Archives d’auteur : Me Élise Guilbault

Preuve circonstancielle

Dans la cause R. v. A.A. (Cour Supérieure de l’Ontario, 13 octobre 2023), un jeune homme a été poignardé lors d’une attaque perpétrée par plusieurs adolescents. Les faits ayant mené à l’attaque ne sont pas contestés, mais l’identité du poignardeur l’est. Le tribunal doit donc se demander si la Couronne a établi sans aucun doute raisonnable que l’accusé a poignardé la victime.

Aucune preuve directe que l’accusé a poignardé la victime n’a été présentée au tribunal. Aucun témoin n’a témoigné avoir vu l’accusé poignarder la victime. La preuve de la Couronne est basée sur une preuve circonstancielle. Le tribunal indique qu’une preuve circonstancielle peut, dans certains cas être suffisante pour satisfaire le fardeau de la preuve, mais qu’il faut être extrêmement prudent, compte tenu des dangers inhérents au raisonnement basé sur ce type de preuve, notamment de conclure à la culpabilité de l’accusé sans avoir considéré des explications alternatives.

Le principe directeur établi par la Cour Suprême du Canada prévoit que ‘’where proof of one or more essential elements of an offence relies largely or exclusively on circumstantial evidence, an inference of guilt drawn from the circumstantial evidence must be the only reasonable inference that such evidence permits’’ (R. v. Villaroman, 2016 SCC 33, par. 30).

En l’espèce, le tribunal regroupe la preuve circonstancielle en trois catégories : (1) la preuve que l’accusé avait un couteau en sa possession avant l’attaque et le brandissait comme une arme, (2) la preuve que l’accusé avait un couteau tâché de sang peu de temps après l’attaque et tentait de s’en débarrasser et (3) la preuve que l’accusé a implicitement admis avoir poignardé en ne niant pas les accusations de ses amis qu’il était le poignardeur.

Quant à la première catégorie, le tribunal conclut que la poursuite n’a pas prouvé que l’accusé avait un couteau en sa possession avant l’attaque.

Quant à la seconde catégorie, le tribunal conclut que l’accusé avait un couteau en sa possession peu de temps après l’attaque, mais ne retient pas qu’il y avait du sang sur l’accusé ou le couteau qu’il tenait après l’attaque, ce qui soulève un doute raisonnable quant à savoir si le couteau en sa possession était l’arme du crime.

En ce qui a trait à la dernière catégorie, le tribunal indique tout d’abord que   ‘’In law, silence in the face of accusatory statements made by others, or an equivocal or evasive denial of responsibility in the face of such accusations, may constitute an adoptive admission of guilt where circumstances give rise to a reasonable expectation of reply and unequivocal denial’’ (R. v. Gordon, 2022 ONCA 799, par. 49). Cependant, le tribunal conclut qu’en l’espèce, la réponse de l’accusé à la question « qu’est-ce qui est arrivé ?», suite à l’attaque est cohérente avec celle du témoin d’une attaque  qui ne peut donner de détails quant à ce qui est arrivé parce que c’est arrivé trop vite.

Suivant cette analyse, le tribunal indique qu’il ne peut inférer de la totalité de la preuve que la seule conclusion raisonnable est que l’accusé a poignardé la victime. Il a des doutes raisonnables et doit donc l’acquitter.

Journée des juristes LSJPA 2023

La journée des juristes LSJPA s’est déroulée le 25 octobre dernier, pour une 7e édition.

La journée a débuté par une présentation de madame Marie Dumollard (Université de Montréal), monsieur Christophe Gauthier-Davies (ÉNAP), monsieur Martin Goyette (ÉNAP) et madame Josiane Picard (ÉNAP) s’intitulant Jeunes sous double mandat et sortie de placement lors de la transition à la vie adulte. Les jeunes sous double mandat sont ceux suivis sous le couvert de la LPJ et de la LSJPA. L’étude traite de données concernant la transition vers l’âge adulte de ces jeunes, notamment quant aux indicateurs suivants : Itinérance lors de la sortie de placement, nombres d’enregistrements en psychiatrie (RAMQ), études, formation, emploi, taux de diplomation, études post-secondaires, condamnation par un tribunal criminel pour adultes, jeunes en détention pour adultes et perception de la prestation de services reçue afin de se préparer aux études, à l’emploi suivant le placement.

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La deuxième conférence de la journée, intitulée Délinquance et Traumatismes : un parcours de vie marqué par la violence subie et perpétrée a été donnée par madame Catherine Laurier (Université de Sherbrooke). Madame Laurier a notamment abordé l’influence réciproque entre le trauma et la délinquance, la prise de risques chez les jeunes contrevenants, les moyens d’action pour éviter que ces jeunes ne subissent des traumatismes et a présenté les résultats d’entrevues qualitatives réalisées auprès de jeunes pris en charge sous la LSJPA.

Ensuite, un visage familier de la journée des juristes LSJPA, monsieur René André Brisebois nous a entretenus du phénomène de la violence armée chez les jeunes. Monsieur Brisebois a présenté les contextes de la violence armée, les facteurs de risque, le phénomène de contagion, les conséquences ainsi que la prévention et les possibilités d’intervention.

La journée s’est continuée avec la « traditionnelle » revue de la jurisprudence récente en matière de la LSJPA, dispensée par Me Tiago Murias et Me Younes Ameur.

Finalement, Monsieur Mathieu Perrier a présenté sa conférence, intitulée Mieux comprendre le phénomène des réseaux délinquants afin d’intervenir efficacement. Monsieur Perrier a notamment expliqué quelques définitions et notions reliés aux termes gangs- réseaux délinquants au Québec, le processus d’affiliation et désistement-désaffiliation ainsi que diverses façons d’intervenir efficacement.

La date de l’édition 2024 de la Journée des juristes n’est pas encore arrêtée, mais elle vous sera communiquée via ce blog dès qu’elle sera fixée.

Nous remercions les conférenciers et les nombreux participants pour leur participation à cette édition de la Journée des juristes LSJPA.

Rappel aux participants : les présentations Power Point et les attestations de présence suivront dans les prochaines semaines.

Demande d’absolution sous conditions en présence d’antécédents criminels de nature similaire

Dans LSJPA -2118, l’honorable Pierre Hamel, de la Cour du Québec, chambre de la jeunesse analyse la demande d’absolution sous conditions d’un adolescent ayant plaidé coupable à une infraction de contacts sexuels et présentant des antécédents criminels de nature similaire.

Au soutien de sa demande, l’adolescent invoque l’impact négatif d’une déclaration de culpabilité sur ses objectifs professionnels ou personnels futurs, ainsi que le préjudice lié à l’accès à son dossier sur une période prolongée.

Le tribunal ne retient pas ces arguments, indiquant qu’au même titre qu’une ordonnance de probation, l’absolution sous conditions constitue une sanction et entraîne des conséquences semblables et bénéficie de protections similaires. En effet, l’adolescent, dans le cadre de la vie civile, pourra affirmer n’avoir jamais été reconnu coupable d’une infraction criminelle dès que la peine aura été purgée.

Également, l’accès aux renseignements relatifs à la déclaration de culpabilité d’un adolescent n’est accessible que par un nombre limité de personnes assumant des responsabilités dans l’application de la LSJPA ou relativement à l’exécution des peines imposées, et ce, pour des périodes de temps limitées.

Dans la présente situation, la période d’accès au dossier de l’adolescent s’il se voit imposer une absolution sous conditions est de trois ans, à compter de la déclaration de culpabilité, alors qu’elle serait de cinq ans, à compter de l’exécution de la peine spécifique, s’il se voit imposer une peine comportant une probation.

Le tribunal est donc d’avis que les protections relatives à l’accès au dossier et les interdictions relatives à la publication sont suffisantes pour protéger l’adolescent des stigmates qui pourraient résulter d’une déclaration de culpabilité et de l’imposition d’une peine.

Le Tribunal réitère les objectifs visés par une absolution, notamment, que celle-ci devrait être accordée aux adolescents ne présentant pas de risque de récidive ou un risque très faible, qui ont peu ou pas d’antécédents judiciaires ou lorsqu’il y a lieu de préserver l’adolescent des impacts néfastes que peut constituer une déclaration de culpabilité en soulignant judiciairement le caractère positif de sa personnalité et le peu de risque qu’il constitue pour la société.

Le tribunal estime que de manière générale, une absolution sous conditions ne devrait pas être imposée à un adolescent qui présente des antécédents criminels, de surcroit, s’ils sont de nature similaire.

Dans la situation qui nous occupe, l’adolescent avait déjà été déclaré coupable de contacts sexuels, incitation à des contacts sexuels, leurre informatique et séquestration et s’était vu imposer une probation de 18 mois. Au surplus, le tribunal souligne que l’adolescent était encore assujetti à une probation au moment de la commission de l’infraction.

Le tribunal indique finalement qu’en l’espèce, la responsabilité de l’adolescent est importante et aucun élément relié à sa condition personnelle ni certain déficit ne vient la diminuer, et donc, ne retient pas le critère de la personnalité positive de l’adolescent et sa bonne moralité, d’autant plus qu’il s’agit d’un contexte de récidive.

Dans ce contexte, le tribunal en arrive à la conclusion que l’absolution sous conditions ne constitue pas une sanction indiquée et qu’une période de probation doit être imposée à l’adolescent;

Revue médiatique, été 2021

Juillet 2021

L’adolescent accusé du meurtre de Thomas Cameron, survenu au mois d’août 2019, a plaidé coupable au chef de meurtre au second degré. Au début des procédures, un avis d’assujettissement à une peine pour adulte avait été déposé. La suite des procédures est prévue le 18 novembre prochain.

Au Nouveau-Brunswick, un adolescent de 13 ans est accusé d’avoir braqué une arme à feu. L’arme en question était un pistolet à air comprimé.


Août 2021

À Ottawa, un homme de 18 ans est accusé du meurtre au premier degré de Mehdi El-Hajj Hassan, décédé le 16 janvier 2021, lors d’une fusillade. L’accusé était mineur lors des événements.

Septembre 2021

À Montréal, quatre adolescents sont accusés de menaces de mort et de complot en vue de commettre des voies de faits graves sur un élève. Deux d’entre eux ont comparu devant la chambre de la jeunesse le 4 septembre dernier et les deux autres adolescents ont comparu le 21 septembre et ont plaidé non coupables.

À Montréal, dans l’affaire du meurtre de Jimmy Méthot, retrouvé mort au début du mois de septembre, un adolescent est accusé de meurtre au premier degré et d’outrage à un cadavre. Une femme de 35 ans a aussi été accusée du meurtre au premier degré et d’outrage à un cadavre.

Aux États-Unis, un adolescent est accusé d’inconduite, de voies de fait et de perturbation dans un établissement public après s’en être pris à un élève portant le drapeau arc-en-ciel.

Aux États-Unis, deux adolescents sont accusés de conspiration en vue de commettre une fusillade de masse et devront se soumettre à une évaluation psychiatrique.

En Finlande, trois adolescents sont condamnés à des peines de huit à dix ans de prison pour avoir torturé et battu à mort un ancien camarade de classe.

PROJET SEXTO

Dans les dernières années, on constate une augmentation des cas signalés en lien avec le phénomène du sextage chez les adolescents. Cette situation est préoccupante vu les répercussions sur les adolescents, leur famille et le milieu scolaire. En effet, ces impacts peuvent se traduire par le décrochage scolaire, une perte d’estime de soi, la dépression, l’isolement et des idéations suicidaires.

Le sextage, chez l’adolescent, est le fait pour une personne de moins de 18 ans, de créer, posséder ou partager des photos ou des vidéos à caractère sexuel via les technologies de l’information et de la communication.

Un sexto est un message multimédia à caractère sexuel ou érotique.

CADRE JURIDIQUE
Au Canada, le sextage peut être considéré comme une forme de pornographie juvénile ou de publication, distribution, transmission, vente ou accessibilité d’une imagine intime et donc constituer une infraction criminelle.

Le Code criminel, à l’article 163.1 (1) définit ce que constitue de la pornographie juvénile et interdit les comportements suivants :

Production (163.1 (2) C.Cr.) (Imprimer, publier, avoir en sa possession en vue de publier)

Distribution (163.1 (3) C.Cr) (Transmettre, rendre accessible, distribuer, vendre, importer, exporter, en fait la publicité ou avoir en sa possession en vue de transmettre, rendre accessible, distribuer, vendre, exporter ou en faire la publicité)

Possession (163.1 (4)C.Cr)

Accès (163.1 (4.1)C.Cr)

Le Code criminel, à l’article 162.1 définit également l’expression « Image intime » et en interdit la publication, distribution, transmission, vente, accès ou publicité d’une image intime, sans le consentement de la personne ou sans qu’on se soit soucier de si elle y consentait.

Il importe également de mentionner que le sextage pourrait être constitutif d’autres types d’infraction, notamment le leurre informatique ou le fait de proférer des menaces.

PROJET SEXTO

Projet SEXTO est basé sur un partenariat entre les écoles, les services de police et le Directeur des poursuites criminelles et pénales. Ses objectifs sont, notamment, d’éduquer les élèves du primaire et du secondaire face à la problématique du sextage, de coordonner les actions entre les différents intervenants, d’assurer une prise en charge rapide de la situation et de préserver l’intégrité physique et psychologique de la victime et des autres jeunes impliqués. En effet, il importe d’intervenir rapidement afin de mieux supporter les jeunes impliqués et d’éviter la propagation des images. 

Plus concrètement, le projet sexto propose aux intervenants scolaire l’utilisation d’une trousse d’intervention qui contient les étapes de traitement d’un dossier, les grilles d’évaluation de l’incident, des sacs de confiscation de cellulaires, un document de référence légale et d’autres documents d’information. Cette trousse permet, entre autres, une meilleure uniformisation des interventions, un support pour tous, ainsi qu’une meilleure efficacité et rapidité des interventions.

Il est constaté que depuis la mise en place de la méthode d’intervention du Projet SEXTO, le délai de traitement moyen des dossiers a été réduit à environ 4 jours, alors qu’auparavant, le processus pouvait prendre plusieurs mois, même plus d’une année*.

Pour plus d’informations, nous vous invitons à visiter le site internet du projet en cliquant ici