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Communication du dossier d’un adolescent dans le cadre d’une enquête disciplinaire à l’endroit d’un policier

Dans la décision Chief of Police v. Mignardi, le juge Morgan de la Cour supérieure de justice de l’Ontario siège en appel d’une décision ayant rejeté la demande de divulgation du dossier d’un adolescent. Une enquête disciplinaire était en cours contre le policier Mignardi, suite à des allégations d’abus subis aux mains du policier par l’adolescent L.D., alors qu’il était détenu.

Mignardi demandait d’avoir accès au dossier de l’adolescent L.D. (infractions, enquêtes, détentions, arrestations, déclarations de culpabilité et/ou poursuites) afin d’établir le contexte des accusations, déterminer et tester la crédibilité des allégations de l’adolescent. Le juge de première instance a rejeté cette demande en statuant que le principe de culpabilité morale réduite rendait le dossier de l’adolescent L.D. non pertinent à l’objectif visé.

Le juge Morgan établit les articles pertinents de la LSJPA pour statuer sur l’appel, soit les articles 119(1)(s) lorsque la période d’accès n’est pas expirée et l’article 123(1)a) lorsqu’elle est expirée. L’article 119(1)(s) nécessite une preuve « d’intérêt légitime » de la part du requérant et la preuve que la divulgation est faite dans « l’intérêt de la bonne administration de la justice ». Sous l’article 119(1)(s), le requérant doit prouver que la divulgation est souhaitable, alors que l’article 123(1)(a) est plus restrictif, en ce que le requérant doit prouver que la divulgation est nécessaire.

Tout en reconnaissant qu’une enquête disciplinaire ne constitue pas une procédure criminelle et que l’article 11 de la Charte canadienne ne s’applique donc pas, le juge Morgan explique qu’il s’agit tout de même d’un enjeu de défense pleine et entière. Empêcher l’accès au dossier minerait le droit du policier Mignardi à une défense pleine et entière, considérant son importance en contre-interrogatoire et en matière de crédibilité, ce qui irait à l’encontre de l’intérêt de la bonne administration de la justice.

Puisque l’adolescent L.D. a ici le statut d’un témoin ayant fait de sérieuses accusations et non le statut d’accusé, le juge Morgan explique qu’il est difficile de voir comment la politique de confidentialité basée sur le principe de culpabilité morale réduite peut avoir préséance sur le droit du policier à une équité procédurale. En tant que témoin accusant un autre individu, l’adolescent L.D. ne jouit pas d’une plus grande protection en raison de son statut d’adolescent que n’importe quel autre témoin en semblable situation.

Le juge Morgan souligne qu’une infraction criminelle commise par un adolescent peut être un indicateur de conduite répréhensible malgré le principe de culpabilité morale réduite contenu à la LSJPA. C’est donc pertinent quant à la fiabilité et à la crédibilité du témoin.

Le juge Morgan utilise une logique opposée à celle du juge de première instance. En effet, il conclut que le principe de culpabilité morale réduite n’exige pas la confidentialité lorsque l’adolescent est le plaignant plutôt que l’accusé. Il ajoute même que c’est précisément puisque les adolescents bénéficient de cette protection prévue à la LSJPA (en raison de leur impulsivité, leur manque de prévoyance, leur mauvaise compréhension des situations et leur capacité réduite de jugement moral) que leurs accusations doivent être testées par le biais d’un contre-interrogatoire.

Au final, le juge Morgan conclut que la divulgation doit être permise et ce, que ce soit en vertu de 119(1)(s) ou 123(1)(a) de la LSJPA.

Fouille dans la chambre à coucher d’un adolescent

Dans la décision LSJPA-1540 2015 QCCQ 7663, la Cour a été saisie d’une requête en exclusion de la preuve fondée sur les articles 8, 10 b) et 24(2) de la Charte canadienne des droits et libertés. Cette requête a été présentée après que les policiers se soient rendus au domicile de l’adolescent et qu’ils aient fouillé sa chambre à coucher et le coffre-fort s’y retrouvant. Les policiers avaient été appelés par la mère de l’adolescent.

La Cour a dû répondre aux questions en litige suivantes:

L’adolescent a-t-il été informé de ses droits en conformité avec l’article 10 b) de la Charte? A-t-il renoncé à ce droit?

 L’adolescent avait-il une attente raisonnable en matière de vie privée lui permettant d’invoquer une atteinte à la protection constitutionnelle de l’article 8 de la Charte?

1.     Si oui, la renonciation de l’adolescent à cette protection par un consentement est-elle valide?

2.     Si non, le consentement de la mère était-il suffisant pour permettre aux policiers de fouiller la chambre et le coffre-fort de l’adolescent?

La fouille effectuée par les policiers, sans mandat, était-elle raisonnable?

La Cour a mentionné ce qui suit aux paragraphes 112,138,141,166 et 167 :

[112]     En conclusion, les règles particulières énoncées dans R. c. L.T.H. ont été respectées. L’adolescent a été informé de ses droits en conformité avec l’article 10 b) de la Charte et y a renoncé de façon libre et volontaire.

[138]     Parce que la mère est propriétaire de la maison et qu’elle en assume tous les frais, parce qu’elle bénéficie d’un droit d’accès non limité à toutes les pièces de la maison, incluant la chambre de l’adolescent, parce qu’elle édicte les règles de vie, incluant l’accès par des tiers dans la chambre de l’adolescent, la soussignée croit que l’adolescent ne pouvait pas avoir d’expectative de vie privée à l’égard de sa chambre, qu’il pouvait au contraire s’attendre à ce que sa mère ait un certain regard sur la situation.

[141]     En conséquence,  l’adolescent avait une attente raisonnable en matière de vie privée lui permettant d’invoquer une atteinte à la protection constitutionnelle de l’article 8 de la Charte en ce qui concerne le coffre-fort et son contenu.

[166]     Pour tous ces motifs, le Tribunal conclut qu’il n’y a pas eu de violation des droits et libertés.

[167]     Pour tous les motifs énoncés, le Tribunal considère que la fouille effectuée sans mandat l’a été de façon raisonnable.

 

Confidentialité de l’identité d’un adolescent dans le cadre d’une poursuite civile

Dans la décision  A. c. X., 15 août 2012, C.S., EYB 2012-211117, la Cour supérieure,  dans le cadre d’une poursuite en dommages, a été saisie d’une requête selon les articles 13, 20 et 46 du C.p.c.  et intitulée Requête du défendeur Y pour une ordonnance de non-divulgation, non-communication, non-publication et mise sous scellé du dossier et pour autorisation d’ester anonymement.

La Cour a rappelé les principes de la LSJPA en matière de confidentialité de l’identité d’un adolescent sous la LSJPA. La Cour après avoir analysé le préambule, la déclaration de principe de l’article 3 LSJPA  ainsi que la jurisprudence pertinente fait une distinction entre la protection de la vie privée et la protection du public. En effet, la Cour mentionne qu’elle ne peut protéger l’anonymat des adolescents compte tenu de leur âge (16-17 ans)et compte tenu de la nature et de la gravité des crimes commis. La Cour mentionne au paragraphe 60 « La meilleure opportunité de réhabiliter les agresseurs est qu’ils assument leur responsabilité surtout quand il y a une victime. Danc ce cas, la protection du public doit être considérée, étant également un des principes de la Loi. La confiance du public à l’égard du système judiciaire en dépend« . 

Au paragraphes 61 et 62 la Cour mentionne:  » Dans un cas d’application comme celui-ci, c’est-à-dire la commission d’un crime particulièrement odieux, le tribunal a l’obligation d’en faire la distinction. Le droit de la victime, soit le demandeur, d’avoir accès au dossier des mineurs est déjà prévu par la loi (119 (1) de la Loi). Dans ce cas-ci, le demandeur a également le droit d’utiliser leurs noms et adresses.

Ainsi, la Cour supérieure a rejeté les requêtes des co-défendeurs (adolescents).

Par ailleurs, le 1er octobre 2012, la Cour d’appel a accueilli la requête en permission d’appeler présentée par les adolescents et le dossier sera entendu le 8 février 2013.