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Recevoir une peine quand son coaccusé est référé aux sanctions extrajudiciaires
Dans LSJPA – 182 et LSJPA – 183, deux adolescents présentent des requêtes « pour permission d’appeler et avis d’appel et requête pour retrait de plaidoyer de culpabilité ». Il s’agit d’une situation où trois adolescents font face à des accusations d’introductions par effraction dans une maison d’habitation et commission d’un acte criminel et de méfaits.
Après avoir initialement été référés au programme de sanctions extrajudiciaires, un constat d’échec est posé et les dossiers retournés à la cour pour judiciarisation. Le troisième adolescent, coaccusé, subit le même sort. Bien que l’avocate des deux premiers adolescents demande que ses clients soient à nouveau acceptés au programme des sanctions extrajudiciaires, mais exécutent une mesure différente, le Directeur provincial oppose un refus lorsque consulté par le ministère public. Les deux adolescents enregistrent finalement des plaidoyers de culpabilité et reçoivent une peine spécifique identique de probation et de travaux bénévoles au profit de la collectivité. Peu de temps après, l’avocate des adolescents apprend que le dossier du troisième accusé a été envoyé de nouveau au programme des sanctions extrajudiciaires.
Les adolescents cherchent à porter en appel la décision sur la peine et invoquent comme motifs le non-respect du principe d’équité procédurale prévu à la LSJPA et à la Charte canadienne, que leurs plaidoyers de culpabilités n’ont pas été enregistrés en toute connaissance de cause, que leurs plaidoyers sont viciés et entachés d’une erreur judiciaire et qu’il en résulte une injustice à leur égard.
La Cour d’appel du Québec mentionne ce qui suit avant de rejeter les requêtes des adolescents :
[10] Il ressort de l’ensemble des modalités du programme que le DPJ bénéficie d’une très grande discrétion lorsqu’il prend ces décisions. Cette discrétion n’est limitée que par son obligation de tenir compte des principes énoncés au préambule du programme.
[11] En l’espèce, certaines des infractions commises par l’appelant ne sont pas visées par le chapitre IV du programme et, ainsi, le DPCP n’avait pas l’obligation de saisir le DPJ. Il a toutefois choisi de le faire et celui-ci a exercé sa discrétion de façon à permettre à l’appelant de bénéficier du programme.
[12] Une fois le constat d’échec posé, ni le DPCP ni le DPJ n’avait l’obligation d’offrir une seconde opportunité à l’appelant. La décision du DPJ de refuser la demande de l’avocate de l’appelant était discrétionnaire et fonction de son appréciation de la situation de l’appelant.
[13] Le fait qu’il ait pris une décision différente dans le cas d’un des autres accusés ne signifie aucunement qu’il a mal exercé sa discrétion dans le cas de l’appelant. Il n’avait d’ailleurs pas à l’informer de ce fait.
[14] Dans ces circonstances, rien ne justifie d’accorder la permission d’appeler recherchée par l’appelant et rien ne justifie de lui permettre de retirer son plaidoyer de culpabilité.
Rejet de l’accusation dans un cas de sanctions extrajudiciaires non complétées
Dans la situation de X, l’adolescent est accusé de voies de fait contre sa mère. Il est dirigé une première fois au programme des sanctions extrajudiciaires. Il est alors convenu qu’il devra accomplir 15 heures de travaux communautaires. Somme toute, l’adolescent accomplit 5 heures de travaux et se mobilise peu. Un rapport d’échec est alors émis par la déléguée jeunesse.
Les parties conviennent de diriger l’adolescent à nouveau au programme de sanctions extrajudiciaires. Une deuxième décision intervient alors aux mêmes termes que la précédente, soit l’exécution de 15 heures de travaux communautaires. Pendant cette deuxième période de sanctions, l’adolescent exécute 7 heures de travaux bénévoles. Diverses difficultés surgissent de nouveau, retardant l’exécution des sanctions. La juge Béatrice Clément retient de la preuve que l’adolescent et les organismes partagent la responsabilité de cette situation.
Ultimement, l’adolescent n’accomplit pas les 15 heures prévues dans le temps imparti et la déléguée refuse une prolongation, rejette sa proposition de faire un paiement en argent pour compenser ses heures manquantes et constate l’échec des sanctions.
Le ministère public demande la poursuite des procédures judiciaires, alléguant que l’adolescent a effectué 7 heures de travaux communautaires. La défense, de son côté, demande le rejet de l’accusation en vertu de l’article 10(5) de la LSJPA, alléguant que celui-ci a plutôt complété 12 heures de travaux.
La juge Clément prend soin de rappeler que l’évaluation que le tribunal doit faire se circonscrit dans l’article 10(5) de la LSJPA, qui se lit comme suit :
(5) […] lorsqu’il est convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que l’adolescent s’y est conformé seulement en partie, il peut les rejeter s’il estime par ailleurs que les poursuites sont injustes eu égard aux circonstances et compte tenu du comportement de l’adolescent dans l’exécution de la sanction.
La juge Béatrice Clément mentionne les éléments suivants à son jugement avant de rejeter l’accusation en vertu de 10(5) :
[33] […] le Tribunal détermine que la décision d’écarter [ces cinq premières heures de travaux bénévoles] représente l’’exercice d’une discrétion administrative incompatible avec les objectifs de la loi.
[35] […] le Tribunal considère que la signature d’une nouvelle entente n’est pas de nature à restreindre une évaluation globale des circonstances de l’application du programme de sanctions extrajudiciaires en vertu de l’article 10(5) de la loi.
[41] En sus de ses heures de travaux bénévoles, l’adolescent, ainsi que les membres de sa famille qui l’accompagne, se mobilisent à répétition pour des rencontres avec la déléguée provinciale (3 reprises) ainsi qu’avec les diverses ressources communautaires offrant des travaux. Pendant ces rencontres, l’adolescent se voit confronter à son geste délinquant, collabore positivement et se responsabilise.
[42] […] il doit assumer une partie de la responsabilité de l’échec, mais d’autres circonstances hors de son contrôle y contribuent également (déménagement de sa famille, transmission tardive du dossier, rendez-vous manqués, maladie, manque de transport).
[45] Le refus de considérer ou même d’explorer d’autres sanctions s’avère d’une rigidité ne concordant ni à la réalité de la situation délictuelle de l’adolescent ou de la mère, laquelle assume le rôle de parent et de victime.
[47] Pour toutes ces raisons, le Tribunal détermine que la poursuite du processus judiciaire est injuste eu égard aux circonstances en tenant compte que l’adolescent se responsabilise suffisamment pour atteindre les buts de la loi.