L’infraction de conduite dangereuse constitue t elle une infraction avec violence donnant ouverture à une peine de garde?

Voilà la question à laquelle la Juge Nolin devait répondre dans le cadre d’une audition concernant la peine appropriée à infliger à une adolescente ayant plaidé coupable à cette infraction.

La déléguée jeunesse recommandait une peine de placement sous garde différée suivi d’une probation avec suivi de 9 mois et 75 heures de travaux communautaires.

Le Ministère public soumettait que l’infraction de conduite dangereuse est une infraction avec violence au sens de l’article 2c) de la LSJPA qui, en vertu de l’article 39a) de la Loi donne ouverture à une peine privative de liberté. Rappelons que l’article 2(1) c) (qui prévoit une des définitions d’une infraction avec violence) se lit : « infraction commise par un adolescent au cours de la perpétration de laquelle il met en danger la vie ou la sécurité d’une autre personne en créant une probabilité marquée qu’il en résulte des lésions corporelles ».

La défense, au contraire, plaidait que l’accusation de conduite dangereuse ne se qualifie pas comme infraction avec violence, et que le placement sous garde n’était donc pas une option envisageable.

Les faits reconnus étaient les suivants : le 21 juillet 2022, la jeune prend le volant d’une auto volée alors qu’elle ne détient pas de permis de conduire. Au moment où un policier lui intime de s’immobiliser, elle prend la fuite. Paniquée, elle roule à des vitesses oscillant entre 70 et 150 km/heure, conduit de façon erratique, brûle un feu rouge, emprunte des voies rapides, un sens unique à contre sens, elle heurte une auto-patrouille à l’arrêt, positionnée pour l’intercepter, manquant de justesse de frapper un policier.

La juge Nolin est d’avis que la conduite dangereuse ne se qualifie pas d’emblée d’infraction avec violence, mais que l’examen des circonstances propres à chaque cas permettra de déterminer si la conduite de l’accusé a créé une « probabilité marquée que des lésions corporelles en résultent ».

En l’espèce, la juge conclut qu’il s’agissait bel et bien d’une infraction avec violence puisque l’ensemble des circonstances reconnues par l’adolescente permettait de conclure qu’elle avait mis en danger la vie ou la sécurité non seulement d’une, mais de plusieurs autres personnes en créant, par sa conduite, une probabilité marquée, voir élevée, que des individus soient blessés.

La juge retient également de la preuve une certaine insouciance et une déresponsabilisation chez la jeune. Notant que « le levier que représente la mise sous garde est nécessaire pour provoquer la mobilisation de cette adolescente maintenant majeure », elle donne essentiellement droit aux recommandations du rapport de la délégué jeunesse.

La décision intégrale est à lire ici.

Publié le 16/01/2024, dans Actualités, Juridique, Jurisprudence, et marqué , , . Mettre ce permalien en signet. 2 commentaires.

  1. Marc-Antoine Barette

    Bonjour, nous avons discuté en équipe de cet article, sans toutefois avoir pris connaissance du jugement. Après lecture du jugement, j’aimerais savoir si j’arrive à la bonne conclusion!

    Dans le jugement, la juge Nolin précise :
    [63] Le différé offre en partie l’encadrement qui fait défaut dans son environnement familial. Le respect des conditions imposées est nécessaire pour éviter de perdre le privilège du différé et elles sont autant d’incitatifs à entamer la réflexion et les changements souhaités pour diminuer le risque de récidive et assurer la protection durable du public.

    Or, une MSG différée ne peut s’appliquer pour les adolescents ayant « causé ou tenté de causer des lésions corporelles graves, auquel cas l’adolescent ne pourrait être soumis à cette peine. »

    Dans la présente affaire, la juge a conclu que la conduite dangereuse, dans ce cas-ci en particulier, était une infraction AVEC violence de par les caractéristiques de l’infraction. Si le tribunal a ordonné néanmoins une MSG différée, est-ce parce que la couronne n’a pas démontré l’intention de l’adolescente de causer des lésions corporelles graves?

    Autrement dit, peut-on conclure qu’une infraction avec violence sans intention de causer des lésions corporelles est compatible avec une recommandation de MSG différée?

    • Me Jeanne Tugault

      Bonjour M. Barette, il faut effectivement lire la décision dans son intégralité (voir le lien dans l’article). J’en conclus comme vous au niveau du raisonnement de la juge. Quant à votre deuxième questionnement (conclusion), il s’agit d’une analyse qui doit être faite au cas par cas.

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