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Possession de fentanyl aux fins de trafic : une infraction avec violence?
Dans R. v. T.P., la juge Crockett de la Cour provinciale de Colombie-Britannique doit déterminer si l’infraction de possession en vue de trafic de fentanyl constitue une infraction avec violence au sens de l’article 39(1)a) LSJPA.
La poursuite argumente qu’il s’agit d’une « infraction commise par un adolescent au cours de la perpétration de laquelle il met en danger la vie ou la sécurité d’une autre personne en créant une probabilité marquée qu’il en résulte des lésions corporelles » (conformément à la définition prévue à l’article 2 LSJPA « d’infraction avec violence »). La poursuite s’appuie sur une preuve d’expert présentée lors du procès concernant les dangers du fentanyl. La Cour d’appel de la Colombie-Britannique a d’ailleurs reconnu les dangers que représente une telle substance (R. v. Mann et R. v. Smith). Il ressort clairement de la preuve que le fentanyl pose un risque de mort pour les usagers.
L’analyse de la juge se concentre sur la « probabilité marquée qu’il en résulte des lésions corporelles ». Pour la juge, cette expression signifie que l’adolescent doit avoir créé un haut degré de probabilité qu’il résulte de l’infraction des lésions corporelles. Toutefois, la juge souligne que le risque que représente le fentanyl ne signifie pas pour autant que la possession en vue de trafic de fentanyl par l’accusé ait causé un haut degré de probabilité de lésions corporelles pour un futur acheteur ou utilisateur. Ce ne sont pas tous les utilisateurs de fentanyl qui subiront des lésions corporelles suite à l’utilisation de cette substance.
La juge Crockett conclut qu’il ne s’agit pas d’une infraction avec violence. Elle se base notamment sur la lettre d’opinion d’un médecin déposée en preuve, indiquant que les risques de mort ou de lésions corporelles causés par le fentanyl, bien qu’il s’agisse clairement d’un risque à la sécurité du public, sont encore imprévisibles. C’est cette imprévisibilité quant au risque qui ne permet pas à la juge de déterminer à quel point il est probable qu’un usager de fentanyl subisse des lésions corporelles. L’imprévisibilité quant au risque ne résiste pas au test de l’article 39(1)a) quant à l’infraction avec violence.
Placement sous garde pour un cas exceptionnel
Dans la décision R. v. B.S., l’adolescent doit recevoir une peine pour, notamment, des infractions de possession en vue d’en faire le trafic de cocaïne et de cannabis. La Gendarmerie royale du Canada avait saisi 192.1 grammes de cocaïne, d’une valeur d’environ 35 000$ ainsi que 982,4 grammes de cannabis, d’une valeur variant de 7 560$ à 19 648$, dépendamment de la façon dont le cannabis serait vendu. Plusieurs milliers de dollars en argent ont également été saisis sur les lieux.
Dans son analyse, la juge Schmaltz du tribunal pour adolescents des Territoires du Nord-Ouest évalue que l’adolescent de seize ans au moment de l’infraction se qualifie à une peine de placement sous garde en vertu de l’article 39(1)d) LSJPA, puisqu’il s’agit d’un cas exceptionnel. La juge mentionne notamment que :
- L’adolescent était un fournisseur de niveau intermédiaire, qui se charge de fournir des stupéfiants aux trafiquants de rue,
- La quantité de stupéfiants saisis constitue un facteur aggravant,
- Il s’agit d’une opération commerciale de cocaïne et de cannabis, et non du cas d’un trafiquant de rue,
- L’adolescent était impliqué dans le commerce de la traite et de la distribution de cocaïne et de cannabis et que d’autres travaillaient pour lui.
La juge arrive à la conclusion que l’imposition d’une peine ne comportant pas de placement sous garde ne reflèterait pas le sérieux des infractions et de leurs circonstances aggravantes et serait incompatible avec l’objet et les principes de la détermination de la peine énoncés dans la LSJPA.
Après avoir souligné la gravité objective de l’infraction de trafic ou de possession en vue d’en faire le trafic de cocaïne et le fléau que représentent ces infractions sur la société, la juge passe en revue les principes de détermination de la peine sous la LSJPA. Fait intéressant à mentionner, et bien que la juge n’élabore pas sur la question, celle-ci mentionne que la peine qu’elle imposera à l’adolescent « should discourage B.S. from pursuing this lifestyle. » On pourrait se questionner à savoir si la juge a appliqué le principe de dissuasion prévu à 38(2)(f)(ii) LSJPA.
Après avoir fait une revue de certaines décisions en similaire matière, la juge mentionne :
« Taking into account that rehabilitation has to be a primary consideration in sentencing a young person, that this is the first time B.S. has been found guilty of an offence, and his circumstances as set out in the Pre-Sentence Report, along with the fact that B.S. has been in custody now for close to one month, and balancing that with the seriousness of the offences which he has been found guilty of, along with the aggravating aspects of the circumstances, I find that a custodial sentence would be appropriate. »
La juge arrive finalement à la conclusion qu’une ordonnance de placement et surveillance de six mois dont l’application est différée respecterait les objectifs de détermination de la peine. La juge impose également une probation de douze mois.