de travailleur social face à l’adolescent ce qui a fait en sorte que l’adolescent a été privé d’une défense juridique efficace.
Les garanties de l’art. 146 LSJPA revues par la Cour d’appel de l’Ontario
Dans la décision R. v. N.B., 2018 ONCA 556, la Cour d’appel de l’Ontario doit déterminer si la déclaration faite par un adolescent à des policiers était admissible en preuve suivant l’article 146 L.S.J.P.A. Ce dernier prévoit que pour être admissible en preuve, le contexte de la déclaration doit remplir les conditions suivantes :
« a) la déclaration est volontaire;
b) la personne à qui la déclaration a été faite a, avant de la recueillir, expliqué clairement à l’adolescent, en des termes adaptés à son âge et à sa compréhension, que :
- (i) il n’est obligé de faire aucune déclaration,
- (ii) toute déclaration faite par lui pourra servir de preuve dans les poursuites intentées contre lui,
- (iii) il a le droit de consulter son avocat et ses père ou mère ou une tierce personne conformément à l’alinéa c)
(iv) toute déclaration faite par lui doit l’être en présence de son avocat et de toute autre personne consultée conformément à l’alinéa c), le cas échéant, sauf s’il en décide autrement;
c) l’adolescent s’est vu donner, avant de faire la déclaration, la possibilité de consulter :
- (i) d’une part, son avocat,
- (ii) d’autre part, soit son père ou sa mère soit, en l’absence du père ou de la mère, un parent adulte, soit, en l’absence du père ou de la mère et du parent adulte, tout autre adulte idoine qu’il aura choisi, sauf si la personne est coaccusée de l’adolescent ou fait l’objet d’une enquête à l’égard de l’infraction reprochée à l’adolescent;
d) l’adolescent s’est vu donner, dans le cas où il a consulté une personne conformément à l’alinéa c), la possibilité de faire sa déclaration en présence de cette personne.» (art. 146 L.S.J.P.A)
Dans le cas qui nous intéresse, l’adolescent est accusé du meurtre au premier degré de son cousin. En première instance, l’accusé a été trouvé coupable, a été assujetti à une peine pour adultes et a reçu une sentence d’emprisonnement à vie, sans possibilité de libération conditionnelle avant 10 ans.
L’adolescent était sur les lieux du meurtre à l’arrivée des policiers. Il a eu une altercation avec l’un d’eux et a été arrêté pour obstruction. Toutefois, différents policiers ont rapidement mentionné à la centrale que l’adolescent ne serait pas accusé pour ce chef, considérant son état émotif suivant le décès probable de son cousin. L’adolescent a par la suite été amené au poste de police, où il fut interrogé à titre de témoin. Les enquêteurs qui ont procédé à l’interrogatoire n’ont pas indiqué à l’adolescent qu’il n’était pas détenu et ne lui ont pas mentionné son droit de quitter les lieux, de ne pas répondre à leurs questions, de consulter un avocat ou un parent et le droit que l’un ou l’autre soit présent pour l’interrogatoire. Après avoir été interrogé, l’adolescent est arrêté pour le meurtre au 1er degré de son cousin et c’est à sa demande qu’on lui permet de communiquer avec un avocat et avec sa mère.
Selon la Cour d’appel, le tribunal de première instance a commis deux erreurs. D’une part, le juge a transféré le fardeau de la preuve à l’adolescent lorsqu’il conclut que ce dernier n’a pas réussi à prouver qu’il était psychologiquement détenu. D’autre part, le tribunal a erré en considérant que l’article 146 ne s’appliquait pas à l’adolescent puisqu’il n’était pas détenu ou arrêté en lien avec l’accusation de meurtre. En effet, les garanties liées à l’article 146 s’appliquent dès que l’adolescent est détenu et ce, peu importe les accusations qui suivront.
La Cour d’appel accueille donc l’appel et ordonne la tenue d’un nouveau procès.