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Absence de privilège assurant la confidentialité des déclarations faites en public en milieu scolaire
Dans une décision récente en matière d’admissibilité de la preuve, la Cour du Québec s’est prononcée sur la recevabilité des déclarations faites par un adolescent au personnel scolaire, à la suite desquelles il a été accusé d’avoir proféré des menaces de mort.
L’accusé, âgé de 13 ans, fréquente une ressource affiliée à son école secondaire, soit local de répit où les élèves effectuent du travail scolaire. Après avoir été sorti de sa classe par son enseignante, l’accusé se rend au local de répit où l’attend une technicienne en éducation spécialisée (TES) et aurait alors prononcé des paroles menaçantes à l’égard de l’enseignante. Cette dernière a ensuite appris que l’adolescent avait prononcé ses paroles et porté plainte.
L’accusé demande à la Cour d’exclure la déclaration faite à la TES, car cette dernière aurait dû demeurer confidentielle. Les paroles prononcées en milieu scolaire seraient, selon l’adolescent, protégées par un privilège générique et ne devraient donc pas être utilisées à son procès. Afin d’établir l’existence d’un privilège non-générique, le Tribunal doit appliquer un test en quatre (4) étapes développé par la common law.
La Cour rejette l’argument de l’accusé en passant une à une les quatre (4) étapes du test :
1. Les communications doivent avoir été transmises confidentiellement avec l’assurance qu’elles ne seraient pas divulguées: la juge considère notamment que la déclaration a été faite dans un endroit public, soit le corridor et qu’il ne s’agit pas d’une conversation thérapeutique dans le cadre duquel l’adolescent se serait confié à un adulte.
2. Le caractère confidentiel doit être essentiel au maintien complet et satisfaisant des rapports entre les parties: après avoir analysé la nature de la ressource/local de répit, la juge conclut qu’il s’agit d’un milieu qui accompagne les élèves et que les objectifs de la ressource « peuvent se réaliser sans que toutes les relations entre l’adolescent et les adultes rencontrés soient de nature confidentielle ».
3. Les rapports doivent être de la nature de ceux qui, selon l’opinion de la collectivité, doivent être entretenus assidûment: la juge conclut que les déclarations ont été faites en milieu scolaire où il n’y a pas d’attente de confidentialité et que la TES n’est pas assujettie au secret professionnel. De plus, la juge soutient qu’il va de soi que les adultes gravitant autour d’un élève échangent de l’information à son sujet.
4. Le préjudice permanent que subiraient les rapports par les divulgations des communications doit être plus considérable que l’avantage à retirer d’une juste décision: la juge met alors en balance les différents éléments mentionnés, notamment le fait que l’adolescent ne fréquente plus la ressource, le caractère public de la déclaration, le contexte scolaire, le fait qu’il ne s’agisse pas d’une confidence et l’intérêt d’admettre la déclaration en preuve pour conclure que le critère n’est pas rencontré.
Attention: la situation aurait pu être différente si la déclaration avait été faite en privé à un professionnel (psychologue, par exemple) tenu au secret professionnel.
Personne en situation d’autorité au sens de l’article 146(2) LSJPA
Dans la décision LSJPA – 165, l’adolescent loge un appel à l’encontre d’une décision rendue en première instance le déclarant coupable de trafic de cannabis et de possession en vue d’en faire le trafic. Préalablement au verdict, la juge de première instance avait rejeté une requête de l’adolescent en exclusion de preuve en concluant que son directeur d’école n’était pas, lors de son intervention auprès du jeune, une personne en situation d’autorité au sens de la règle d’admissibilité d’une déclaration extrajudiciaire faite par un adolescent.
Après analyse du droit applicable et des faits particuliers de l’affaire, la Cour d’appel accueille l’appel de l’adolescent et substitue un verdict d’acquittement au verdict de culpabilité.
Voici un résumé des éléments retenus par la Cour.
Éléments de droit retenus
- Il est bien établi que seuls les policiers et les gardiens de prison peuvent être considérés, d’office, comme des personnes en situation d’autorité.
- La notion de « personne en situation d’autorité » est très subjective et repose sur la perception qu’a l’accusé de la personne à qui il fait la déclaration. Il faut se demander si, compte tenu de sa perception du pouvoir de son interlocuteur d’influencer la poursuite, l’accusé croyait qu’il subirait un préjudice s’il refusait de faire une déclaration ou qu’il bénéficierait d’un traitement favorable s’il parlait.
- Le critère comporte également un volet objectif : le caractère raisonnable de la croyance que l’interlocuteur est une personne en situation d’autorité.
- Le directeur d’école ne peut donc être considéré, dans tous les cas et peu importent les circonstances, comme une personne en autorité au sens de l’article 146 (2) LSJPA. Il revient à l’accusé de présenter une preuve pour que celui-ci puisse être ainsi qualifié. Il y a là une certaine obligation, mais le fardeau de l’accusé n’en est pas un de persuasion mais bien de présentation.
- Dans la très grande majorité des cas, l’accusé s’acquittera de ce fardeau de présentation en prouvant qu’il connaissait l’existence du lien entre la personne recevant la déclaration et la police ou les autorités chargées des poursuites.
Éléments factuels retenus
- Les Règles de vie de l’école sont communiquées aux étudiants et intégrées à leur agenda. Elles prévoient, entre autres choses, que l’étudiant « respecte les lois de la société », notamment en ce qui concerne les drogues, et identifient des conséquences négatives possibles en cas de non-respect des Règles de vie telle la référence policière.
- L’adolescent croyait que le maître-chien engagé par l’école et en fonction le jour de son arrestation était un policier.
- Le directeur de l’école entretient des relations étroites avec le maître-chien.
- L’adolescent constate cette étroite relation lorsque le directeur entreprend de l’interroger.
- L’adolescent ne peut savoir si le directeur intervient auprès de lui strictement à des fins de sanction disciplinaire au plan scolaire ou si les mesures prises par celui-ci iront jusqu’à la référence policière, expressément prévue aux Règles de vie de l’école.
- L’adolescent est appelé à suivre le directeur à son bureau et à répondre à ses questions. Il n’a pas le choix de le suivre.
- À partir du moment où le directeur avait l’intention de demander l’intervention des autorités policières, il devait être considéré comme une personne en autorité.
- En l’espèce, sitôt les échanges terminés dans son bureau, le directeur fait appel aux policiers.