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Peine maximale pour un adolescent en matière de terrorisme
Dans R. v. M.S., l’adolescent doit recevoir sa peine suite à des plaidoyers de culpabilité en matière de terrorisme et de substance explosive. Au moment des faits, l’adolescent est âgé d’à peine moins de 16 ans. Il est âgé de 19 ans au moment de recevoir sa peine, après avoir passé la majeure partie des trois dernières années en détention.
L’adolescent reconnaît avoir créé et diffusé sur Internet une présentation PowerPoint dans laquelle il explique comment fabriquer une bombe à l’aide d’un autocuiseur. Contacté par un policier du FBI qui se faisait passer pour un loup solitaire djihadiste, l’adolescent lui a envoyé des instructions afin de fabriquer une bombe et de la placer dans un lieu public, dans l’objectif de tuer des infidèles et promouvoir l’avancement de la cause de l’État islamique. Lors de l’arrestation de l’adolescent, du matériel de fabrication de bombe a été retrouvé dans sa chambre.
L’adolescent a admis que son intention était de commettre un acte terroriste puisqu’il croyait que les Nations Unies, dont le Canada, étaient responsables des atrocités qu’il avait vues et vécues en Syrie.
La juge Elaine Deluzio de la Cour de justice de l’Ontario doit imposer à l’adolescent sa peine. L’enjeu principal en lien avec la détermination de la peine résidait dans le fait que le ministère public avait avisé de son intention de demander l’assujettissement de l’adolescent à une peine pour adultes. Le ministère public avait toutefois informé la juge de son intention de revoir sa position sur cette question une fois l’ensemble de la preuve quant à la détermination de la peine serait entendue.
Finalement, les parties ont soumis à la juge Deluzio une suggestion commune à l’effet d’imposer à l’adolescent la peine spécifique maximale prévue à l’alinéa 42(2)n) LSJPA, soit 3 ans de placement sous garde et surveillance, sans accorder de crédit pour la détention provisoire.
Au stade de la détermination de la peine, la preuve soutenait que l’adolescent avait effectué d’importants progrès dans différentes sphères. Une amélioration comportementale notable en détention était observée. L’adolescent avait cheminé positivement dans sa scolarisation. L’adolescent avait dû faire face pendant la pandémie de COVID-19 à un diagnostic d’une forme agressive de sclérose en plaques. Le plaidoyer de culpabilité de l’adolescent était perçu favorablement par la juge en regard à la réadaptation de celui-ci. Les différents rapports préparés pour le tribunal faisaient état d’un adolescent activement impliqué dans les différents programmes s’adressant aux causes sous-jacentes à son passage à l’acte.
Pour ces raisons, la juge Deluzio entérine la suggestion commune des parties et impose à l’adolescent une peine de placement et surveillance d’une durée de 3 ans en vertu de l’article 42(2)n) LSJPA. Les 2 premières années devront être purgées sous garde et la dernière année sous surveillance dans la collectivité.
Appel de l’adolescent déclaré coupable de terrorisme
Dans LSJPA – 1840, l’adolescent porte en appel ses déclarations de culpabilité reliées au terrorisme, soit d’avoir commis un vol qualifié au profit, sous la direction ou en association avec un groupe terroriste et d’avoir tenté de quitter le Canada pour participer à une activité d’un groupe terroriste. L’affaire avait été médiatisée en première instance.
L’appelant soulève trois moyens en appel. Nous traiterons de deux d’entre eux, soit le moyen concernant (1) l’admissibilité des deux déclarations faites aux policiers et (2) le caractère déraisonnable du verdict quant au premier chef d’accusation en lien notamment avec l’expression « en association avec » un groupe terroriste contenue à l’article 83.2 C.cr.
Quant au premier moyen, l’appelant reproche aux policiers de ne pas avoir respecté sa volonté de quitter la salle d’interrogatoire alors qu’il n’avait, dit-il, aucune obligation légale de collaborer à l’enquête. Selon lui, la LSJPA offre aux adolescents des garanties procédurales supplémentaires en matière d’admissibilité des déclarations. De plus, il reproche aux policiers leur attitude, leur insistance et les promesses qui lui ont été faites. Sur cette question, la Cour d’appel rappelle qu’elle ne peut intervenir qu’en présence d’une erreur manifeste et déterminante dans l’appréciation de la preuve par le juge du procès.
Pour la première déclaration, la Cour d’appel mentionne ce qui suit :
[51] L’appelant ne pouvait pas se soustraire à l’interrogatoire de l’agent de la GRC pour les motifs qu’il invoque. Ce dernier pouvait l’interroger pour des délits autres que celui pour lequel il avait été arrêté. L’arrestation d’un prévenu pour une infraction donnée n’empêche pas un policier de l’interroger relativement à d’autres infractions pour lesquelles il enquête. L’appelant était alors en état d’arrestation relativement à un vol qualifié. Les policiers le détenaient donc légalement. En conséquence, il ne pouvait décider de quitter la salle d’interrogatoire de son propre chef ni exiger de retourner dans sa cellule.
Pour ce qui est de la seconde déclaration de l’appelant, la Cour d’appel mentionne ce qui suit en lien avec l’argument de l’appelant voulant que sa volonté ait été subjuguée par les promesses des policiers :
[58] Dans le contexte de la justice pénale pour les adolescents, la notion de promesse doit être évaluée avec souplesse pour protéger la vulnérabilité de l’adolescent. Ici, il ne fait aucun doute que l’appelant voulait garder le silence. On l’a encouragé à répondre aux questions, lui laissant faussement croire qu’on veut l’aider et que cela est avantageux pour lui. Un interrogatoire peut être insistant, poussé, voire serré, mais il ne doit pas être abusif au point de miner le caractère volontaire de la déclaration.
La Cour conclut donc que la déclaration doit être écartée, mais que son exclusion ne vicie toutefois pas les verdicts de culpabilité, car elle ne contient aucun élément de preuve déterminant qui ne soit pas déjà dans le dossier.
Finalement, en lien avec le caractère déraisonnable du verdict, la Cour d’appel se penche sur la formulation de l’article 467.12 C.cr., qui se rattache à la criminalité organisée, pour tracer un parallèle avec l’infraction liée au terrorisme dont l’appelant a été reconnu coupable. Elle mentionne ce qui suit :
[81] L’appelant observe et respecte les préceptes de l’ÉI, ceux qui apparaissent sur son communiqué du 21 septembre 2014. Il s’approprie illégalement les biens d’autrui, et ce, en faisant usage de violence. Il ne commet pas un vol qualifié comme n’importe quel autre, mais un vol qualifié en association avec l’ÉI dont il connaît la nature des activités. Il adhère à cette philosophie et la met en pratique. Comme il l’affirme dans sa déclaration du 17 octobre 2014, « les biens des mécréants sont un butin de guerre ».
La Cour d’appel du Québec, à l’unanimité et pour les motifs de la juge Thibault, rejette l’appel.
Idéologie associée au djihad, dénonciation et dissuasion en matière de détermination de la peine
Dans la décision LSJPA – 1578, l’adolescent doit recevoir une peine en lien avec des infractions de vol qualifié et de tentative d’évasion pour lesquelles il a plaidé coupable.
Au moment de la détermination de sa peine, l’adolescent fait également face à des accusations liées au terrorisme, plus particulièrement d’infraction au profit d’un groupe terroriste et tentative de quitter le Canada pour participer à une activité terroriste. Le procès concernant ces accusations est toujours en cours et l’adolescent est détenu avant le prononcé de la peine dans ces dossiers depuis près d’un an.
L’Honorable Pierre Hamel mentionne ce qui suit dans son jugement :
[30] Il est établi que l’adolescent a adhéré à une idéologie associée au djihad. C’est son désir d’aller combattre en Syrie auprès du groupe « état islamiste » qui a incité l’adolescent à commettre les délits pour lesquels il purge actuellement une peine de garde et surveillance. Son père qualifie de fascination son intérêt pour les idées extrémistes.
[31] Au moment de la commission des délits pour lesquels le Tribunal doit actuellement imposer une peine à l’adolescent, celui-ci est encore imprégné de cette idéologie. Ainsi, l’état d’esprit dans lequel se trouvait l’adolescent et qui l’a incité à commettre est un facteur important que le Tribunal doit considérer.
[44] […] La criminalité de l’adolescent s’est plutôt structurée sur la base d’une idéologie radicale et dont les actions visaient ultimement à lui permettre d’aller combattre en Syrie auprès du groupe « état islamique ». Les gestes qu’il a posé (sic) trouvent toute leur justification dans une idéologie qui l’a séduite et à laquelle il a adhéré. C’est par conviction qu’il a posé les gestes qui l’ont amené initialement devant la Cour. Ses convictions étaient si profondes qu’elles l‘ont conduit à commettre des infractions pour lesquelles, il a été reconnu coupable et pour lesquelles, il purge une peine.
[45] Aussi, considérant la preuve, le Tribunal ne peut conclure que l’adolescent a définitivement abandonné ses idées radicales et qu’il est possible d’envisager à court terme sa réinsertion sociale.
[47] Tout délit fondé sur une idéologie qui prône la violence ou la haine que ce soit pour des raisons sexistes, racistes, homophobes ou religieuses, se doit d’être dénoncé.
[48] À cet effet, la LSJPA prévoit, à l’alinéa 38 (2) f), que la peine peut viser à dénoncer un comportement illicite et à dissuader l’adolescent de récidiver.
[49] Le Tribunal est d’avis qu’en matière de justice pénale des adolescents, très peu de situations commandent que soient dénoncés leurs comportements délictueux, spécialement lorsque ceux-ci sont le résultat de déficits personnels ou de trouble de la conduite. Toutefois, le présent cas est certainement une illustration éloquente où la dénonciation s’avère opportune. Aussi, la peine imposée à l’adolescent doit avoir pour objectif de le dissuader à poursuivre dans une telle voie et cela doit se traduire dans la peine qui lui est imposée.
Le Tribunal impose donc à l’adolescent une peine de garde et surveillance de 120 jours, consécutive à toute autre peine, en milieu fermé. De plus, l’adolescent devra purger une probation avec suivi pour une période de 18 mois.