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Assistance inefficace par l’avocat de l’adolescent
La Cour d’appel de l’Ontario a récemment dû se pencher sur la question d’un adolescent ayant été trouvé non-criminellement responsable par le juge du procès.
Dans R. vs. J.F., l’adolescent a plaidé coupable à trois chefs de menace, un chef d’incendie criminelle, un chef d’omission de se conformer à un engagement et un chef de possession d’arme dans un dessein dangereux. Lorsque l’adolescent a été trouvé coupable, le tribunal a alors rendu une ordonnance en vertu de l’article 672.11 du Code criminel afin de vérifier si l’adolescent était criminellement responsable vu ses troubles mentaux.
La Cour d’appel de l’Ontario a accueilli cet appel et ordonné un nouveau procès, le tout en lien avec l’assistance inefficace que l’adolescent avait reçue de la part de son avocat. L’adolescent a ainsi été en mesure de démontrer que la représentation reçue de la part de son avocat ne correspondait pas aux standards d’une représentation professionnelle raisonnable et que cette représentation a mené à une erreur judiciaire, pour les motifs suivants :
- L’adolescent ne souhaitait pas que son état mental lié à son syndrome d’Asperger fasse l’objet de discussions à la cour et l’a mentionné directement à son avocat.
- L’avocat a demandé que l’adolescent fasse l’objet d’une évaluation psychiatrique en vertu de l’article 34 de la LSJPA afin d’éviter à ses parents les coûts importants d’une telle évaluation. Cependant, cette décision a fait en sorte que la poursuite obtienne un accès au contenu de l’évaluation.
- L’adolescent souhaitait faire valoir un moyen de défense en lien avec le chef d’incendie criminelle, soit le chef le plus sérieux dont il était accusé.
- Le plaidoyer de culpabilité de l’adolescent n’a pas été offert d’une manière libre et informée.
- L’avocat ne s’est pas opposé au verdict de non-responsabilité criminelle, alors que l’adolescent l’aurait souhaité.
- L’adolescent et ses parents ne comprenaient pas les conséquences d’un verdict de non-responsabilité criminelle dont notamment son effet sur la liberté de l’adolescent.
Ainsi, sans remettre en cause la bonne foi de l’avocat, le tribunal a considéré que l’avocat s’était dans les faits placé dans une position de parent ou de travailleur social face à l’adolescent ce qui a fait en sorte que l’adolescent a été privé d’une défense juridique efficace.
Appel d’un plaidoyer de culpabilité sous la LSJPA
Dans R. v. T.L., l’accusé loge un appel à la Cour d’appel de la Saskatchewan à l’encontre de sa déclaration de culpabilité et sa peine. Il est important de mentionner que l’adolescent, âgé de 14 ans au moment de l’infraction, avait plaidé coupable à une accusation d’introduction par effraction dans une maison d’habitation et y avoir commis un acte criminel, soit un incendie criminel et avait reçu une peine de probation de 12 mois suite à une suggestion commune.
La juge Ryan-Froslie rédige les motifs unanimes pour la Cour d’appel de la Saskatchewan. Après analyse, elle accueille l’appel, renverse le plaidoyer de culpabilité et ordonne un nouveau procès.
Dans son analyse, la Cour d’appel de la Saskatchewan rappelle que c’est l’article 606(1.1) du Code criminel qui détermine les conditions pour que le tribunal accepte un plaidoyer de culpabilité. La Cour fait également référence à l’arrêt de principe de la Cour suprême du Canada en la matière : R. c. Adgey [1975] 2 R.C.S. 426. L’état du droit en matière de plaidoyers de culpabilité requiert que ceux-ci, pour être valides, doivent être volontaires, non équivoques et informés.
Bien que l’article 606 du Code criminel s’applique également aux adolescents sous la LSJPA en vertu de l’article 140 LSJPA, la Cour d’appel de la Saskatchewan rappelle que les adolescents bénéficient de garanties procédurales supplémentaires et souligne que l’on retrouve une de celles-ci à l’article 36 LSJPA.
L’article 36 LSJPA impose au tribunal l’obligation de s’assurer que les faits lus par la poursuite au moment du plaidoyer de culpabilité justifient l’infraction reprochée. Si les faits ne révèlent pas tous les éléments matériels de l’infraction, le juge a l’obligation d’inscrire un plaidoyer de non culpabilité et le procès doit suivre son cours. Il s’agit d’une obligation que l’on ne retrouve pas pour des poursuites contre des adultes, bien que le tribunal ait la discrétion de faire une telle vérification. Il est donc essentiel pour le tribunal pour adolescents de s’acquitter de son obligation prévue à l’article 36 LSJPA avant de déclarer l’adolescent coupable de l’infraction reprochée et de procéder à l’imposition d’une peine.
La Cour d’appel de la Saskatchewan note 3 erreurs justifiant d’accueillir l’appel et de renverser le plaidoyer de culpabilité :
- L’appelant et ses parents ne comprenaient pas les procédures dans lesquelles ils étaient impliqués au moment du plaidoyer de culpabilité et de la suggestion commune.
- Il n’apparaît pas que le juge de première instance a considéré et appliqué l’article 36 LSJPA, particulièrement en lien avec les faits de l’infraction et la participation de l’appelant à celle-ci.
- Les faits contenus à la transcription de l’audition en première instance ne justifiaient pas l’infraction reprochée, particulièrement en lien avec la mens rea requise dans le cas en espèce (culpabilité par le biais de la participation à une infractions sous 21(1)b) C.cr.)
Validité du plaidoyer de culpabilité
Dans les décisions LSJPA-1315, 2013 QCCA 1036 et LSJPA-1316, 2013 QCCA 1037 (CanLII) , la Cour était saisie d’un appel déposé par des adolescents afin d’être autorisés à retirer leur plaidoyer de culpabilité à une accusation de vol qualifié au motif que celui-ci était vicié en ce qu’il résulterait de pressions indues exercées par leur avocat en première instance.
Concernant la recevabilité de la nouvelle preuve, la Cour mentionne notamment au paragraphe 21 :
» En somme, dans ces circonstances, la nouvelle preuve est suffisamment fiable et son impact sur les questions à débattre est suffisamment important pour la déclarer recevable en preuve. D’un autre côté, la déclaration de l’avocat, dont la description des évènements est passablement moins détaillée, ne suffit pas à les écarter ».
Par ailleurs, sur la question de la validité du plaidoyer de culpabilité, la Cour mentionne notamment au paragraphe 26 :
« Sans affirmer que tous les reproches faits à l’endroit de l’avocat sont démontrés, la preuve prépondérante établit l’existence de pressions indues qui ont irrémédiablement vicié les plaidoyers de culpabilité des deux appelants. En d’autres mots, selon la nouvelle preuve, ils ne sont pas le « résultat d’une décision issue d’une volonté consciente chez l’accusé, de plaider coupable pour des raisons qu’il juge appropriées »[…]. Il n’est pas question ici de se prononcer de manière définitive sur l’existence de fautes professionnelles, mais plutôt de décider s’il y une preuve prépondérante que le plaidoyer de culpabilité n’était pas volontaire ».