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Déclaration incriminante faite à un éducateur lors de la détention préventive
Dans R. v. L.M., le ministère public tente de faire admettre en preuve une déclaration incriminante de l’adolescent, faite à un éducateur du lieu de détention préventive où il est maintenu en attendant son procès pour meurtre. Les parties conviennent que l’éducateur était une personne en situation d’autorité au sens de la LSJPA.
Les faits peuvent être résumés ainsi. Suite à une discorde pendant une partie de ping pong entre L.M. et d’autres adolescents de l’unité, L.M. se retire dans sa chambre, en colère, frustré et émotif. Allant faire un retour sur la situation avec L.M., l’éducateur engendre une discussion sur l’événement de la partie de ping pong avec l’objectif de comprendre ce qui s’est passé. C’est dans le cadre de cette discussion que L.M. effectue une déclaration incriminante.
La protection prévue à l’article 146 LSJPA est en jeu dans la décision que doit prendre la juge Schwann de la Cour du banc de la reine de Saskatchewan. Le ministère public argumente que la déclaration doit être admise puisque les conditions de l’article 146(2) LSJPA ne sont pas rencontrées (déclaration faite lors de l’arrestation ou la détention). Subsidiairement, le ministère public argumente que la déclaration était spontanée et donc que l’exception de l’article 146(3) LSJPA doit s’appliquer.
La défense argumente de son côté que la détention préventive à elle seule justifie l’ouverture de l’article 146(2) LSJPA et donc que les protections prévues devaient être fournies à L.M. Elle argumente également qu’il existe un doute raisonnable quant à la spontanéité de la déclaration, puisque l’éducateur ne pouvait se rappeler exactement de l’ensemble de la discussion qu’il avait eue avec L.M. D’ailleurs, s’appuyant sur une revue de jurisprudence, la défense soutient que l’exception pour les déclarations spontanées ne s’applique pas lorsqu’une discussion précède la déclaration.
Quant à la question en litige concernant l’ouverture des protections prévues à l’article 146(2) LSJPA lors de la détention préventive, la juge se penche sur l’interprétation de ce terme dans la disposition législative. Elle arrive à la conclusion que le terme « détention » de l’article 146(2) doit recevoir la même interprétation que dans les cas reliés aux articles 9 et 10 de la Charte canadienne. Pour la juge, l’utilisation du mot « ou » à l’article 146(2) LSJPA démontre une intention du législateur d’envisager un contexte plus large que l’unique arrestation et détention subséquente d’un individu. Compte tenu de ce qui précède, la juge conclut qu’il est difficile de ne pas envisager une situation de détention préventive comme une des situations visées à l’article 146(2) LSJPA.
Quant à la question en litige concernant la spontanéité de la déclaration, la juge rappelle que l’exception de 146(3) LSJPA prévoit que les protections supplémentaires de l’article 146(2) LSJPA ne s’appliquent pas lorsque la déclaration est spontanée, et qu’il suffit de démontrer que la déclaration était volontaire. Analysant le sens du mot « spontané », la juge constate qu’il ne doit y avoir aucun stimulus externe ou contrainte précédant la déclaration.
Compte tenu que dans son témoignage, l’éducateur était incapable de se rappeler du plein contexte de ce qu’il avait dit à L.M. en reprenant la situation de la partie de ping pong, la juge considère qu’il existe un doute raisonnable quant à la spontanéité de la déclaration et que ce doute doit être interprété en faveur de L.M. La juge statue donc que la déclaration est inadmissible en preuve.
Appel d’un plaidoyer de culpabilité sous la LSJPA
Dans R. v. T.L., l’accusé loge un appel à la Cour d’appel de la Saskatchewan à l’encontre de sa déclaration de culpabilité et sa peine. Il est important de mentionner que l’adolescent, âgé de 14 ans au moment de l’infraction, avait plaidé coupable à une accusation d’introduction par effraction dans une maison d’habitation et y avoir commis un acte criminel, soit un incendie criminel et avait reçu une peine de probation de 12 mois suite à une suggestion commune.
La juge Ryan-Froslie rédige les motifs unanimes pour la Cour d’appel de la Saskatchewan. Après analyse, elle accueille l’appel, renverse le plaidoyer de culpabilité et ordonne un nouveau procès.
Dans son analyse, la Cour d’appel de la Saskatchewan rappelle que c’est l’article 606(1.1) du Code criminel qui détermine les conditions pour que le tribunal accepte un plaidoyer de culpabilité. La Cour fait également référence à l’arrêt de principe de la Cour suprême du Canada en la matière : R. c. Adgey [1975] 2 R.C.S. 426. L’état du droit en matière de plaidoyers de culpabilité requiert que ceux-ci, pour être valides, doivent être volontaires, non équivoques et informés.
Bien que l’article 606 du Code criminel s’applique également aux adolescents sous la LSJPA en vertu de l’article 140 LSJPA, la Cour d’appel de la Saskatchewan rappelle que les adolescents bénéficient de garanties procédurales supplémentaires et souligne que l’on retrouve une de celles-ci à l’article 36 LSJPA.
L’article 36 LSJPA impose au tribunal l’obligation de s’assurer que les faits lus par la poursuite au moment du plaidoyer de culpabilité justifient l’infraction reprochée. Si les faits ne révèlent pas tous les éléments matériels de l’infraction, le juge a l’obligation d’inscrire un plaidoyer de non culpabilité et le procès doit suivre son cours. Il s’agit d’une obligation que l’on ne retrouve pas pour des poursuites contre des adultes, bien que le tribunal ait la discrétion de faire une telle vérification. Il est donc essentiel pour le tribunal pour adolescents de s’acquitter de son obligation prévue à l’article 36 LSJPA avant de déclarer l’adolescent coupable de l’infraction reprochée et de procéder à l’imposition d’une peine.
La Cour d’appel de la Saskatchewan note 3 erreurs justifiant d’accueillir l’appel et de renverser le plaidoyer de culpabilité :
- L’appelant et ses parents ne comprenaient pas les procédures dans lesquelles ils étaient impliqués au moment du plaidoyer de culpabilité et de la suggestion commune.
- Il n’apparaît pas que le juge de première instance a considéré et appliqué l’article 36 LSJPA, particulièrement en lien avec les faits de l’infraction et la participation de l’appelant à celle-ci.
- Les faits contenus à la transcription de l’audition en première instance ne justifiaient pas l’infraction reprochée, particulièrement en lien avec la mens rea requise dans le cas en espèce (culpabilité par le biais de la participation à une infractions sous 21(1)b) C.cr.)